Voyage au bout de la nuit avec Idnight

Le service Idnight relie plusieurs grandes villes en TGV en proposant des voyages nocturnes à des tarifs avantageux. Malgré le peu de confort, l’usager se voit offrir un certain nombre de services. Voyage découverte entre Montpellier et Paris.

Tout semble bien calme dans le grand hall de la gare de Montpellier, ce samedi 23 novembre à minuit. Sur le quai du fond, pourtant, deux contrôleurs accompagnés d’un agent de police ferroviaire accueillent les voyageurs qui ont décidé de rejoindre la capitale le lendemain au petit matin. Ayant réservé leur billet avec le service Idnight, affilié au site internet Idtgv, les quelques personnes qui se jaugent timidement du regard se sont toutes vues promettre une folle nuit de voyage, agrémentée de fête et de musique.

Le concept Idnight : séduire un public jeune en proposant des voyages de nuit en TGV à des tarifs compétitifs (le billet est à partir de 15 euros), le tout assorti d’une foule d’animations. En prenant son billet, l’utilisateur imagine, rêveur, les deux espaces de divertissement dans lesquels il pourra chercher à rencontrer son prochain durant toute la nuit. Le bar Idzinc, tout d’abord, propose des performances musicales de dj’s et de groupes de musique. Un tremplin musical pour les artistes en herbe, et un service de restauration adapté aux besoins des « oiseaux de nuit ». Et pour ceux qui préfèrent passer la nuit au calme, l’espace Idlounge permet d’avoir accès à des jeux et de lire gratuitement la presse, le tout dans une ambiance tamisée reposante.

Pourtant, sur le quai quasi-désert, l’ambiance est loin d’être à la hauteur des ambitions affichées. On croise là des personnes de tous âges emmitouflées dans leurs grands manteaux, laissant timidement apparaître des yeux qui paraissent déjà bien endormis.

Peu d’ambiance mais une nuit agitée

Monté dans le train, on s’installe d’une manière conventionnelle, en se contentant d’échanger avec son voisin les simples politesses d’usage. Originalité, et non des moindres, de nombreuses places sont vacantes, ce qui permet à chacun de trouver l’endroit qui sied le plus à sa convenance. Mais pas le temps de poser sa nuque sur l’appui-tête qu’une hôtesse hèle déjà l’assistance : « Allez, vous êtes en train de faner ! On vous attend à la voiture-bar !» Dans le fond du wagon, un passager a déjà retiré ses chaussures. Un autre allume son ordinateur. Et doucement mais péniblement, chacun cherche un moyen de passer la nuit sur son siège de la manière la plus confortable possible.

Ceux qui veulent se divertir doivent d’abord enjamber les corps des passagers endormis, puis traverser de nombreux wagons vides avant d’entendre raisonner les sirènes de la nuit. Tout au bout du couloir, on semble apercevoir des lumières vives, et un bruit sourd grandit tandis que l’on ouvre les portes une à unes. Pourtant, arrivé dans la voiture 14, le voyageur clubber sent monter en lui une déception. Le Dj est certes là, affichant sa bonne volonté en poussant le volume plus que de raison, mais la « piste », elle, est franchement clairsemée. Un petit groupe d’étudiants jette un coup d’œil avant de rebrousser chemin. Une dame commande un coca au comptoir. Sophie, qui assure le service ce soir-là, tente de trouver une explication : «C’est sûr que le samedi, c’est calme. Les gens qui partent en week-end font la route le vendredi.» Edifiant.

« Rien ne va plus »

Les plus téméraires se tournent alors vers l’espace Idlounge, pour voir s’il n’y a pas un bon moment à passer. Ils sont dirigés vers un wagon où les tables vierges ont été recouvertes d’un tapis de jeu vert et où les lumières marchent à plein. Dans un coin, plusieurs exemplaires d’un magazine présentant les métiers de l’aide aux personnes handicapées reposent en vrac. Seul un couple discute tranquillement sans prêter attention aux rares passages des oiseaux esseulés. Il est 1 heure du matin et le fait de croiser quelqu’un se fait de plus en plus rare. Il est l’heure d’aller se trouver un endroit supportable pour trouver le sommeil. On éteint les lumières, un contrôleur fait une dernière ronde, comme pour nous signifier qu’il nous souhaite bonne nuit. Derrière la vitre, on a à peine le temps de deviner le tracé des montagnes : l’usine nucléaire de Tricastin, puis celle du Cruas viennent masquer les paysages drômois alors que l’on ferme les yeux.

Arrivé à 7h du matin (le train roule au ralenti…), les nuques sont raidies et les yeux embués. Heureuse surprise, on sert gratuitement le café à volonté à tous les passagers. Un petit geste qui fait oublier la frustration qu’ont pu ressentir dans la nuit les utilisateurs fougueux de ce service encore peu connu. Mais pouvoir contempler un lever de soleil depuis la butte Montmartre sur un coup de tête sans débourser des sommes folles, ça vaut bien une nuit de sommeil agitée.

Hébergement forcé: Un faux débat qui masque un vrai problème

Chaque hiver, ceux qui sont au chaud pensent particulièrement à eux. Justement, alors que le nombre de SDF retrouvés morts augmente chaque jour, Christine Boutin la ministre du logement a annoncé jeudi le lancement d’une « étude pour qu’on examine l’hébergement obligatoire en dessous de -6 degrés. » Une proposition qui fait écho au discours du président de la République lors du conseil des ministres mercredi 26 novembre: « Les pouvoirs publics ont une responsabilité et un devoir : c’est de ne pas laisser mourir les gens. » Qu’en pensent les principaux concernés ?

Un degré ce matin à Montpellier. La barre du zéro n’est pas franchie mais le froid tenaille déjà les orteils. A midi, sur le parking des Arceaux, les Restos du Cœur sont là comme à leur habitude. Une trentaine de personnes attend la distribution d’un repas froid. Parmi eux chacun a son histoire, sa situation. Un logement ou pas, un passé, un avenir dans la rue. Propre sur lui, droit sur ses jambes, un pull à col roulé façon BCBG, il sourit et demande: « il vous faut quelque chose ? » Ce jeune et plutôt beau garçon n’est pas bénévole pour les Restos mais vient pour manger. Dans les propos de Christine Boutin la ministre du logement, le caractère obligatoire de l’hébergement le gène. « On ne peut pas forcer quelqu’un contre sa volonté. »

Un jeune homme qui semble tout juste sorti de ses 20 ans rejoint le petit cercle qui s’est formé. « Avant, j’avais un boulot, pas de problèmes de logement. Tout ce qu’il me fallait. Un jour, je me suis retrouvé dans le besoin. Je pense que c’est mieux que ceux qui se retrouvent à la rue aient un endroit où dormir au chaud. » Un SDF intéressé intervient. Plutôt bavard, il se présente sous le nom de Patrick. A 48 ans, il en a vu. Dans la rue depuis des années, il est plutôt remonté. « On ne peut pas nous obliger à nous mettre au chaud. On n’est pas en Russie ! ». «Bon d’accord », reprend le plus jeune une cigarette roulée à la bouche, « Il ne faut pas obliger, mais il faut rassurer. Le 115, je n’ose pas le faire car j’ai toujours pensé que c’était seulement pour les fous. En plus ils ne sont pas disponibles 24h/24h, c’est faux. Ça arrive qu’ils nous raccrochent au nez ou qu’on nous rétorque que l’essence coûte cher… Il n’y a pas de structures pour les jeunes comme nous. Tout le monde est mélangé dans leurs centres. » Patrick fait preuve de logique: « S’ils obligent les gens à y aller, il faudra qu’ils construisent de nombreux foyers et c’est impossible. En France il y a 95 000 SDF recensés ! » Catégorique, il refuse l’hébergement d’urgence. «  Je n’y vais jamais » Son camarade Dominique pense que « ces endroits sont comme la prison ». Installé sur un terrain laissé à l’abandon il ajoute: « Quand on appelle le Samu social, ils ne viennent jamais sur notre terrain.  »

Le sentiment général ? Des SDF soit oubliés et négligés, soit forcés et contraints. Un « deux poids, deux mesures » qui ne laisse pas la place à un juste équilibre. Loïc, bénévole depuis 14 ans aux Restos esquisse un sourire las et embarrassé. «C’est compliqué. » dit il, «Eux, ils ne sont pas toujours d’accord pour aller dans ces structures d’urgence. Il faut leur laisser leur liberté. Mais d’un autre côté, si on les retrouve gelés c’est un peu notre responsabilité… Il faudrait trouver un compromis »

Il est 13h, les Restos du Cœur remballent. Deux femmes discutent. L’une d’elle ressemble à la marraine de la célèbre princesse à la chaussure. Drôle de fée au visage apaisant et aux rides timides qui semble avoir piqué les haillons de sa Cendrillon. C’est Marcelle ou Françoise, on ne sait pas trop… Une ancienne enseignante, parait-il, qui rougit, glousse et supplie un camarade d’arrêter lorsqu’il la présente comme une voyageuse cultivée et multilinguiste. « Moi j’ai un logement mais je pense qu’on n’a le droit d’obliger personne. L’obligation c’est la répression. Il y en a qui aiment bien être seul et n’apprécient pas la proximité avec un SDF en état d’ébriété. Ça ne se passe pas toujours bien là-bas. Il y a des vols, la promiscuité, les bagarres, l’alcool aidant. Il y a aussi ceux qui ont des chiens et qui ne peuvent pas les prendre avec eux. Mais je comprends l’idée de la ministre d’un côté, car il y en a qui meurent de froid et ce n’est pas normal. En plus, quand ils sont saouls, ils ne se rendent pas compte du danger. » Dédé nous rejoint. Pour lui, les choses sont simples. «Certains veulent y aller, d’autres ne veulent pas. C’est à eux de décider. Avec les vols, ils savent qu’ils vont ressortir à poil. Là-bas, c’est malsain, il y a de tout mélangé : des toxicomanes, des alcooliques… Il faudrait au moins des chambres individuelles»

Peu à peu, le groupe diminue, ceux qui savent où aller s’en vont. Les autres restent dans la rue. Sylvie discute encore. Méfiante, au tempérament bien trempé, elle se livre peu à peu. La rue, Sylvie y a vécu pendant presque un an, suite au décès tragique de son compagnon. « D’un côté, c’est une bonne chose mais on ne peut pas choisir pour quelqu’un d’autre. A l’époque, quand je dormais à la gare routière, ils me proposaient d’y aller mais je refusais. Je n’aurai pas aimé qu’ils me forcent. Il faut laisser le temps aussi aux personnes de vouloir accepter leur histoire ».

Qu’en pense le Samu social ? Au téléphone le contact est froid, une mauvaise expérience avec des étudiants en journalisme et une surenchère de boulot. On ne connaitra pas leur avis. Si ce n’est que la personne jointe rappelle que ce n’est pas l’hiver qu’il y a le plus de morts et nous invite à les solliciter aussi l’été, quand ils ont moins de travail.

Morceaux de vie, de galères, de tristesse et d’espoir. La rue c’est aussi et surtout des histoires différentes qu’il semble difficile de régler par des mesures collectives. Derrière les propos de Mme Boutin se cache un réel problème à propos de la qualité des logements d’urgence. S’il parait difficile d’obliger un SDF à dormir au chaud, lui en donner l’envie en proposant un logement décent, respectueux de son intimité et de sa sécurité, serait une réelle avancée.

Depuis le tollé déclenché par les paroles sa ministre, François Fillon a démenti. Nicolas Sarkozy pour sa part a remanié la proposition pour faire passer plus doucement la pilule qui reste en substance inchangée. A l’heure du 6ème SDF retrouvé mort en région parisienne en moins d’un mois, le président de la République propose ainsi d’emmener ces récalcitrants suicidaires dans un centre d’hébergement où ils feront le choix ou non de rester. Une mesure qui semble efficace pour éviter la culpabilité et la responsabilité de l’État dans la mort des SDF et qui revient à celle de la ministre si elle n’est pas complétée par une réelle réforme structurelle. Ces logements d’urgence doivent respecter l’intimité et la sécurité des occupants et se conformer à des règles d’hygiène strictes. En plus d’être forcés à aller dans ces logements, les plus têtus n’auront plus qu’à rentrer tout seul à pieds en se consolant : l’État pourra dormir tranquille.

Le NPA prend forme

Olivier Besancenot s’est déplacé à Montpellier le 15 novembre 2008. C’était à l’occasion d’une réunion nationale des comités d’Initiative pour le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). A ses côtés : Sophie, étudiante du Comité de Montpellier, Hervé, postier CGT du comité de Nîmes, Célinia du comité jeunes de Perpignan, et Raoul-Marc Jennar du comité du Conflent. Le NPA est encore un projet. Aucun nom définitif pour le moment. Il succèdera néanmoins à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), lors du Congrès prévu fin janvier 2009. Pendant ce temps, les idées fusent.

Le NPA se veut une alternative à la gauche existante. Il prône un anticapitalisme et un antilibéralisme assumés et rejette toute alliance avec le Parti Socialiste. Son ambition : rassembler au-delà de la base militante actuelle de la LCR. Quelques pistes sur le programme du futur parti…

Les Idées

Le meeting touche à sa fin. Le son du groupe Totum Orchestra envahit peu à peu le Parc des Expositions. Militants aguerris ou simples observateurs, ils acceptent de dévoiler leur sentiments sur un parti en gestation.

Réactions

Olivier Besancenot est le porte-parole médiatique du projet de NPA et force est de constater qu’il ne laisse pas les militants indifférents. Véritable showman, il manie humour et sujets graves avec un certain talent. Morceaux choisis…

Un chef Charismatique

Bon anniversaire Claude Lévi-Strauss

L’anthropologue français Claude Lévi-Strauss a 100 ans. A cette occasion, retour sur l’un des plus grands penseurs du XXe siècle, sur un humaniste qui a su apporter les clefs théoriques pour une compréhension de la vie sociale

Il y a de ces êtres humains qui sortent de l’ordinaire. Il y a des ces penseurs qui marquent une époque. Il y a de ces génies qui n’accèdent à la reconnaissance qu’une fois décédés. Trop peu sont ceux qui peuvent être discutés de leur vivant, honorés ou déshonorés pour leurs travaux. Claude Lévi-Strauss est de ceux là, il a aujourd’hui 100 ans.

Une vie pour comprendre

Claude Lévi-Strauss est avant tout un homme qui aime l’être humain. Un siècle d’existence dont une bonne partie consacrée à l’analyse de ses congénères résidant au fin fond de la forêt amazonienne. Anthropologue de génie, il a apporté aux sciences humaines une vision nouvelle sur ces peuplades du bout du monde trop souvent qualifiées de « barbares » par les explorateurs qui ont pu danser avec l’amazone. « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » leur répondait-il. De toute manière, ces voyages et ces explorateurs, il les haïssaient, reprise du célèbre incipit de son best seller « Tristes Tropiques » paru en 1955. « Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité ». Une haine de ces voyages qui ne parvenaient qu’à saisir du bout du doigt ces cultures, sans jamais réussir à rentrer en profondeur dans leur constitution et leur fonctionnement. Des explorateurs qui colonisaient plus qu’ils apprenaient. Des explorateurs qui ne pouvaient se détacher de leur culture propre pour comprendre le différent.
Le différent, c’était sa raison de vivre, c’était son métier. « L’anthropologie est une discipline dont le but premier, sinon le seul, est d’analyser et d’interpréter les différences ». C’est en ces termes qu’il qualifiait sa science dans « Race et Histoire ». Faire des « barbares » des individus, étudier la « pensée sauvage » plutôt que la « mentalité primitive » qui, renvoyait selon lui, à une domination colonialiste savante. Il a fait de ces sociétés lointaines, un objet de compréhension du monde, un laboratoire d’étude de l’analyse de la vie sociale.

Reconnaissance unanime

Ses études, ses réflexions ont donné naissance à des publications, de nombreux livres, un courant issu de la linguistique : le structuralisme. Ce courant anthropologique suppose que la structure sociale génère des pratiques et des croyances propres aux individus qui en dépendent, de manière inconsciente. Elémentaire et pertinente, elle inspira entre autres Deleuze, Foucault ou encore Bourdieu.
Des travaux qui restent unanimement reconnus pour leur rigueur et leur précision. Décoré de la Grand-croix de la légion d’honneur, il fut également nommé commandeur des arts et des lettres. En 2008, ses écrits font leur entrée dans la prestigieuse collection de la bibliothèque de la Pléiade, à côté de ceux de Malraux, Gide ou Yourcenar.
Une récompense dont il ne se soucie guère, préférant dénoncer les dérives actuelles de nos civilisations.

Triste monde

Fuyant la France pour New York pendant la guerre, il assista aux prémices de la folie des hommes, il dénonça la transformation du monde. « L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat. » Phrase bien contemporaine. Elle a en vérité plus de cinquante ans. Ce monde qu’il aime tant semble au fur et à mesure se gangrené, ses terrains d’études favoris disparaître. « Vue du dehors, la forêt amazonienne semble un amas de bulles figées, un entassement vertical de boursouflures vertes, on dirait qu’un trouble pathologique a uniformément affligé le paysage fluvial ». Une maladie crée par l’homme qui finira par rendre ses tropiques bien tristes.

Un hommage à sa mesure

L’académicien est aujourd’hui centenaire. L’hommage qui lui sera rendu sera vraisemblablement à la hauteur de son œuvre, de sa carrière. Le quai Branly à Paris lui consacrera une journée le 28 novembre en proposant chaque heure une visite guidée à travers les 1500 objets qu’il a ramené de ses périples. Des films choisis par l’écrivaine Catherine Clément retraçant sa vie seront également diffusés tout au long de cette journée. Les nombreuses photographies qu’il a rapportées seront exposées.
Un hommage à sa mesure, humble, loin des strass et des paillettes, qu’il a toujours fuies.

Le Canard croque la Vème République

Le dessinateur Cabu et l’un des anciens rédacteurs en chef du Canard Enchaîné Jacques Lamalle donnaient une conférence à Montpellier mercredi 26 novembre. Ils s’étaient déplacés pour présenter l’ouvrage « Le Canard Enchaîné : la Vème République en 2000 dessins », publié en octobre dernier. Avant le débat : séance d’autographe.

Les dessins au Canard

La satire de la Vème République pèse 650 pages et non moins de 4,5 kilos. C’est un minimum, car il y a de quoi dire. La Conférence-débat commence à 18h. Cabu est encore attablé dans le coin des dédicaces. C’est alors Jacques Lamalle qui ouvre le débat, auprès de Didier Thomas Radux du Midi Libre, qui anime la rencontre, et de Man, dessinateur pour ce même journal. Le Canard Enchaîné, c’est une douzaine de dessinateurs. Pour l’ancien rédacteur en chef, il y a eu de bons clients comme « le Grand Charles » (de Gaulle), Giscard, et aujourd’hui « le petit nerveux » (Nicolas Sarkozy). De Gaulle était aussi bon lecteur. Comme le rappelle J. Lamalle, le Général avait coutume de demander : « Que dit le volatile cette semaine ?« . Mais la meilleure vente date d’octobre 1979. Le journal révélait l’affaire des diamants de Giscard [[Cette affaire mettait en cause Valery Giscard d’Estaing lorsqu’il était ministre des finances au début des années 1970. Il aurait reçu du président centrafricain des plaquettes de diamants d’une valeur d’un million de francs. L’affaire est révélée par le Canard Enchaîné.]] Plus d’un million d’exemplaires sont vendus.

Le coeur à gauche

Jacques Lamalle le concède. « On a le coeur à gauche… Mais nous ne sommes pas encartés« . Fouillant dans sa mémoire, il revient sur l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. « Nous étions contents. Puis, soudain, nos sources ne parlaient plus« . Finalement, un Canard Enchaîné complaisant n’a pas lieu d’être. Au delà des clivages politiques, l’ancien rédacteur en chef résume : « Notre vocation est d’être dans l’opposition, plutôt que du côté de la majorité au pouvoir« .


Il est 20h, Cabu n’a pas rejoint la conférence. La foule devant la table des dédicaces s’est dissipée trop tard. Pas le temps de lâcher son crayon. Il file vers la sortie, lançant un baiser en guise de mot d’excuse…

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Le vrai canard fait « du mauvais esprit »

La sortie, cette semaine, du livre de Karl Laske et Laurent Valdiguié a fait trembler les admirateurs du Canard Enchaîné. « Le vrai Canard » remet en question la légitimité du journal satirique, et pointe du doigt d’éventuelles liaisons dangereuses avec le pouvoir. Pour Jacques Lamalle, l’un des anciens rédacteurs en chef du journal, « il y a dans ce livre une volonté de tricher ».

Que pensez-vous des déclarations faites dans ce livre, Le vrai Canard ?

Jacques Lamalle : Ce livre est tendancieux. Au lieu de s’appuyer sur des faits, il s’appuie sur des mouvances, sur des « on dit ». Il y a là une volonté de tricher. L’idée était de faire un livre anti-Canard. Je pense qu’il ne faut pas s’obstiner sur des rumeurs. De cette façon ils perdent de la force et de la légitimité.

Pour la rubrique « le journal de Carla B. », ils affirment que Pierre Charon, conseiller de Nicolas Sarkozy, le rédige. En fait, ils prennent pour argent comptant ce qu’il dit. Donc ils sont dans la même position qu’ils reprochent au Canard Enchaîné. Il y a aussi l’affaire de Robert Gaillard, le père de Michel Gaillard, qui dirige le journal. Il était accusé de collaboration, mais il a été rapidement blanchi après la guerre. Il faut passer à autre chose. C’est du mauvais esprit.

Michel Gaillard, directeur de la publication du Canard Enchaîné, a réagi à ce livre en insinuant que Lagardère n’était pas étranger à l’affaire. Qu’en pensez vous ?

J. L. : Il faut faire les comptes. Lagardère possède Paris Match, le journal de Laurent Valdiguié. Il possède aussi les éditions Stock, qui publient Le vrai Canard. Et puis quand on prend pour argent comptant ce que déclare Hortefeux…
En tant que rédacteur en chef des Dossiers du canard, j’avais embauché Karl Laske. Bon, ça n’a pas fonctionné… Visiblement, il l’a mal pris.

Quelle était leur intention ?

J. L. : Réussir un coup et foutre le bordel… Maintenant, il faut passer à autre chose. Le Canard Enchaîné ne portera pas l’affaire devant les tribunaux. Ça s’arrête là.

Consommation : Malbouffe dans L’Assiette Sale

Dans le cadre du festival AlimenTerre à Montpellier, le cinéma Utopia a accueilli jeudi 13 novembre une projection-débat autour de L’Assiette Sale. Ce documentaire d’1h20 retrace en quelques étapes clés les aberrations du système alimentaire qui pourtant nous nourrit. En voyageant « Des OMI aux AMAP », le cinéaste Denys Piningre nous livre sa vision engagée et militante d’une machine agricole qui broie tout sur son passage.

Quel est le projet de L’Assiette Sale ?

L’assiette sale est un film documentaire réalisé suite au conflit social opposant grandes exploitations agricoles et ouvriers saisonniers étrangers. En 2005, les 270 ouvriers saisonniers de cette entreprise de Saint Martin de Crau ont appris que leur exploitation allait fermer, gravement abimée par la sharka, une maladie arboricole. Conditions de travail déplorables, logements catastrophiques, non-paiement d’heures supplémentaires : la fermeture imminente a déclenché la grève. Une première absolue dans le monde des saisonniers. A partir de là, j’ai essayé de comprendre comment, en 2005 et dans un pays développé, on pouvait assister à des situations proches de l’esclavage.

Vous utilisez fréquemment ce terme d’esclavage. Pourquoi ?

Dans les procès qui ont eu lieu récemment, le terme d’« esclavage moderne » sert à décrire précisément et juridiquement certaines de ces situations là. Les contrats OMI [[(Office des Migrations Internationales)]] sont des contrats Etat à Etat qui encadrent la relation entre les saisonniers étrangers et leurs employeurs français. Ce sont de vrais contrats, mais un peu limites vis-à-vis des droits du travail. Si de nombreux exploitants agricoles utilisent à bon escient les OMI, il n’en reste pas moins que ce contrat permet certains débordements, notamment quand les employeurs ne sont pas très scrupuleux. Mais au-delà de tout ça, j’ai surtout voulu comprendre quel était le système qui pouvait générer ce type de comportements. Et ce système porte un nom bien connu : l’agriculture intensive.

Jean Pierre Berlan, ingénieur agronome et ancien de l’INRA, intervient dans le film pour dire de l’agriculture intensive que « c’est un système qui ne marche pas ». Qu’est ce que cela signifie ?

Que ce système va lui-même à sa perte. Quand on dit en France qu’une exploitation agricole ferme toutes les 20minutes, on ne peut pas dire que ça marche bien. Quand on admet que la France possède un terroir capable de permettre une auto suffisance joyeuse et prospère, pourquoi aller chercher nos tomates au Maroc ? Tout simplement parce que nous somme dans un circuit où il existe des intermédiaires, centrales d’achat et grande distribution, qui vont essayer de ramasser le plus d’argent possible au passage.

Face à ces comportements, le consommateur a-t-il réellement une marge de manœuvre ?

Il faut se rappeler une chose, c’est que l’agriculture intensive a été la solution inventée dans les pays développés pour répondre au boom de la population après la seconde guerre mondiale. Depuis les années 80, on observe un basculement. Mais ce n’est pas en claquant des doigts que nous changerons de système. Car il ne faut pas oublier que nous avons en face de nous des gens qui ont des intérêts énormes et une puissance de tir formidable.

A la fin de L’Assiette Sale, vous développez de nouvelles perspectives. En quoi constituent-elles l’avenir ?

Les AMAP [[(Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne)]], les marchés de producteurs, les paniers paysans et les bio-coop font un travail très intéressant. Je pense personnellement qu’il y a un retour à l’agriculture naturelle. Dans ces initiatives, on remarque généralement, un rapprochement du lieu de production et de consommation pour éviter le transport. Avec l’agriculture biologique, vous supprimez tous ces produits appelés pudiquement phytosanitaires et qui nous empoisonnent au sens propre du terme. Pour progresser, l’homme est obligé d’être dans un rôle d’ « apprenti sorcier ». Le problème c’est que de temps en temps, il serait intéressant de regarder un peu plus loin que le bout de son nez.

L’Assiette Sale, des OMI aux AMAP, documentaire écrit et réalisé par Denys Piningre, 2007.
www.galopinfilms.com

La lumière s’éteint, les cris restent

Mobilisation et engagement étaient les mots d’ordre, hier soir, place de la Comédie. Alors qu’un cercle du silence pour les sans papiers s’organise en face de l’office du tourisme, l’opéra se mobilise contre la peine de mort.

« 3, 2 ,1… » Les lumières du célèbre bâtiment s’éteignent le temps de quelques minutes de soutien à cette lutte vieille de plusieurs siècles. L’initiative vient de l’association Amnesty international dans le cadre de son opération, « Villes pour la vie, Villes contre la peine de mort » à laquelle Montpellier participe. Une cinquantaine de personnes s’était réunie pour écouter la lecture d’un texte de Victor Hugo malheureusement toujours d’actualité. Ilène Grange, responsable de l’antenne jeune d’Amnesty international de Montpellier prête sa voix au célèbre auteur militant. Tandis que Michel Vaschalde, président du groupe de l’association à Montpellier met des visages sur cette réalité. Il évoque Aicha, jeune fille de 13 ans accusée d’adultère suite à plusieurs viols et lapidée en Somalie. Et Troy Davis, célèbre prisonnier américain condamné à mort en attente d’exécution malgré ses nombreux appels. Attendue, Hélène Mandroux n’a pas fait acte de présence. Son délégué reprend les chiffres de l’association: 1252 exécutions recensées dans 24 pays pour viol, homosexualité, adultère qui rappellent que le meurtre d’ État est encore possible. Il encourage une humaine révolte et rappelle que la date du 17 octobre 1981 qui signe la fin de la peine de mort en France ne signe pas pour autant la fin d’un combat. L’opéra se rallume, les participants sont invités à partager un vin chaud. La vie continue, en tout cas ici, à Montpellier.

Algérie : la blogosphère s’anime !

La blogosphère algérienne est animée depuis quelques semaines suite à deux affaires qui ont fait polémique sur l’espace public et dont « la star « est la ministre de la culture. Il s’agit du limogeage de Amine Zaoui, directeur de la bibliothèque nationale et de la censure du nouvel ouvrage du journaliste Mohamed Benchicou «Journal d’un homme libre». Les raisons invoquées par la ministre : « incompétence» pour le premier et « diffamation » pour le second.

De nombreux blogs et sites ont connu une grande effervescence suite au buzz médiatique, en enregistrant une augmentation de visiteurs et de commentaires. Même la communauté Facebook s’en est mêlée puisque des groupes ont été crées et certains internautes sont tellement déterminés qu’ils appellent à un débat «facebookien» pour le sauvetage de la démocratie en Algérie. «La blogosphère est avant tout un espace de liberté devant le black-out des médias publics et la frilosité des titres privés, c’est aussi le seul espace où le citoyen algérien lambda peut s’exprimer librement» nous déclare un journaliste algérien.

Intellectuels, poètes, et journalistes sont les premiers à dénoncer ces deux affaires et ils fustigent une volonté du pouvoir d’asphyxier la liberté d’expression en général. Sur le site d’informations généralistes de Mohamed Benchicou [[www.lematindz.net]], on trouve des témoignages de sympathie – NDLR-après deux ans de prison, le journaliste est considéré désormais comme un symbole de résistance et de rébellion – ou on peut lire des message de soutien ou de condamnation de cette censure. Et l’affaire du limogeage du directeur de la bibliothèque nationale a aussi suscité un débat sur le net. D’ailleurs de nombreux écrivains, poètes algériens, tunisiens et marocains ont signé des pétitions en ligne.

Ces deux affaires ne sont nullement inédites dans un pays où l’autoritarisme est l’espace le mieux assumé. D’ailleurs, la ministre de la culture a affirmé sa position: « j’assume » pour la censure du livre, invoquant que « la constitution qui garantit l’honneur des citoyens et le code pénal condamnent les atteintes à la révolution, à l’honneur du chef de l’Etat et celui des fonctionnaires des corps constitués». Dans le cas du directeur de la bibliothèque nationale, la ministre a parlé, du moins à travers un communiqué du ministère, « d’incompétence ».

Suite à ces deux décisions, il y a eu une extraordinaire levée de boucliers. Dans son blog, Benchicou contre-attaque et tente de répondre à la ministre en publiant des extraits de son ouvrage mettant en doute les affirmations de la ministre qui est arrivée à dire qu’elle avait évité la prison à son auteur. D’autres blogs considèrent que ces deux affaires peuvent cacher l’actualité réelle d’aujourd’hui, marquée par la propension à l’hyperprésidentialisme d’une nouvelle constitution faite sur mesure pour le Président. Le débat est chaud. Les uns considèrent, à force d’arguments, que c’est le retour de la censure et de l’unilatéralisme, les autres avancent l’idée que le pays n’a pas changé fonctionnant toujours comme une simple dictature.

Pendant ce temps là, Internet reste la vedette du top 10 des loisirs de la population algérienne, jeune pour la quasi majorité. Ce média social est de plus en plus vulgarisé en Algérie, avec la multiplication des cybers-espaces et les offres pour les particuliers. «Le net est le seul espace où on peut dire ce qu’on pense en toute liberté afin de faire bouger les choses ! » nous confie un jeune étudiant algérien de 22 ans. L’Algérie est-elle en train de vivre sa période de cyber-militantisme? Affaire à suivre…