Le 28 novembre dernier, a débuté la 27ème campagne d’hiver des Restos du Cœur. Dans un contexte où la crise économique et sociale frappe de plus en plus de français, l’association se prépare à accueillir, encore cette saison, un nombre grandissant de bénéficiaires de l’aide alimentaire. Sur les trois dernières années, il a fallu approvisionner pas moins de 160000 demandeurs en plus, soit une augmentation cumulée de 21% par rapport à 2007. L’Hérault n’échappe pas à ce triste tableau. Face à ce phénomène, l’association du département n’a pourtant pas hésité à se lancer dans ce nouveau processus d’avitaillement.
Des produits de meilleure qualité pour plus de cohésion sociale
L’an passé, une équipe de l’unité « Innovation », de l’INRA*- Montpellier, a mené une étude sur la possibilité d’intégrer, dans l’approvisionnement de l’aide alimentaire, des produits directement issus de l’agriculture locale. Un projet qui, d’emblée, a séduit les Restos du cœur de l’Hérault. La première motivation qui a nourri ce projet est qualitative. Cette initiative permettrait une amélioration de la qualité nutritionnelle de l’alimentation pour les plus précaires. Françoise Vezinhet (présidente départementale de l’association) insiste d’ailleurs sur l’importance de cet aspect. « Auparavant, nous étions approvisionnés par des grossistes au niveau national. Mais avec des circuits courts, nous allons pouvoir miser davantage sur la fraîcheur des produits. Pour nous, il était essentiel de faire une offre de meilleure qualité aux personnes que nous accueillons ». L’un des trois objectifs fondateurs de cette initiative, énoncée dans le rapport de l’INRA, concerne en effet, « la construction d’une cohésion sociale ». Autrement-dit, la possibilité pour tous, de se nourrir plus sainement.
Mais comme le souligne ce rapport, « il ne suffit pas de distribuer des fruits et légumes pour que ceux-ci soient consommés ». Par l’insuffisance des savoir-faire culinaires, et les aprioris véhiculés par la société, certains produits, peu connus, sont mal acceptés ou souvent jugés trop difficiles à préparer. Dans certains cas, les bénéficiaires des Restos du cœur ne disposent même pas de lieux de stockage ou d’ustensiles de cuisine adéquats. Face à ces freins économiques et sociaux, il est donc primordial de sensibiliser et pouvoir être à l’écoute des individus, à qui seront distribués ces fruits et légumes frais.
Françoise Vezinhet, présidente des Restos du Cœur de l’Hérault
Une perspective de nouveaux débouchés pour les producteurs locaux
La deuxième raison qui a motivé la mise en place de ce nouveau mode d’approvisionnement est davantage éthique et solidaire. Par ce processus, les Restos du Cœur de l’Hérault soutiennent les producteurs locaux. Actuellement, la situation de certains producteurs de fruits et légumes est très préoccupante. Entre les crises économiques à répétition, les mauvaises conditions climatiques de cet été, et la méfiance qu’a engendrée la bactérie E. Coli auprès des consommateurs, une grande partie des agriculteurs de ce secteur, se retrouvent dans une situation financière critique. Françoise Vézinhet explique ainsi qu’« en arrière-plan de cette démarche, il y a l’idée de pouvoir absorber certaines productions qui n’arrivent pas à trouver un marché ailleurs ».
Les productions locales peinent parfois à trouver des débouchés, et le travail des producteurs n’est pas toujours rémunéré convenablement. L’association départementale espère donc proposer à ce secteur agricole, une solution alternative et rentable. Pour ce faire, les prix ont été fixés à l’avance, et, l’achat de produits est garanti tout au long de cette campagne d’hiver. Ces prix n’ont cependant pas pu être modifiés par rapport à ceux établis par l’association nationale, qui continue de s’approvisionner auprès d’un grossiste. La présidente des Restos du cœur de l’Hérault reste ainsi très prudente quant à la pérennité de cette démarche, et aux bénéfices que vont en tirer les agriculteurs. « A l’heure du bilan, il faudra voir si on a rémunéré les producteurs à un niveau suffisamment correcte. Aujourd’hui, on est vraiment dans une phase d’expérimentation». Elle juge bon de préciser qu’il faut «un approvisionnement où tout le monde est gagnant. A savoir, un nouveau débouché rentable pour les producteurs locaux, et, des produits de meilleure qualité et bien acceptés par les personnes accueillies dans les centres. »
L’association nationale des Restos du Cœur suit cette expérimentation de très près. Elle veut d’ailleurs être associée à l’évaluation et la validation de cette démarche. Si cette initiative s’avère être couronnée de succès, ce mode d’approvisionnement local pourrait être étendu à d’autres départements, et pourquoi pas, à terme, à d’autres réseaux d’aide alimentaire. Un projet d’autant plus prometteur qu’il permet d’améliorer l’impact environnemental, en réduisant le bilan carbone lié au transport de ces produits.