Dans les bacs #2 – Semaine du 13 octobre 2017

Vous êtes perdus chaque vendredi face à la masse de disques qui sort ? Vous ne savez pas quoi écouter ? Haut Courant vous aide à faire le tri.

Wu-Tang Clan – The Saga Continues

Les légendes ne meurent jamais. L’adage vaut pour le groupe mythique de RZA : Wu-Tang Clan. Alors que l’on pensait que A Better Tomorrow était leur dernier album, les voilà de retour avec The Saga Continues. Les fans de hip-hop seront ravis à coup sûr.
Espérons juste que le rendu final soit meilleur que leur dernier disque en date. Les premiers extraits dévoilés dont « People Say » laissent présager un bon cru.
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P!nk – Beautiful Drama

Ce vendredi 13 octobre est décidément marqué par les retours. La chanteuse P!nk revient avec son septième album, le premier depuis 5 ans. Porté par le single efficace « What About Us », Beautiful Drama est produit notamment par le faiseur de tubes Max Martin. À réserver aux amateurs de pop.
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Kalash – Mwaka Moon

C’est la grosse sortie rap français de la semaine. Kalash revient un an après son précédent opus, Kaos, qui avait été disque d’or. Autant dire que ce nouveau disque est attendu avec impatience par les fans de rap. Le rappeur s’est notamment entouré des stars montantes du genre : Damso et Niska. Vous n’avez certainement pas fini d’en entendre parler.
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Gucci Mane – Mr. Davis

Gucci Mane, le rappeur originaire d’Atlanta, propose ce vendredi son 11e album. Intitulé Mr. Davis, l’opus est composé, comme c’est souvent le cas dans le rap, de plusieurs featurings. Des invités alléchants avec, pour ne citer qu’eux : Big Sean, The Weeknd, A$ap Rocky ou encore ScHoolboy Q. Les amoureux de trap seront servis.
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Multi-interprètes – Sardou et nous…

Et un énième album de reprises. Une semaine avant le nouveau disque de Michel Sardou, les jeunes pousses de la chanson française reprennent les plus grands tubes du chanteur. On retrouve notamment les membres des Kids United. Au programme : En chantant, Les lacs du Connemara, Je vole ou encore La maladie d’amour. Une occasion de faire connaître aux plus jeunes ces monuments de la variété française.
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Princesse de sa ville

Érigée en porte-étendard d’un rap féministe, la jeune rappeuse du Bronx Princess Nokia détonne dans le paysage du rap. Une démarche artistique singulière entre revendication d’un héritage hip-hop et détournement de ses codes.

Des petits seins et un gros ventre. Une plastique rarement représentée, encore moins revendiquée. C’est pourtant ce dont se vante Princess Nokia sur « Tomboy », le premier single de son projet 1992 sorti en septembre dernier. Plus de deux ans après sa mixtape Metallic Butterfly, la jeune new-yorkaise d’origine portoricaine revient avec un album plus consistant et qui prend pour titre son année de naissance.

Tout débute par un regard dans le rétroviseur sur le titre « Bart Simpson ». Un morceau introductif à la fois ode au New-York des années 90 et récit d’une adolescence aussi studieuse que celle du personnage à la peau jaune et au tee-shirt rouge. À 16 ans déjà, la jeune Destiny a une furieuse envie d’émancipation. Avec 3 dollars en poche et 70% de batterie sur son téléphone, elle quitte le foyer familial pour concrétiser ses envies musicales. On comprend mieux la référence à la célèbre marque de téléphone finlandaise.

Biggie féministe

L’entrée en matière à peine terminée qu’on entend de gros moteurs vibrer sur «Tomboy ». Un côté garçon manqué assumé, de l’égo-trip, une insolence, et une envie de tout bouffer qu’on retrouve sur tout l’album. Princess Nokia se réclame d’un certain héritage du rap, y fait référence, mais se joue de ses codes pour servir son message féministe. Un thème majeur de l’album. En 1994 dans « Big Poppa », Notorious Big se vantait de piquer la copine des mecs qui s’absentent pour leur acheter un verre de vin. En 2016 dans « Saggy Denim », Princess Nokia se vante elle, de fuir les mecs lorsqu’ils partent acheter ce même verre. Un propos qui navigue subtilement entre hommage aux anciens et dénonciation de certains clichés machistes du rap.

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Côté couleur musicale, l’album est à l’image de New-York. Une multitude d’influences et des ambiances entre angoisse, mélancolie et grandiloquence. Des synthés inquiétants pour « Brujas » et ses références à la sorcellerie. Des notes jazzy qui habillent le morceau « Green Line » dans lequel Princess Nokia décrit sa fascination pour la ligne 6 du métro new-yorkais qui lui permet de traverser la grosse pomme pour 2,50$. Des sirènes et des basses à retourner le (gros) ventre pour « Tomboy » et « Kitana ».

Rester indépendante

L’album se termine sur un freestyle de 4 minutes au son volontairement crade. La jeune rappeuse balance ses rimes sur une instru qui semble s’échapper du vieux lecteur cassette de sa chambre d’ado. Une dernière piste comme un contre-pied, une piqûre de rappel. Princess Nokia pourrait être signé en major et vendre des disques super produits par milliers, mais elle préfère rester cette jeune fille qui rappe pour s’amuser. Enregistrer sa musique sur un PC à l’écran fissuré. Se frayer un chemin jusqu’au micro en esquivant les marvels et les sachets d’herbe qui jonchent le sol. Rester indépendante et lâcher ses albums gratuitement sur internet. Un choix osé mais qui l’amène aujourd’hui à exporter sa musique bien au-delà de la ligne 6.

« Pas Les Mêmes Projets », le label indépendant qui redonne des couleurs à la scène musicale montpelliéraine

Début novembre, le label montpelliérain PLMP pour « Pas Les Mêmes Projets » a officialisé sa création. Proposant un répertoire musical éclectique, PLMP garantit une liberté de création et d’expression totale à ses artistes. Coup de projecteur sur le label montpelliérain !

« Asseoir PLMP dans le paysage musical français… jusqu’à l’infini ». Les membres fondateurs du label ne manquent pas d’ambition et d’audace concernant « Pas Les Mêmes Projets ». Même si le label n’en est qu’à son stade embryonnaire, Alexandre, Sufyan et les rappeurs Paolo, Hedi Yusef et Ideal Jim sont, malgré tout, déterminés à apporter leur vision artistique. Pour eux, un seul crédo : ne pas limiter les élans créatifs des artistes signés tout en restant sincères et garder des valeurs qui leurs sont propres.

Logo du label Pas Les Mêmes Projets

Une affaire de famille

L’histoire de PLMP commence au début des années 2010 lorsque, amis de lycée à Poitiers, Paolo et Hedi Yusef commencent à faire leurs classes dans le rap au sein du groupe L’Arkanson. Vite rejoint par Alexandre Marchand afin de les manager, le groupe écume les petites scènes et obtient rapidement un succès d’estime dans le milieu du rap underground grâce à leurs clips et leurs multiples collaborations. Par ce biais, Ideal Jim, rappeur originaire de Rennes, rencontre les membres du groupe et se lie d’amitié avec eux. Si tous vaquent à leurs différents projets musicaux et études pendant toutes ces années, « le projet est toujours resté dans les têtes et dans les cœurs », déclare Paolo. Au début de l’année 2016, le projet de création de label est remis à l’ordre du jour lorsque chacun décide de se rejoindre à Montpellier afin de retrouver Alexandre, jeune diplômé d’un master en management de l’entreprise et Hedi Yusef, rappeur au sein du label, qui viennent d’y ouvrir un studio de conception sonore. Vécu comme « une aventure entre potes » selon Ideal Jim, le label s’officialise début novembre avec une vidéo de présentation des différents artistes signés (voir ci-dessous). Alliant leurs savoir-faire personnels et leurs envies, les 5 fondateurs fondent une « vrai équipe polyvalente » d’après Hedi Yusef. Naturellement et logiquement, les membres du label mettent à profit leurs expériences et leurs réseaux communs dans le domaine musical afin de signer pas moins de 9 artistes ou groupes au sein de l’écurie PLMP. Ambitieux pour un label qui se lance lorsque habituellement ceux-ci préfèrent commencer avec un effectif réduit.

Catalogue 2016 du label de musique « Pas Les Mêmes Projets » à découvrir en musique. La vidéo est réalisé par Sufyan Hallami.

Indépendance et diversité

À l’écart de contraintes commerciales imposées par les maisons de disques traditionnelles comme Sony ou Warner qui limitent la liberté créatrice de leurs artistes, PLMP a la volonté de rester libre dans ses créations tout en s’affranchissant des codes musicaux existants. Au carrefour des genres, son catalogue regroupe des artistes d’horizons et d’univers différents. Il mêle deepwave rap, hip-hop live band, musique électronique en tout genre et d’autres sonorités plus pop. Pour les fondateurs, « le but est de refuser de brimer d’une quelconque manière les élans créatifs des artistes signés. » Le label, jouissant d’une réelle souplesse musicale, pousse ces artistes aux recherches et expérimentations les plus fécondes. Influencé par des labels indépendants californiens comme Brainfeeder, Top Dawg Entertainment ou encore Stone Throw où était signé Jay Dilla – compositeur et producteur légendaire de la scène hip-hop américaine –, qui possède une allée à son nom à Montpellier, PLMP est animé par un réel effort d’éthique et d’esthétique dans ses productions musicales et visuelles. Fondé sur la « solidarité, le positivisme et la quête de performance » selon Alexandre, les membres du label autogèrent l’intégralité de la production et accompagnent chaque artiste dans toutes les phases de développement, de communication et de promotion. Plus qu’un simple lieu de production, le studio d’enregistrement où se retrouvent les artistes du label est un lieu de rendez-vous, de rencontres, de propositions et de croisements d’idées.

Dernier clip d’Idéal Jim, membre fondateur et artiste du label.

Si PLMP est pour le moment un label indépendant, il n’est pas voué à rester uniquement dans le domaine musical. Les fondateurs souhaitent développer, dans un futur proche, un vrai lifestyle en commercialisant des vêtements, des objets d’arts, etc… Malgré de faibles moyens économiques et des budgets réduits, le label montpelliérain conserve un fort appétit pour se faire reconnaitre. Ambitieux, les fondateurs de l’écurie PLMP travaillent d’arrache-pied en ayant tous en tête l’intime conviction qu’ils sont capables de devenir un label de référence. Avec les sorties de nombreux projets courant 2017, dont ceux de Junior Sauvage et d’Ideal Jim dès le début de l’année puis celui de Late Notice au mois d’avril, le label compte bien convaincre le public grâce à la qualité et à l’esthétique visuelle de ses productions. En tout cas, les yeux d’une bonne partie de l’industrie musicale devraient se tourner vers PLMP très prochainement.

« We got it from here… thank you 4 your service » : la tribu termine sa quête

18 ans après leur dernier album, 8 mois après le décès de Phife Dawg, l’un des membres fondateurs, le légendaire groupe new-yorkais A Tribe Called Quest revient pour un nouvel album qui conclut une riche carrière.

Vendredi 11 novembre : la France honore ses morts et la fin des combats de la première guerre tandis que A Tribe Called Quest sort son dernier disque en guise d’hommage à l’un de ses membres décédé. Phife Dawg, rappeur fondateur du groupe, s’est éteint le 18 mars dernier, mettant fin au combat de sa vie contre le diabète. Trente ans en arrière, il forme avec ses amis d’enfance Q-Tip, Jarobi White et le DJ/producteur Ali Shaheed Muhammad le groupe Quest. Une attitude cool, des chemises bariolées, des références aux cultures africaines et un héritage assumé du jazz et de la soul, des caractéristiques qui tranchent avec le rap de l’époque qui amorce alors un virage plus dur, plus cru, plus gangster. Invité sur des titres du groupe Jungle Brothers, Q-Tip est présenté comme venant d’une tribu appelé « Quest ». Le nom restera. A Tribe Called Quest sort en 1990 son premier album, People’s Instinctive Travels and the Paths of Rhythm et est associé avec cette constellation d’artistes qu’on désigne sous le nom de Native Tongues, à un rap cool et festif, à des hippies du rap.

Quatre chefs d’œuvre et une séparation

Quatre albums suivront, dans lesquels ils poursuivent ces expérimentations musicales et qui s’imposent comme des marqueurs de cette mouvance jazz-rap du début des années 90. Low End Theory est souvent cité parmi les meilleurs albums de hip-hop et classé 153e par le magazine Rolling Stone dans son top des meilleurs albums tous styles confondus. Midnight Marauders est aussi acclamé par la critique et Beats Rhymes and Life, au départ un peu délaissé, est aujourd’hui reconsidéré et reste comme l’album qui a fait découvrir au monde le producteur de génie qu’était J-Dilla. Quant à The Love Movement, le groupe lui-même concède que ce projet n’aurait jamais dû voir le jour. L’album est loin d’être mauvais mais la magie n’est plus là. L’inspiration artistique s’use, l’amitié aussi. Celle qui lie depuis l’enfance Q-Tip et Phife Dawg n’est plus. Les deux hommes se déchirent et Ali Shaheed Muhammad n’est que le témoin de cette mort annoncée du groupe.

Dix-huit ans ont passé et pour emprunter une expression au rappeur Fuzati, le groupe n’est plus qu’un « souvenir gravé dans des morceaux de cire » chez les amateurs de hip-hop. Q-Tip multiplie les collaborations et développe sa carrière solo, Phife Dawg sort un album en 2000 puis se consacre essentiellement à sa vie de famille. Ali Shaheed Muhammad poursuit lui sa carrière de DJ pour lui-même ou pour d’autres groupes. Il y a bien eu cette réunion éphémère en 2010, cette tournée, ces quelques concerts, mais il n’a jamais été question de réentendre des nouveaux morceaux de A Tribe Called Quest. Alors quand on apprend la mort de Phife Dawg en mars dernier, on se résigne et on réécoute ses vieux disques comme on regarde des vieux albums photos : avec nostalgie et tendresse.

Album d’outre-tombe

Août 2016. La fin d’une trop longue trêve. Les fans et les médias s’agitent lorsque Epic Records annonce que A Tribe Called Quest sortira prochainement un nouvel et ultime album. Si le projet n’était pas terminé à la mort de Phife Dawg, le groupe avait déjà bien en tête le plan et la couleur musicale de l’album. La liste des featurings est à la hauteur de l’événement : Busta Rhymes le compère de toujours, Kendrick Lamar l’un des actuels « garde-barrière » du flow pour Q-Tip sur le titre Dis Generation, Anderson .Paak le nouvel homme à refrains du rap, Jack White le guitariste des White Stripes, Elton John, Kanye West ou encore Andre 3000 de Outkast.

Dès les premières notes pas de doute : on est bien sur un album de Tribe. Une boucle de clavier, une ligne de basse enveloppée par les caisses claires, la voix suave de Q-Tip et un propos annonçant la couleur profondément politique de l’album. « There ain’t a space program for niggas. » Hasard du calendrier, l’album sort trois jours à peine après l’élection de Donald Trump et le second morceau « We The People » lui semble dédié. Q-Tip invite les noirs, les mexicains, les pauvres, les musulmans et les homosexuels à lutter contre les violences policières, les discriminations religieuses et les inégalités de genre. L’indifférence de la société américaine pour les noirs américains est un thème central de l’album. Elle est symbolisée pour eux par les meurtres toujours non élucidés de deux des grandes figures noires contemporaines que sont Tupac et Notorious Big. Paradoxe troublant : les huit ans d’Obama à la Maison Blanche n’auront pas franchement atténué ce sentiment de délaissement. Le retour de ces thématiques dans les albums de rap et de R&B ces derniers temps en témoigne.

Ni jubilé, ni vieux cons, ni all-star game

On aurait pu craindre un album jubilé. Un album qui, comme ces matchs de football d’anciennes gloires où l’on voit Ronaldo ou Maradona traîner péniblement leurs kilos en trop, nous aurait violemment rappelé que leur splendeur est maintenant bien loin. Il n’en est rien. Le groove et la sensibilité de la voix de Q-Tip se marie toujours parfaitement avec le flow saccadé de Phife Dawg, comme une passe de Zidane épouse un appel de Raùl. On aurait pu redouter un album de vieux cons. Un album qui, comme ces vieux groupes qui capitalisent sur leur gloire passée, reproduisent les mêmes sons 25 ans plus tard. Un album anachronique comme une candidature de Juppé. Il n’en est rien. La patte du groupe est là mais leur son est cuisiné à la sauce 2016. Les roulements de batterie sur Lost Somebody pourraient sortir d’un morceau de trap, et les présences de Anderson .Paak, Kendrick Lamar ou Syd Tha Kid soufflent un vent de jeunesse sur cet album d’anciens.

Au vu de la liste des featurings, on aurait pu avoir un album « all star game ». Un album qui, comme ces matchs d’exhibition en basket, ne fait qu’aligner des noms ronflants sans se soucier de leur complémentarité. Il n’en est rien. Chaque invité semble être un cinquième membre éphémère du groupe. Sur Dis Generation , les rimes de Busta Rhymes répondent à celles de Phife et Tip comme à l’époque de « Scenario  ». Sur Kids, Andre 3000 partage le micro avec Q-Tip sur une production qui pourrait être issu de l’album Stankonia d’Outkast. Le solo de guitare de Jack White ponctue magnifiquement les saillies de Q-Tip sur Ego. Et même le grandiloquent, le dieu autoproclamé Kanye West, s’efface à bon escient et ne chante que quelques mots ajoutant à l’émotion qui transpire du morceau sur le pont de The Killing Season.

L’album s’achève sur un dernier morceau hommage à Phife Dawg. We Got it From Here… Thank you 4 your service (« On gère la suite… On te remercie pour ton service »). Le dernier chapitre d’une quête musicale. Un chapitre au titre choisi par le défunt rappeur. Que signifie-t-il? Les autres membres du groupe l’ignorent mais l’ont gardé en hommage à leur ami disparu. « Les mystères sont des objets de contemplation, non des énigmes à élucider » disait le philosophe et journaliste André Frossard. Que Phife parte en paix avec son secret.

2e émission K-In Actu

Les membres de l’équipe d’Haut Courant animent l’émission K-In Actu en collaboration avec Kaïna TV.

Au programme du 22 février 2013 :

Reportage sur les artisans du bâtiment : Le chantier de Pierrevives fait débat – Jordane Burnot, Clothilde Dorieux, Marion Genevois, Coralie Pierre

Interview de Saïd Benabida et Najib El-Aïdaoui, respectivement président et vice président de l’associaiton 2AIP

Le Rapporteur : Entretien avec Tekilla- Richard Lacroix, Simon Robert

Chronique Viens dans mon quartier – Lucie Lecherbonnier

Présentation : Coralie Pierre, Simon Robert

Le reportage présenté dans cette émission n’est qu’une version partielle d’un reportage de quatre minutes.
L’AMAI, association Montpelliéraine d’aide et d’insertion n’a pas souhaité être associée aux invités et interviewés sur le plateau de l’émission, membres de l’association 2AIP. Ces deux associations d’artisanat du bâtiment, basées dans le quartier de la Paillade poursuivent pourtant un même but : faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics de Montpellier qui n’accordent des chantiers qu’aux gros constructeurs, sans impliquer les artisans locaux comme c’est le cas sur le chantier de Pierrevives. Si l’AMAI estime que la CAPEB, syndicat des artisans du bâtiment, n’œuvre pas suffisamment en faveur de l’emploi de ces artisans locaux, l’association 2AIP est associée à la CAPEB et soutenue par le Conseil général. Alors qu’André Vezihnet a décidé de retirer à l’AMAI une subvention de près de 40 000 €, les tensions entre les deux associations sont palpables. C’est pourquoi le reportage a été tronqué dans l’émission. Pour voir la version complète de ce reportage, cliquer ici.

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K-In Actu

Les membres de l’équipe d’Haut Courant animent l’émission K-In Actu en collaboration avec Kaïna TV.

Au programme du 22 janvier 2013 :

Reportage sur les emplois sous contrat d’avenir – Jordane Burnot, Clothilde Dorieux, Marion Genevoix, Coralie Pierre

Interview de Sébastien Clausier, responsable de la crèche Zébulon et employeur d’une jeune sous contrat d’avenir

Le Rapporteur: Entretien avec Monotov – Richard Lacroix, Simon Robert

Chronique Cinéma – Coline Chavaroche

Chronique Viens dans mon quartier – Lucie Lecherbonnier

Présentation: Coralie Pierre, Simon Robert


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Jamel Mektoub: « le mélange des genres »

Avec pour modèle le Prophète, « le seul à être parfait », Jamel Mazouzi a pour philosophie le Mektoub , « allant à l’encontre des regrets ». Tant mieux car à 33 ans, là où beaucoup tombent, lui se pose comme un individu aux multiples facettes. Rappeur montpelliérain, il a sorti cette année son deuxième et probablement dernier album, Pas de Justice, Pas de Paix. Rencontre avec un homme engagé qui en vaut trois.

Jamel Mazouzi est à ses heures un rappeur du microcosme montpelliérain. Suite à la perte d’un proche en 1999, il se lance dans l’écriture qu’il utilise comme libération. « Le morceau « Porté Disparu », c’est le début du rap ».

LIEN#1 : Clip Porté Disparu

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Contrairement à ceux qui se donnent un nom, lui, « c’est le public qui [lui] l’a donné ». À l’époque, sur son premier maxi, on trouve son nom de scène, Jamel, et le titre, Mektoub. A force de se faire appeler Jamel Mektoub, il décide de le garder.
N’étant pas, comme il le dit « issu de la musique », le Rap est celle dans laquelle il se reconnaît, « celle qui n’a pas besoin de cours ». « Fan modéré des précurseurs », il commence par animer une émission rap sur les ondes de la radio locale 91FMPLUS de 2001 à 2003. C’est là que les premiers freestyles apparaissent. « C’était très brouillon mais à partir de là on a voulu faire plus propre, carré». Avec ses collègues, il monte un groupe mais se lance rapidement dans une aventure solo, car Jamel « aime bien le chant ». Condamné pour cela dès les années 2000 par les puristes underground, il remarque avec ironie « qu’aujourd’hui ils en font aussi ». La seule obligation qu’il se donne « c’est qu’il y ait un message dans la chanson », ensuite, pour la forme, il « aime bien le mélange des genres ».
À partir de l’année 2003, les choses iront très vite. Il y a d’abord la première scène à la MJC Lodève. « Un tout petit concert mais le plus gros pour moi », se rappelle t-il.
Puis ce sont « les retrouvailles avec Chakib », qui fera les musiques et de nouvelles rencontres jusqu’au jeune marseillais Soprano, avec qui il collabore pour un morceau.
Un soir il se voit à la télé « sans être prévenu, sans savoir quoi que ce soit. En regardant les clips, j’étais fatigué, je tombe sur mon clip, «Boycott avec Soprano». Quand tu vois ça tu es choqué ».

LIEN#2 : Clip Boycott

Son rap plaît, notamment par la faculté qu’il a de se mettre dans la peau des autres. Quand on vient le féliciter pour son morceau Madame La Blanche qui traite de la cocaïne, on sent qu’il y est passé. « A la fin des concert on me disait : chapeau, vous en êtes sorti ! ». Mais non. Jamel ne fume pas, ne bois pas. Au point où plus jeune, il « ne mangeait même pas de YES ».

LIEN#3 : Clip Madame La Blanche

Face à la popularisation du rap à la fin des années 2000 et à l’émanation de tant de productions de faible qualité, Jamel Mektoub n’est pas intéressé pour continuer sans raison. Il veut du nouveau, « ne pas refaire pareil ». Vient alors l’idée d’une comédie musicale rap. Le projet est ambitieux. Trop peut-être, et le soufflé retombe faute de moyens.
Gardant l’idée en tête, il sort en 2012 le deuxième album Pas de Justice Pas de Paix, dont la particularité est un fil rouge qui relie chaque piste les unes aux autres tout en leur laissant une existence autonome.
Aimant « le rap qui s’écoute plus que celui qui s’entend », il ne « veut pas jouer le nostalgique mais il y a maintenant beaucoup moins de place au texte, et beaucoup plus au son ». Et pendant que l’on reproche aux rappeurs de s’inspirer des quartiers depuis les 20 dernières années, lui s’inspire de ce qu’il connaît. « Je suis inspiré par le Tiers-Monde, là où sont mes racines, mais aussi les injustices sociales, culturelles, politiques, dans le monde. Et parmi les grosses injustices, il y a ce qui se passe au proche orient ». Ses thèmes sont ceux des rapports entre les humains et les tribulations de ces derniers.

« Dénoncer, appeler un chat un chat, ça me plait !»

Aujourd’hui, alors qu’il sent le « rap devenir grabataire », il ne se voit pas faire d’autres CD. Il continuera d’animer des ateliers écriture et de participer à la transmission d’un savoir, mais « la forme actuelle » ne lui « plait plus », surtout qu’il a « su retrouver le poids d’un message et la lutte ailleurs ». Lui qui accorde surtout de l’importance au médium musical et au texte, est depuis longtemps engagé dans le social.
Car Jamel n’est pas un artiste qui s’arrête à ses textes, mais pousse son combat jusque sur le terrain.

Déjà populaire dans le monde du Rap dans les années 90, le Mouvement d’Immigration et des Banlieues a depuis été rebaptisé le Forum Social des Quartiers Populaires : rassemblement d’associations, qui « s’est un peu essoufflé ». « À partir de là, avec l’association Justice pour le Petit Bard, nous avons voulu le réanimer en créant le MIB34 qui est une antenne du FSQP ». Actifs socialement, ils travaillent actuellement beaucoup sur « le logement qui est une grosse problématique montpelliéraine ». L’accès à la culture pour tous est un autre de ses combats, « en faisant découvrir les structures culturelles à un public qui ne les connaît pas ».
Dans le rap déjà, il note qu’on « se mouille pas trop ». Au travers de l’anagramme R.A.P., il se voit à la fois comme « la Réflexion d’un Animal Politique » et qui n’a « Rien À Perdre ». Là où « un rap censuré n’a pas lieu d’être », il dit ce qu’il veut quand il veut « tout en gardant en tête qu’il a des responsabilités ». Mais « dénoncer, appeler un chat un chat, avec plaisir » il le fait.
« Quand je m’engage sur la Palestine, par exemple, je regarde le droit international (…) et je sais surtout que quand je manifeste, autour de moi il y a des français, des arabes, des juifs, l’union juive française pour la paix ».
Quand on lui parle de politique, il répond « pourquoi pas ». Après tout, il en fait depuis qu’il écrit. Lui-même le dit sans cesse, « il y a une continuité, tout est lié, le rap, la lutte, le social. On appelle ça la liberté d’expression ».

LIEN #4 : Chanson Palestine


« Tout ce qui est en marge, j’aime bien le mettre en avant»

Après s’être redriger vers le métier du bâtiment, il devient Maître d’œuvre à la fin des années 2000. Depuis 2008, il créé son entreprise « Les Archi-Constructeur » et devient entrepreneur.
Mais maintenant que sa propre maison est construite, il est sur « un nouveau projet professionnel et personnel ». Le regard toujours porté vers l’avenir, il « voudrait créer un complexe sportif » dans le Nord de Montpellier. Finançant le projet, il attend patiemment la décision. Dans le but de « créer un lien inter classe sociale, mais aussi la promotion du football féminin. Tout ce qui est un peu en marge, (il) aime bien le mettre en avant ».

Quand on lui demande s’il pense avoir atteint des buts dans sa vie, il se souvient enfant avoir voulu « devenir mécanicien, et ne pas savoir changer une roue aujourd’hui ». Il prend un instant de réflexion et admet que la finalité n’était « pas le disque d’or » mais de « bâtir une famille honnêtement. Donc oui, c’est bâti ».
Après une scène au Zénith de Montpellier, un Maxi et deux albums, des interviews et une certaine reconnaissance artistique, Jamel Mazouzi est aussi un homme engagé qui n’hésite pas à porter sa voix au delà d’un chant. Il est également un père qui met sa famille à l’abri avant tout. A l’heure de ses 33 ans, et avec encore de nombreuses idées en tête, Jamel apparaît définitivement comme un véritable architecte, constructeur … d’avenir !

Les Pairs du Rap

Sorti cet été, il est désormais disponible au téléchargement, illégal ou légal (à chacun de trouver ses raisons), le documentaire tant attendu du rappeur Ice-T et du réalisateur Andy Baybutt : « Something from Nothing : the art of rap » .

Se posant devant la caméra et non plus derrière le micro, Ice-T nous rapproche des débuts du Hip-hop de New-York, Detroit, LA. Avec son partenaire, il rencontre pour nous, d’une côte à l’autre de l’Amérique, ceux qui ont fait le rap, afin d’en faire surgir l’essence. Un documentaire dont l’angle surprend et satisfait : comment ont-il écrit, pourquoi, et que c’est-il passé depuis ?

Des images magnifiques d’individus vieillis face à une discipline en pleine jeunesse.
Seul hic, peut-être, la participation un peu trop impliquée de Tracy Marrow (Ice-T). Elle commence par le souhait légitime d’un ancien DJ de présenter une facette technique de son monde, mais propose petit à petit un catalogue de ses propres prouesses.

Le documentaire se termine par un couché de soleil. Entre lui et nous, Ice-T, de profil, qui nous assure rester vrai. En posant un œil sur sa carrière, on pourrait finir par le croire. En tout cas on le remercie.

Ce documentaire reste 1 h 30 de plaisir pour les amateurs de Hip-hop. Il offre enfin un nouvel angle à l’intérêt qu’on porte à la discipline : celui de l’intérieur.

Perseverance is the word

L’attrape salive ici !

Une star du RnB américain à Montpellier

Décidément la charmante ville de Montpellier est une attraction pour les people du monde entier. En effet, si vous étiez ce samedi, place Jean Jaurès, aux alentours de 16h30, vous auriez aperçu dans un bain de foule la star du RnB américain Omarion.

Dans une ambiance plutôt décontractée, on pouvait voir ce samedi à Montpellier, la star américaine longer la rue de la Loge en direction de la Place de la Comédie. Créant ainsi une vive émotion auprès des passants, Omarion, qui se produisait le jour même au Coton Club de Montpellier, a traversé le centre ville accompagné de son staff et signant des autographes.

De son vrai nom, Omari Ishmael Grandberry, né le 12 novembre 1984 à Inglewood (Californie) et plus connu sous le nom d’Omarion (Prononcez oma-ri-onne). Ce chanteur afro-américain de RnB aux multiples talents est acteur, parolier, producteur de disques, fondateur du groupe 2 Much et ancien chanteur leader du boys band B2K.

En 2001, Omarion devient le leader du boys band hip hop/R&B B2K, un groupe composé de quatre membres : Omarion, Jarell J-Boog, DeMario Raz-B Thornton, et Dreux Lil Fizz Frederic. Ensemble, ils sortent un premier album, B2K, mais connaissent plus de succès avec le deuxième, « Pandemonium ». Classé dans le top 10 au Billboard 200. Cet album leur offre une première place avec le titre Bump Bump Bump. Après leur troisième album, et la bande originale du film « Street Dancers », le groupe B2K annonce sa dissolution.

Plus chanceux que ses anciens compères, Omarion sort son premier album solo, O, dont la chanson éponyme fait un carton aux États-Unis. La même année, il participe comme invité à la chanson Let Me Hold You de Lil’ Bow Wow qui est classée numéro 4 au Billboard Hot 100 : c’est la première fois que le chanteur est propulsé dans le top 10 en tant qu’artiste solo.

En décembre 2006, il sort son deuxième album, 21, le titre représentant l’âge qu’il avait au moment de l’enregistrement, bien qu’il eût ses 22 ans avant la sortie de cet album. Entourage, le premier extrait de l’album n’atteint que la 58e place au Billboard Hot 100.

Toutefois, au cours de sa carrière, l’artiste a collaboré avec les poids lourds de la scène Rap/Rnb américaine. Notamment, Ciara, Young Joc, Ne-Yo, Usher, Lloyd, Mario, Pretty Ricky, Jibbs,Ashiq et d’autres chanteurs et rappeurs.

Depuis, le jeune artiste a écrit son autobiographie, O, sortie en 2005, dans laquelle il raconte sa vie depuis son enfance, son appartenance à un gang, jusqu’à sa carrière cinématographique mais également son aventure en tant que membre des B2K, dont il donne entre autres les raisons de la séparation.

Abd Al Malik : « Allumons les bougies de l’espoir ».

En amoureux des mots et poète humaniste des temps modernes, Abd Al Malik est venu déclamer quelques extraits de son nouveau livre « La guerre des banlieues n’aura pas lieu » et partager sa vision de la vie, de la France, de l’avenir. La librairie Sauramps Odyssée a accueilli le rappeur, slammeur et auteur-compositeur, ce mercredi 24 mars, pour le plus grand plaisir des Montpelliérains. Après la rencontre, c’est avec le sourire qu’il se livre à HautCourant. Un petit instant d’éternité.

« Nous sommes tous issus de la même lumière ». Une dédicace. Des mots qui touchent au cœur. Abd Al Malik, c’est ça. « Avec le cœur », une générosité, une émotion, un amour des mots. Un artiste qui garde le sourire et ne fait pas semblant. De Sénèque à Akhénaton en passant par Aimé Césaire et Jean Ferrat, son univers éclectique se dessine autour de philosophes, de rappeurs, de grands noms de la littérature et de chanteurs d’une autre décennie. « Un mélange de tradition et de modernité ». Pour lui, l’art a l’ambition d’universel.

Défaire les clichés et déconstruire les préjugés, voilà son maître mot. A ceux qui le voient tantôt comme un rappeur, tantôt comme un slammeur, tantôt comme un interprète de « chanson française de cité », il répond : « je suis un rappeur qui amène une singularité à mon art ». A ceux qui ne voient l’Islam que par le prisme de l’extrémisme, de la violence et de la burqa, il répond que lorsque l’on est dans une vraie démarche spirituelle, « on est dans le respect des lois du pays, dans le respect de tout être – homme et femme –, dans le respect de soi-même, on est dans l’écoute, dans le non-jugement, dans le dialogue… ». A ceux qui ne voient dans les banlieues qu’une bombe à retardement, il offre La guerre des banlieues n’aura pas lieu.

Une lettre ouverte à Éric Besson

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Sorte de conte initiatique moderne qui présente un cheminement de vie et offre un état des lieux sur la France d’aujourd’hui, La guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est un peu le Mentir-vrai d’Aragon. Se servant d’un matériel autobiographique provenant de sa propre histoire, Abd Al Malik raconte des faits réels gardés dans sa mémoire pour une composition fictionnelle qui, bien que produit d’un mensonge et donc « menteuse », transporte une vérité qui s’approche plus de la réalité. Son objectif ? « Dire que nos élites politiques, culturelles et intellectuelles, sont de plus en plus déphasées avec la réalité, avec ce que l’on peut vivre, nous, dans la vraie vie. Il faut résorber le fossé entre les élites et nous le peuple. Il faut que l’on travaille à ce que la France soit à la hauteur d’elle-même. En termes d’idées et de principes philosophiques et fondateurs, la France est un pays merveilleux. Mais, les valeurs n’ont de sens qu’illustrées. Liberté, égalité, fraternité, richesse de la diversité, ces beaux principes n’ont de sens que s’ils sont actés. Sinon, c’est cruel, gravissime, presque criminel ». Un politique, comme un artiste, c’est quelqu’un qui devrait avoir « mal aux autres », dit-il en citant Jacques Brel.

Le poète réalise au fur et à mesure de son écriture que son livre est une véritable lettre ouverte à Éric Besson, une réponse au débat sur l’identité nationale. Qu’est-ce que l’identité française, et non nationale, pour lui ? « L’identité française, ce n’est pas une religion, une couleur de peau, c’est une communauté d’idées, une vision, un être au monde. C’est le rapport à l’universel, à la langue, à la singularité, à la culture. C’est ça que d’être français, et je suis fier et heureux d’être français. Il faut que l’on montre la richesse et la beauté de cette identité-là. Ce débat aurait pu créer du lien mais, maladroit et agressif, il a été mal mené. Conséquence : la montée du Front National et une désunion dans le pays. »

Et, face à un monde « incohérent » où les êtres sont « éclatés », il faut « travailler à être un, de l’intérieur ». Pour le poète, s’il est une chose fondamentale dans cette construction, c’est la cohérence : « ma cohérence est éthique, déontologique et morale, avec des valeurs. Sans être toutefois ni dans une démarche moralisatrice, ni une démarche dans le jugement d’autrui ».

Des mots qui dansent, une émotion passe. Questions à un poète.

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« Les mots mènent aux actes […] Ils préparent l’âme, la mettent en condition, la poussent à la tendresse ». Sainte Thérèse d’Avila (citée par Abd Al Malik dans la préface de La guerre des banlieues n’aura pas lieu)

Pensez-vous que seuls les mots peuvent guérir les maux de la société ?

Bien sûr. Tout part de là, tout commence par les mots. « Au commencement était le Verbe » (nldr, Évangile selon Saint Jean). Autant, l’Histoire nous a montré que des horreurs ont trouvé leur origine dans les mots, autant les changements positifs trouvent aussi leur origine dans les mots. Alors, le verbe est soit porteur de vie, soit mortifère. C’est à nous de choisir.

D’où vient cet amour des mots ?

Gamin, j’étais dyslexique. Quand j’ai pu lire et écrire correctement, ça a été une bouée de sauvetage, puis un merveilleux véhicule pour voyager. C’est un monde qui s’est ouvert à moi. J’ai dévoré tous les bouquins, même si je ne comprenais pas tout ce que je lisais. Très tôt j’ai été introduit à de grands auteurs. Et, petit à petit, ces auteurs sont devenus des amis. Des amis qui, peu à peu, m’ont poussé à l’écriture.

J’ai une vie livresque très riche. Mais, s’il y a une chose que tous ces auteurs m’apprennent, c’est que le plus important n’est pas dans les livres. Le plus important est dans la vie. Les livres ne sont qu’un prétexte pour faire du lien, pour comprendre que l’on doit partager avec les gens, que l’on doit vivre les choses. L’essentiel se vit. Lisez, puis fermez les livres et vivez.

Que pensez-vous de l’adage « le poids des mots, le choc des photos » ?

J’aimerai que l’on aille plus loin. Un être, ce n’est pas qu’une photographie. Les gens sont faits de chair et de sang, ils ont des espoirs, des craintes, des peurs, des joies. Les mots aident à décrypter, à décrire un monde intérieur, à communiquer, à échanger avec les autres. Par contre, il faut se méfier des images. C’est une réalité figée dans le temps et dans l’espace. Or, il y a des choses qui se passent en annexe, avant et après.

Pensez-vous qu’un mot peut tuer ?

Bien sûr. Parfois, on dit des choses abruptes, comme ça, sans se rendre compte et ça peut tuer. Les mots peuvent empêcher l’espoir, la possibilité de transcender une condition et peuvent être porteurs d’enfermement. C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux mots que l’on emploie.

Vous vous dites patriote. C’est dans une démarche patriote que vous avez écrit ce livre ?

Ma démarche artistique, musicale ou littéraire, est souvent faite dans une démarche patriotique. Un patriotisme au sens de Sartre, de Camus : dire qu’il y a des valeurs avec lesquelles on ne doit pas transiger. Des valeurs que l’on doit porter, défendre, envers et contre tout.

Quelles sont les valeurs les plus importantes pour vous ?

D’abord, les valeurs fondatrices de ce pays : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’universel. Puis, le respect de l’autre dans la différence, la solidarité, le fait de pouvoir transcender sa condition par le savoir et devenir quelqu’un alors que l’on vient de nulle part. Ce sont des valeurs ancrées à l’Histoire de ce pays. Des gens se sont battus, sont morts pour ça.

Dans C’est du lourd, vous dites « quand tu insultes ton pays, tu t’insultes toi-même », à qui est adressé ce message ?

A nous tous. Beaucoup ont pensé que je m’adressais uniquement aux jeunes des cités. Bien sûr, cela les concerne. Mais, cela concerne aussi les politiques et les élites en général. Dont des intellectuels qui ne voient que des choses négatives, qui refusent de voir que la diversité est une chance ou d’admettre que l’immigration a toujours été source de richesses. C’est aussi insulter son pays. Il est facile de dire : « regardez rien ne fonctionne ». Tout le monde peut le faire. Mais se dire « c’est vrai que c’est difficile, mais soyons ceux qui allumons les bougies de l’espoir, au lieu de constater et de rester dans l’obscurité » est autrement plus enrichissant.

Pourquoi cette référence à La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux ?

D’abord pour m’inscrire dans un acte littéraire. Puis, je trouvais ça fort, le fait que personne ne veut la guerre mais que des fois on agit de manière inéluctable vers elle. La possibilité de ne pas faire la guerre est dans nos mains à tous, pour peu que l’on s’en donne les moyens, que l’on évoque et que l’on invoque la paix. Dire que la guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est une ligne de mire, c’est dire : « on va faire en sorte qu’elle n’ait pas lieu ».

Vous parlez souvent de spiritualité, comment la vivez-vous quotidiennement ?

Je la vis au travers de l’Islam. Je suis musulman pratiquant. Mais, la spiritualité embrasse toute chose. On peut ne pas croire en Dieu et être profondément spirituel. La spiritualité est un être au monde. C’est une capacité à partager avec les autres, à comprendre que notre destin à tous est lié.

Êtes-vous un optimiste ou un idéaliste ?

Les deux. Optimiste, c’est voir le verre à moitié plein. Idéaliste, c’est avoir un idéal. Le fait de rêver, d’avoir des utopies, de voir les choses de façon positive, permet de travailler à rendre nos rêves réels. Je ne suis pas « cuicui les petits oiseaux », je ne nie pas les problèmes que l’on traverse. Mais, ma démarche est authentiquement positive. Mon idée est de donner de l’espoir.

Pour finir, pensez-vous que tout ne passe que dans l’émotion que suscite les mots ?

Dans l’émotion, il n’y a ni couleur, ni sexe, ni âge, ni milieu socioculturel. Il y a juste des hommes et des femmes avec un même cœur qui bat.

Julie DERACHE