« Mille cœurs debout ! », ou peut-être un peu moins lors de l’arrivée triomphante de Carole Delga à son meeting. Ce soir de novembre, elle est à Frontignan, la chanson de Cali résonne, les poings se lèvent, les militants frappent des mains pour accueillir l’ancienne ministre-candidate. Elle porte certes les couleurs du gouvernement, mais ses habits sont d’un rouge bien plus vif que la politique de Manuel Valls. Et ce sourire aux lèvres presque forcé qui veut nous faire croire qu’au Parti Socialiste tout va bien…
Agrippée au pupitre, elle a déjà gagné : « Lorsque je serai la présidente de cette région… », engrène-t-elle comme si la bataille était déjà pliée. Sa langue de bois laisse parfois bouche bée mais chez les militants socialistes, on apprécie cette jeune femme dynamique et accessible. « Elle est gentille, souriante, ouverte. Il y a toujours plein de monde qui veut lui parler, elle est très entourée », assure Pénélope Guilbaud-Greffié, 19 ans, la plus jeune de ses colistières.
Donnée favorite au second tour par les sondages, avec 39% des voix selon BVA, cette toulousaine âgée de 44 ans semble très sûre d’elle. Pourtant, son horizon politique n’est pas si rose : une gauche dispersée, le Front National très nettement devant elle au premier tour selon toutes les enquêtes, et même son challenger des Républicains qui la devance. D’autres chancèleraient pour bien moins.
De la mairie de Martres-Tolosane à Bercy
Malgré son jeune âge, Carole Delga c’est d’abord un CV quasi irréprochable et une trajectoire à rendre jaloux un apparatchik de Solferino. Martin Malvy, actuel président de Midi-Pyrénées souligne sa « particularité de connaitre le fonctionnement de la mairie à l’Etat. » Fier de sa protégée (« On ne peut pas rêver mieux »), il cache à peine en avoir fait sa créature pour lui succéder. Elle le rencontre voilà une dizaine d’années alors qu’elle est chef de service au conseil régional à l’aménagement du territoire. « Lors des réunions de travail, elle était pertinente, avec des idées, de bonnes idées, à la fois lucide et volontaire. Et surtout de l’imagination. Au bout de quelques années, je me suis dit qu’elle pourrait devenir élue régionale ». Certes, Carole Delga dit s’inscrire dans la « conception politique de Martin Malvy ». Elle nuance cependant: « je suis inspirée mais pas tutorée ».
Diplômée d’un Master II en Droit des collectivités locales, elle entre en politique en 2008, élue maire de son village Martres-Tolosane. Elle le restera six ans et devient en 2010 vice-présidente de la région Midi-Pyrénées. En 2012, à sa grande surprise, elle est élue députée de la huitième circonscription de Haute-Garonne avec 51,6 % des voix. C’est à ce moment qu’elle découvre la politique nationale et devient une parlementaire dans le « courant hollandais », dirigé par Stéphane Le Foll, qu’elle côtoyait déjà avant son élection. En quasi deux ans, elle se fait remarquer comme députée, notamment auprès de Manuel Valls qui la repère et la soutient. D’après Clément Prunières, coordinateur adjoint de sa campagne, « elle a émergé aux yeux de certains nationaux ». Elle devient un « soutien inconditionnel de Hollande », alors que d’autres frondaient elle lui est restée fidèle. « C’est quelqu’un de loyal envers le président, ça a forcément joué ».
Son ascension est fulgurante puisque François Hollande – dont elle est proche – la propulse au gouvernement en juin 2014, comme secrétaire d’Etat déléguée au Commerce, à l’Artisanat, à la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire – rien que ça ! Un an plus tard, et après s’être fait un petit nom à Paris, elle le quitte. Non pas sur un désaccord avec la politique menée par François Hollande, comme son collègue Benoît Hamon avec qui elle a fait la loi sur le « fait maison », mais pour se consacrer à sa campagne régionale.
« Je suis 100% made in Languedoc »
« Je suis une femme libre au service du collectif », scande désormais celle qui joue de son pedigree très terroir, jusqu’à revendiquer le label régional « Sud de France ». Dans cette campagne, elle a fait de son accent qui attendrissait ses collègues du gouvernement, une force, presqu’un atout majeur. « Mon identité, mes racines, mon accent je dois en être fière ». Née à Toulouse un jour d’été 1971, elle vit toujours dans sa maison de famille de Martres-Tolosane (Haute-Garonne) où elle a grandi, élevée par sa grand-mère et sa mère, secrétaire puis femme de ménage. Elle le répète : « Je suis 100% made in Languedoc ». Surnommée « l’accent du gouvernement » par François Hollande, elle répand la politique de l’Elysée à l’autre bout du pays.
Dans une (future grande) région où la gauche est ultra majoritaire, Carole Delga assume son rôle de bonne élève du Parti socialiste. Chose inouïe en ces temps d’impopularité gouvernementale, elle défend même le président de la République qui ne lui a jamais ménagé son soutien. En visite à Carcassonne, le chef de l’Etat en avait profité pour vanter le rôle de Delga en matière d’économie solidaire. « Continue le terrain », lui a glissé celui-ci d’après Libération, lorsqu’elle a quitté Bercy pour la campagne. Cela tombe bien, aujourd’hui Carole Delga ne rêve plus ni d’Assemblée nationale ni de maroquin ministériel. « Je resterai au service du local, je ne remonterai pas à Paris, ma décision je l’ai prise ». Dimanche, les électeurs du cru diront s’ils accordent, eux aussi, les félicitations à la bonne élève du PS.