Son gimmick de « maire à plein temps » n’a duré que quelques jours. Depuis 18 mois, Philippe Saurel court après les scrutins. Une nécessité politique autant qu’une fringale de pouvoir, pour le maire de Montpellier et baron de Caravètes qui, candidat aux régionales, rêve d’étendre son royaume par delà la Garonne.
Cette semaine, nous vous proposons une série d’articles consacrés aux élections régionales. Retrouvez nos portraits et nos vidéos dans notre dossier.
Seul . Philippe Saurel ne cesse de braver les appareils partisans, il en a même fait sa marque de fabrique. Le chirurgien-dentiste de profession, ne pose presque plus de couronnes mais cherche plutôt à les conquérir. Après la mairie de Montpellier et l’agglomération dans la foulée, le voilà de nouveau en campagne avec ses « Citoyens du Midi ». Objectif : devenir « faiseur de » roi de la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées.
Perdre sa famille politique – le parti socialiste – n’a pas endeuillé ce quinqua « montpelliérain de souche ». Bien au contraire. Il a transformé son éviction du PS en Janvier 2014, en un acte politique fondateur. Depuis, il n’en finit pas de moquer « les chars de Solférino » qui n’aiment pas la dissidence. Biberonné à la politique par Georges Frêche, il a chipé quelques traits de caractère à son mentor : la provoc’, la gouaille, et une forme de détestation des partis politiques. Et, comme son illustre prédécesseur, il fonce dans le tas.
Sans argent et sans fidèles, il s’aventure depuis l’été en dehors des murs de sa métropole fraîchement bâtie. L’autoproclamé candidat « antisystème », s’est lancé cette fois dans un défi qui semble hors de portée. 13 départements, 183 colistiers et des milliers de kilomètres parcourus… Crédité selon les instituts Ifop et BVA de 6 à 8%, le maire de Montpellier estime déjà avoir remporté une victoire par le simple fait d’avoir pu déposer les listes en préfecture.
« Saurel, c’est Gerd Müller ! »
Entre flagornerie et admiration, un de ses collaborateurs le compare à Gerd Müller, joueur de football allemand des années 70, célèbre pour sa niaque et le nombre de buts qu’il a marqué dans sa carrière. Ca tombe bien, le prévôt aime mettre en parallèle sa campagne à un match ou une compétition sportive : « Vous gagnez le premier match et vous êtes qualifiés en quart de final, vous allez vous arrêter à ce match ? Non, je joue les quarts de final ». Le sport collectif en politique n’est pourtant pas ce qui caractérise ce solitaire assumé.
Fustiger les structures partisanes, lui permet surtout de guigner des voix à gauche comme à droite. Dans l’Hérault, son argument majeur est « la préservation des intérêts de Montpellier et de sa métropole au sein de la nouvelle région ». Ce qui lui a permis d’attirer dans son filet électoral des élus de poids comme Jean Pierre Grand, sénateur de l’Hérault et maire Les Républicains de Castelnau-le-Lez. Ce dernier parle de Saurel comme « un homme plein de qualités intellectuelles qui incarne la défense de la métropole ». Cerise sur le gâteau, Grand conteste depuis des mois la légitimité de Dominique Reynié, chef de file aux régionales … de la droite républicaine.
« Mais j’ai déjà gagné les régionales.. »
L’œil un peu hagard, on lui donnerait des airs de grand gamin, lorsqu’il ramasse par terre un morceau de ruban « bleu-blanc-rouge », fraîchement coupé lors d’une inauguration, pour le ranger précieusement dans la pochette de sa veste de costume. Entre deux coups d’œil à sa montre, il vérifie que son discret rappel des couleurs républicaines dépasse suffisamment pour être vu.
Pour se rassurer dans cette campagne, Philippe Saurel rabâche sans arrêt qu’il a « gagné tous les scrutins » où il se présentait sous son nom depuis 1998. En réalité, c’est surtout sa brillante victoire aux municipales de mars 2014 qui a marqué les esprits. Mais depuis, le maire de Montpellier est accusé d’avoir oublié son grand engagement d’être maire à plein temps. Il a étiqueté et fait élire une série de candidats en son nom aux élections départementales de mars 2015.
« Un rapport personnel au pouvoir important.. »
« C’est une personne qui a un style agressif, il n’est pas dans l’apaisement » dézingue Michael Delafosse, conseiller départemental PS et rare survivant de la tempête Saurel. Selon lui « les citoyens ont été trompés » et à entendre la litanie de ses critiques, le maire mentirait comme un arracheur de dent.
Expert du rapport de force et du calcul électoral, Saurel sait pertinemment qu’il ne l’emportera pas. Mais son plaisir politique du moment est ailleurs. Il se rêve en faiseur de roi. Son choix de reporter ses voix vers l’une ou l’autre des listes sera décisif pour le futur président de région. Pour l’heure, il reste muet sur ses intentions et réserve son choix « à ses 12 autres têtes de listes en fonction des scores du premier tour ». Seule certitude, il ne prendra pas le risque de laisser la région au Front National par le jeu de calculs politiciens suicidaires.
Fabien Nicolas, son conseiller politique, analyse : « faute d’avoir un parti politique, Philippe Saurel a l’obligation d’être candidat » scrutin après scrutin. Dit autrement, on n’a pas fini de le voir courir sur les routes du Midi.