« The Social Network », l’étrange histoire de Mark Zuckerberg

Avec The Social Network, David Fincher nous raconte brillamment les origines tumultueuses de la création de Facebook, le réseau communautaire qui a permis à un étudiant d’Harvard, de devenir le plus jeune milliardaire au monde.

Derrière chaque grand homme, il y a une femme. Quand, un soir, dans un bar, Mark Zuckerberg, se fait plaquer par sa copine, l’étudiant en deuxième année d’informatique décide de prendre une revanche sur la vie. Lui, le jeune homme profondément mal à l’aise dans la société, rejeté des clubs ultra-sélect, a de grandes ambitions : «  mettre toute la vie sociale de la fac en ligne ». S’il ne peut pas devenir populaire dans la vie réelle, il le sera dans le monde virtuel.
C’est chose faite avec thefacebook.com, un succès immédiat qui va rapidement dépasser le simple cadre de la prestigieuse faculté américaine. Son réseau social va ainsi se répandre d’université en université, avant de gagner le monde entier.

Si l’histoire de cette ascension vertigineuse peut paraître, à première vue, banale tant Hollywood nous a souvent abreuvé de success story, The Social Network n’en est pas moins un film singulier.
D’abord, parce que, sous les traits d’un Jesse Eisenberg brillant, Zuckerberg s’avère être quelqu’un de complexe, à la personnalité sombre et mystérieuse. Il est, à la fois, la quintessence de la cruauté et de l’arrogance, mais il est aussi gauchement innocent, presque naïf. En créant Facebook, il tisse une toile à travers le monde de l’amitié, mais rompt sans pitié ses relations personnelles quand elles se révèlent trop gênantes ou encombrantes.
Parce qu’il est également coaché et épaulé par un individu tout aussi atypique : Sean Parker (campé par un Justin Timberlake convaincant), un dingue inspiré, co-fondateur de Napster, le site d’échange de fichiers musicaux.
Enfin, parce que c’est une histoire où la réussite contrebalance avec l’orgueil, la cupidité, la peur de la solitude et l’humiliation : l’avers et le revers d’une même pièce.

Avec David Fincher (Seven, Fight Club, L’étrange Histoire de Benjamin Button) à la réalisation et Aaron Sorkin (créateur de la série The West Wing – A La Maison Blanche) au scénario, le film aurait pu servir de match entre l’esthétisant réalisateur et le scénariste aux dialogues fous. Le résultat est un thriller palpitant, bourré d’énergie, aux dialogues bavards, mais percutants et une réalisation maîtrisée de bout en bout. Une réussite cinématographique qui devrait attirer dans les salles, autant les aficionados de Facebook (et ils sont nombreux !) que ses détracteurs.

THE SOCIAL NETWORK : BANDE-ANNONCE HD VOST
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Robin des Bois, entre héros et hors-la-loi

Oyez oyez amis cinéphiles ! Vous n’êtes pas sans savoir que la dernière collaboration entre le grand Ridley Scott et le non moins talentueux Russell Crowe est, depuis quelques jours, disponible en magasin. De quoi vous donner envie de vous replonger dans les aventures de ce héros en collants verts…

Issu du folklore anglo-saxon, Robin des Bois est représenté depuis le Moyen-âge comme un homme honnête, droit et brave, qui met son ingéniosité et ses talents d’archer au service des plus démunis. A la fin du XIIe siècle, alors que Richard Ier, ou Cœur de Lion, mène une croisade en Terre Sainte, le Prince Jean et ses sbires taxent sans relâche un peuple déjà exsangue. Dans ce contexte, où la monarchie exerce un pouvoir absolu sur ses sujets, un homme aurait décidé de s’élever contre ces abus. Caché dans la Forêt de Sherwood en compagnie de Frère Tuck, Petit Jean ou encore Will l’Ecarlate, Robin des Bois aurait protégé la population du shérif et des soldats de la couronne.

Voler aux riches pour donner aux pauvres

Si les versions divergent sur certains détails – comme l’origine sociale du voleur au grand cœur, son nom, ou le retour du Roi Richard de Jérusalem en vie – les valeurs défendues par ce justicier hors-la-loi sont immuables. Chaque individu doit avoir le droit de subvenir à ses besoins, de vivre des fruits de son travail et de ne pas être envoyé en prison sans jugement ni motif. En attendant que les barrons anglais obligent le Roi Jean à garantir ces libertés par un texte connu son le nom de Magna Carta, la légende veut que Robin ait volé aux riches pour donner aux pauvres sans jamais se faire prendre.

Ce personnage légendaire a traversé les siècles sans prendre une seule ride. Après les poètes, les peintres et les sculpteurs, les représentants du septième art se sont emparés de son histoire. En 1938, Michael Curtis et William Keinghley confient le rôle de Robin de Locksley à Errol Flynn. De nombreux enfants ont ensuite découvert, grâce aux studios Disney, les aventures de Robin le Renard. Pour ceux qui ne sont ni fans des vieux films ni adeptes des héros à fourrure, Kevin Costner reprend le flambeau en 1991 avec, dans le rôle d’un Sarasin, le célèbre Morgan Freeman.

Russell Crowe, ce héros !

Mais s’il fallait n’en retenir qu’un capable de vous décocher une flèche en plein cœur, ça serait Russell Crowe. Ridley Scott s’est intéressé à Robin Longstride, roturier devenu archer du Roi parti en Croisade. Mis au pilori avec trois de ses camarades pour insubordination, ils profitent du chaos produit par la mort de Richard Cœur de Lion pour déserter. Alors qu’ils tentent de rejoindre l’Angleterre, Robin se retrouve mêlé malgré lui à un complot contre la couronne d’Angleterre. Ce qui l’amène à découvrir la véritable histoire de son père ainsi qu’à rencontrer un certaine Lady Marianne, interprétée par Cate Blanchett.

Et si après ces 2h20 de combats au corps à corps vous n’en avez pas assez, sachez que la BBC a produit entre 2007 et 2009 une série plutôt réussie sur la vie dans la forêt de Sherwood. Comme quoi, Robin des Bois a plus d’une corde à son arc !

Les salles obscures à la rencontre d’ « Un bel et sombre inconnu »

Woody Allen propose, avec son 43e film, une subtile réalisation où s’entremêlent légèreté et cynisme.

L’amour, les couacs de la vie, la mort… Les thèmes récurrents de Woody Allen reviennent dans son nouveau film « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu », en salle depuis le 6 octobre. Entre comédie pétillante et récit dramatique, ce film situé dans le Londres d’aujourd’hui met en scène l’histoire de quatre personnages en proie à des déboires, des angoisses, des espoirs.
Alfie obsédé par l’idée de vieillir s’entête à retrouver l’élan de sa jeunesse et décide qu’une première étape consiste à se débarrasser de sa femme, Helena.
Après une tentative de suicide, Helena de son coté a choisi de trouver du réconfort auprès d’une voyante, Cristal, qui lui prédit la rencontre d’ « un bel et sombre inconnu ».

Sally, la fille d’Alfie et Helena se débat pour sa part entre Roy, son mari, écrivain d’un seul livre, et son patron pour lequel elle nourrit un amour secret.
Des destins entremêlés qui sont révélés sous la caméra de Woody Allen avec simplicité : pas de blabla inutiles, mais plutôt un gros plan sur chacun d’eux et un délicieux moment pour nous, spectateurs, qui découvrons au fil des minutes les défauts, les aspirations et les déceptions de chacun.

Une introspective sur les Hommes

Fort d’un casting impressionnant, tels Antony Hopkins, Naomi Watts, Antonio Banderas, ou encore la délicieuse Gemma Jones, parfaite dans ce rôle de femme au bord de la crise de nerfs, alcoolique sur les bords et d’une crédulité sans nom, ce film est surtout rempli d’humanité. Une introspective sur les Hommes chère au cinéaste : on se souvient de Diane Keaton en intellectuelle new yorkaise, snobe et éternelle insatisfaite amoureuse dans « Manhattan », des tiraillements et de la noirceur de Jonathan Rhys-Meyers dans « Match Point » en passant par la drôlerie de Larry David en vieux sexagénaire ronchon, que l’on retrouve dans « Whatever Works ». En clair, pas de bel et sombre inconnu derrière cette nouvelle réalisation, mais bien du Woody Allen, comme on l’aime, à découvrir dans vos salles obscures.

Patrick Bruel, frère de coeur

Le duo Bruel-Arcady est de retour pour un 5e film. Du «Coup de Sirocco» à «Comme les cinq doigts de la main» en passant par «l’Union sacrée», les deux complices nous offre une saga familiale sur fond de polar. A l’occasion d’une avant-première riche en émotions, en flashs et en «Patriiiiiick», Alexandre Arcady, Pascal Elbé, Mathieu Delarive et Patrick Bruel sont venus à la rencontre des Montpelliérains et, accessoirement, prendre un bain de soleil. C’est en toute simplicité et avec une grande générosité que l’idole de plusieurs générations a répondu aux questions d’une journaliste en herbe. Un tête à tête avec le charmeur de ces dames, Patrick Bruel.

Océans, une nouvelle odyssée des mers

Jacques Perrin et son complice Jacques Cluzaud signent avec « Océans » une magnifique odyssée sous-marine. Après « Le Peuple migrateur », ils nous entraînent des banquises polaires aux tropiques pour nous faire redécouvrir les mystères des océans et de leurs créatures parfois connues, quelques fois étranges et souvent ignorées.

Entre tumultes et silence abyssal, laissez-vous embarquer par le dernier opus de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. Ni documentaire, ni reportage animalier, c’est un véritable hymne au monde sous-marin, « un monde dont on ne soupçonne pas les mystères« . Ils nous offrent un ballet tempétueux magnifié par la musique de Bruno Coulais, entre les cavalcades des dauphins, la grâce des méduses, le déploiement précieux d’une raie manta, les jeux des otaries, le chant des baleines, … Autant de héros que les deux acolytes ont mis sous les feux de leurs projecteurs : des acteurs parfois connus (les baleines à bosse, les cachalots, les requins) et d’autres plus étranges (le labre à tête de mouton, le poisson scorpion gingembre, le grondin volant), des acteurs presque irréels tant la caméra est proche et nous les rend accessibles. Les animaux nous regardent droit dans les yeux, à l’image de ces phoques de Weddell. Mille couleurs s’offrent au regard émerveillé du spectateur : coraux fluorescents, poissons et algues vives et chatoyantes. On croirait voir flotter une étoffe soyeuse aux teintes psychédéliques : ce n’est qu’une danseuse espagnole.

Trombinoscope des espèces

Cependant, Jacques Perrin nous le rappelle : « il serait facile de se perdre dans l’immensité« . Or, dans ce monde majestueux, les prédateurs ne sont pas absents, à l’image d’une horde d’oiseaux frégates attaquant et torpillant des bébés tortues à peine émergés du sable. Prédateurs parmi lesquels l’Homme n’est pas le moindre. Sans vouloir être moralisateur, Océans nous rappelle les conséquences sur les fonds marins de la présence humaine : « la trace du génie humain souille« . Et Perrin de questionner : « combien d’espèces avons nous fait disparaître ? Combien sont en voie de disparition ? Combien sont menacées ? » . On peut se poser cette question lorsque l’on voit un phoque aux côtés d’un caddie au milieu d’une pollution envahissant tout son territoire.

Il est aussi important de rappeler quelques chiffres au sujet de ce film : 8 ans de travail en lien constant avec des biologistes du monde entier, 4 ans de tournage, 12 équipes, 75 expéditions sur 54 sites, près de 500 heures d’images. Les techniques les plus modernes ont été utilisées : caméras équipées d’un système de gyrostabilisation placées à bord d’une torpille, embarquées à bord d’un mini-hélicoptère ultra-silencieux… Pour les prises de vue nocturnes, un nouveau procédé imitant le clair de lune a été mis au point. Un système de sonorisation capable de restituer les bruits sous-marins : la symphonie de la houle, le chant des phoques, les crépitements émis par le plancton et les crevettes… a aussi été utilisé.

Planisphère, lieux du tournage

Enfin, comment parler du dernier opus de Jacques Perrin et de Jacques Cluzaud sans évoquer le Commandant Cousteau ? Jacques-Yves Cousteau qui, pendant plus de cinquante ans, a parcouru les mers du monde entier et réalisé 144 films. De Par dix-huit mètres de fond (1942) aux Promesses de la mer (1997) en passant par Le Monde du silence (1955) pour lequel il a reçu une Palme d’Or à Cannes, ses documentaires ont fait connaître à un large public les mystères d’un monde sous-marin jusque là quasiment inaccessible. Ses films ont favorisé une prise de conscience sur la fragilité du milieu marin et ont sensibilisé et responsabilisé chacun au respect et à la protection de l’environnement. La diversité des espèces est, en effet, indispensable à notre propre existence. Le Commandant Cousteau nous a fait rêver enfant. Aujourd’hui, Jacques Perrin poursuit l’œuvre de l’explorateur au bonnet rouge.

A l’heure, où l’écologie est devenue une mode, il est nécessaire de voir ce genre de films qui rappellent la fragilité de notre planète et l’urgence de la défendre. Pour les générations futures.

Julie DERACHE

Avatar : James Cameron a encore frappé et très fort

Depuis le 16 décembre, Avatar, le dernier film de James Cameron est diffusé dans les salles de cinéma. Il était annoncé grandiose. Chose promise, chose faite.

Quand un groupe industriel propose à Jake Sully, ancien Marine ayant perdu l’usage de ses jambes, de reprendre la place de son frère jumeau pour piloter son avatar sur la planète Pandora, il accepte. Sa mission, sympathiser avec les autochtones pour récolter des informations afin de mieux la coloniser pour exploiter un précieux minerai.

Ce dernier opus nous envoie en 2154 à l’ère où la technologie fait rage. Le spectateur navigue alors entre le monde réel et le monde virtuel, celui de Pandora. On y retrouve les avatars, humanoïdes crées à partir de l’ADN humain et de celui des autochtones, les Na’vi. La rencontre de l’avatar de Jake avec la jeune Na’vi, Neytiri va bousculer sa vision des choses.
Très vite le spectateur se prend au jeu et plonge dans l’univers de Pandora. Sur ce territoire, vivent des tribus « d’indigènes » de couleur bleue, à l’allure d’homme mais avec une queue, des oreilles pointues et un nez large et plat. La flore y est chatoyante et propose son spectacle à chaque instant. On croise aussi des animaux extraordinaires à l’apparence préhistorique ou encore des chevaux à six jambes.

Mais le succès d’Avatar, c’est aussi les thèmes traités. De la colonisation à la protection de l’environnement en passant par une histoire d’amour, tous les ingrédients sont réunis pour que ce film devienne en quelques semaines, le film de l’année 2009. Les messages sont forts et font un pied-de-nez à la société occidentale.

Pour la bande originale, en parfaite adéquation avec les images, James Cameron a de nouveau fait appel à James Horner (compositeur de la bande originale de Titanic), un duo qui fonctionne indéniablement bien. Le visionnage 3D rend le film encore plus attrayant même si on regrette parfois une vitesse trop rapide des images.

2h40 de pur spectacle, un film à voir.

La rupture tranquille de Michael Moore avec le capitalisme

Après les armes à feu, les multinationales et Georges Bush, Michael Moore propose un pamphlet anti-capitaliste dans Capitalism : A Love Story.

Le capitalisme et Michael Moore, c’est fini. Le réalisateur se rappelle à notre souvenir avec sa dernière production : Capitalism : A Love Story. D’emblée, le ton est donné et Michael Moore regrette le temps de sa jeunesse. Un capitalisme dans lequel son père ouvrier à Flint était bien payé et où les grandes fortunes étaient fortement taxées. Cette nostalgie d’un passé idéalisé face à un présent où le mal est partout est la thèse principale défendue dans le film.
Du Michael Moore tout craché. Si le choix du sujet est comme toujours excellent, son traitement sentimentaliste laisse quant à lui à désirer.
Quant au spectateur, il a la chance de découvrir trois Michael Moore pour le prix d’un.

Michael Moore le justicier

À l’image d’un Don Quichotte des temps modernes, le réalisateur met en scène sa confrontation, avec les grands moulins de Wall Street. Cette particularité se trouvait déjà, dans ses précédents films. On se souvient de Bowling for Colombine et de l’affrontement entre Michael Moore et Charlton Heston (1923-2008) grand défenseur des armes à feux. Comment oublier également, la rencontre entre le réalisateur et Phil Knight, le PDG de Nike, où ce dernier semblait tout ignorer du sort réservé aux ouvriers de ses usines asiatiques.
Cette fois, Moore stigmatise avec virulence, la cupidité des grandes entreprises et des banquiers, tellement avides d’argent, qu’ils vont même jusqu’à spéculer sur la mort de leurs salariés.

Michael Moore l’humoriste

C’est une autre facette du personnage, qui revient là encore avec récurrence dans ses anciennes productions. Michael Moore utilise l’humour pour faire passer son message. Le comique de situation comme lorsqu’il demande le plus sérieusement du monde à un policier d’arrêter le patron de Citibank. Cette prédilection pour l’humour se manifestait également dans les anciens documentaires où il maniait souvent le second degré. On se souvient ainsi de la manière dont il ironisait sur la politique de la peur menée par Georges W. Bush dans Fahrenheit 9/11.

Michael Moore l’affectif

Le côté obscur du personnage. Michael Moore se sent obligé d’indiquer au spectateur qui il doit aimer et détester. La musique, les images et les montages l’aident à montrer au public quel est le bon choix. Mais ce sont les gros plans sur les gens attristés qui sont les plus insupportables. Un voyeurisme dont on se serait volontiers passé. Cette infantilisation du public est regrettable. D’autant qu’elle dessert le message essentiel que l’auteur entend porter.

Micmacs à Tire-Larigot casse la baraque

On ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé avec Jeunet. Ce trublion de la création cinématographique vient d’accoucher d’un film aussi originale que sympathique. Du 100% pur jus de chez Jeunet qui raviront les aficionados même si l’on entend déjà ses détracteurs reprocher au réalisateur de ne pas assez nous surprendre, lui qui jusqu’alors changeait d’univers à chaque nouvelle création.
Après Un Long Dimanche de Fiançailles, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou encore Alien la Résurrection, le talentueux réalisateur rassemble désormais une pléiade d’acteurs pour conter une histoire des plus loufoques, au cœur d’un Paris qui oppose puissants esseulés et parias emprunts de bontés.

Dany Boon, André Dussolier, Omar Sy (du SAV), Dominique Pinon (l’acteur fétiche de Jeunet à la bille de clown) ou encore Yolande Moreau remplissent tous leurs rôles à la perfection dans ce qui pourrait être, sur le plan de la narration, un film des frères Cohen.

Jeunet retrace cette fois-ci une aventure humaine hors-norme où le destin d’un jeune homme, peu gâté par la vie, interprété par Dany Boon, va affronter d’affreux marchands d’armes et va devoir développer des trésors d’ingéniosité pour piéger ces puissants et machiavéliques personnages.

Le réalisateur insuffle un rythme incroyable à sa production lorsqu’il campe des personnages excentriques dans des décors complètement farfelus et glisse ces petits détails quotidiens, si humains, tout au long du film.

Les décors sont, comme à l’accoutumée, emprunt d’un onirisme frappant, les objets qui meublent l’histoire sont surprenant et les acteurs choisis pour leurs caractéristiques physiques produisent un tout d’une parfaite cohérence.

Ce film, vous l’aurez compris, est plus que convaincant. Le style de Jeunet ne se renouvelle pas vraiment mais confirme, s’il est besoin, qu’il est un grand réalisateur. Qu’il est homme à s’attaquer à de réels projets scénaristiques et pas seulement un as de la réalisation et de la photo.

Alors oui c’est du Jeunet, pas un de ceux qui dérangent par son ambiance inquiétante, proche d’un expressionnisme d’antan, comme La Cité Des Enfants Perdus ou Délicatessen, pas non plus de ceux qui tombent dans la romance à l’esthétique exacerbée comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou Un long dimanche de fiançailles, mais un entre-deux parfaitement maîtrisé qui prouve que le style de Jeunet est parvenu à la maturité et qu’il n’est pas dans une sorte de redite mal digérée due à un manque d’inspiration.

Petits objets prenant vie, décors fantasmagoriques, personnages singuliers aux caractères bien trempés, couleurs passées, rythme effréné et bizarreries en tout genre le tout emballé dans un comique burlesque résument en quelques mots cette œuvre.

Si vous appréciez les films parfaitement orchestrés, que vous n’avez pas peur des bon clichés qui réchauffent le cœur, et qu’une part de rêve et de morale bon enfant ne vous font pas peur, alors ruez-vous dans les salles et laissez-vous entraîner par le jeu cinématographique d’un Jean-Pierre Jeunet plus que jamais jubilatoire.

L’Ambulance ou le néo-réalisme serbe

Les réalisateurs des Balkans sont décidément à l’honneur pour cette 31ème édition du Cinémed. Retenu à Cuba (où il enseigne actuellement), Goran Radovanovic a accepté de nous en dire plus sur ce premier film.

Dix années ont passé depuis les onze semaines de frappes aériennes de l’OTAN sur la Serbie. A Belgrade, les traces des bombardements n’ont jamais totalement disparu.
C’est au coeur de cette capitale que L’Ambulance, premier long métrage de Goran Radovanovic a été tourné. A travers le quotidien d’un service ambulancier, ce film historique contemporain évoque le drame relatif aux profonds bouleversements subis par la société serbe depuis la chute du régime. Interview du réalisateur.

Haut Courant : Vous êtes déjà connu pour vos documentaires comme Chicken Elections. The Ambulance est votre premier long métrage. Depuis quand l’aviez vous en tête?

Goran radovanovic : Honnêtement, je ne sais pas. En fait, je sentais qu’il fallait que je rassemble et que je transforme les images de mes documentaires en un film de fiction rassemblant les mémoires collectives. J’ai donc commencé à écrire un script reflétant le « Zeit Geist » (ndlr : en Allemand : l’esprit du temps. Comprendre climat intellectuel) du drame politique et social serbe.

Pourquoi avoir suivi ce phénomène depuis un service ambulancier?

Sans doute parce que c’est de là qu’on peut voir le mieux la sensibilité et la fragilité de notre société.

Les personnages de votre film sont tristes, très affectés par les évènements de 1999, surtout les plus jeunes. Comment avez-vous réussi à orienter dans cette direction des enfants qui n’ont aucun souvenir de cette période?

Et bien peut-être parce que je suis un peu triste moi-même. Peut-être que c’est mon passé slave… C’est toujours difficile de diriger des enfants. Celui qui le fait doit très bien savoir comment les orienter. Pour cela, il faut avoir de la pratique, l’expérience de la vie. Je pense que je l’ai depuis que j’ai deux garçons.

Avez-vous réalisé un film politique?

Je voulais l’intituler « Un film historique et contemporain », comme il est dit dans le sous titre. Car l’histoire contemporaine est toujours politique! En ce sens, oui. Mais objectivement, j’étais plus focalisé sur l’esprit du temps que sur la politique.

Le film traite d’une période charnière pour la Serbie. Comment l’avez-vous vécue à l’époque?

Ce que j’ai pu ressentir en tant qu’être humain n’a pas d’importance. Mais en tant qu’artiste, j’étais vraiment heureux de pouvoir suivre l’un des plus importants évènements historiques, comme le fut la chute du régime par exemple. Bien sûr, je n’oublierai jamais la première bombe en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale : pendant 78 jours, l’OTAN a bombardé mon pays et ma ville.

Comment la nouvelle génération serbe considère t-elle ce passé?

Ce que je vois, à mon échelle, ce sont de jeunes gens frustrés, comme leurs parents : ils ne voient pas de futur pour eux. Lorsqu’on ne peut même pas imaginer de futur, comment considérer le passé ?

L’Ambulance (Hitna pomoc)

Serbie – 2009 – 1 h 24 mn –

Réalisation : Goran Radovanovic –

Scénario : Goran Radovanovic –

 Interprétation : Vesna Trivalic, Natasa Ninkovic, Nenad Jezdic, Tanasije Uzunovic, Sonja Kolacaric, Jelena Stupljanin –

Rencontre avec Sorak Dejan

Dejan Sorak, le réalisateur du superbe « In the land of wonders » (« U zemlji cudesa », en Croate), nous a livré les clés et les anecdotes de son film.

In the land of wonders pour un pays qui a connu la guerre, est-ce vraiment approprié?

Évidemment, cette région du monde est tout, sauf le pays des merveilles. C’est tout le contraire, mais ce n’est pas qu’une terre dévastée.

Le film traite de sujets graves, des conséquences de la guerre mais sans jamais tomber dans le pathos. Comment faites vous?

J’ai voulu éviter tout sentimentalisme. L’émotion n’est pas une composante du jeu de mes acteurs, elle en est une conséquence. Dans la façon de diriger les scènes, je voulais garder un aspect brut, cruel.

Cruel, comme l’est la petite Alica?

Cette petite fille n’est plus une enfant, elle est l’une des pires conséquences de la guerre. Elle est cruelle et en quelque sorte plus âgée que sa propre mère. Elle est capable de regarder la mort en face.

Marija Stjepanovic, qui joue le rôle d’Alica est éblouissante. N’était-il pas trop difficile de faire tourner une enfant dans ce registre là?

En effet, ce que je redoutais le plus, c’est que l’enfant abandonne le tournage au bout d’une semaine. Mais Marija est très intelligente, même si elle m’a détesté tout le long du tournage. Chaque fois que j’essayais de lui expliquer quelque chose, elle regardait en l’air. Comme elle était jalouse des autres acteurs, elle faisait exprès de les déstabiliser pendant leurs scènes. D’ailleurs, dès la seconde répétition, l’acteur principal était effrayé et a refusé de rester seul avec Marija qu’il comparait à « un petit dragon ». Mais elle était parfaite, douée d’un instinct naturel. Lorsqu’elle répétait la scène de la mendicité, elle a d’ailleurs réussi à récolter quelques kunas. Et puis, quand on a tourné dehors pendant vingt six nuits, Marija n’a pas dormi, pas même une sieste.

Justement, vous avez tourné une grande partie du film de nuit. Pourquoi?

L’histoire débute à la campagne et continue dans la ville. Deux univers qui se font violence se rencontrent. Tout comme l’illustre le contraste entre le jour et la nuit omniprésente. Lorsque l’héroïne du film s’échappe et franchit la clôture du jardin, elle pénètre dans un nouveau monde telle Alice au pays des merveilles après la traversée du miroir.

Vous avez réalisé un film de fiction inspiré de la réalité. Quel regard portez vous sur les Balkans d’aujourd’hui?

Les cancers dus à la présence d’uranium appauvri dans les sols sont véritables, un des acteurs vient de Bosnie et a d’ailleurs vu des membres de sa famille contaminés après les bombardements de l’OTAN.
Mais je n’ai pas voulu faire un film politique, je trouve dommage de dépenser l’argent des subventions pour tourner un documentaire sur le sujet. On peut en trouver soi-même en cherchant sur Internet. En tant que metteur en scène, j’aime voir toutes les facettes d’une seule et même chose.

C’est donc un film plein d’espoirs?

On a rangé les armes, mais la guerre a continué dans les Balkans : il reste des mines, de l’uranium dans nos sols par exemple. Vous savez, nos usines, nos moyens de production ont été détournés, tout le monde revendiquait son droit, il a été très difficile de sortir de ce conflit. La pauvreté et la violence en sont les conséquences visibles. D’ailleurs, un des titres possibles de ce film était « Wash Hands ».

Il y a des miracles dans In the land of wonders, vous y croyez dans la réalité?

Si Alica veut en finir avec les contes de fée, elle commence à ressentir des choses comme un vrai être humain pendant son voyage. C’est le vrai miracle du film.