Les « booktubeurs », nouveaux prescripteurs littéraires des ados et des plus grands

À l’ère du numérique et des discours pessimistes sur l’avenir du livre, de nouveaux prescripteurs voient le jour, bien décidés à faire mentir les prédictions. Appelés « booktubeurs », des férus de littérature se mettent en scène sur internet pour parler de leurs lectures et conseiller des milliers d’internautes passionnés. Parmi eux, les adolescents ne sont pas en reste. Beaucoup ne l’aurait sûrement pas parié et pourtant : la génération 2.0 lit encore et sait tirer profit de la technologie pour soutenir et perpétuer la culture du livre papier. Haut Courant vous explique le phénomène « booktube ».

Le souffle des Mots, Bulledop, FairyNerverland… sont autant de chaînes internet qui appartiennent à la vague « booktube ». Leurs propriétaires, de jeunes adeptes de romans jeunesse, se filment et partagent leurs dernières lectures sur le web. Devant des bibliothèques pleines à craquer, ces prescripteurs d’un nouveau genre témoignent de leur passion pour la littérature, mais également pour l’objet en tant que tel. De quoi rassurer les fervents défenseurs du livre papier.

Définition de booktubeur

L’emploi du terme « booktube » est la contraction du mot book (« livre » en anglais) et de youtube (site internet participatif d’hébergement de vidéos).

Un booktubeur désigne une personne se mettant en scène, via la plateforme youtube, pour parler de littérature. Importé des pays anglophones et hispanophones, le phénomène booktube est arrivé en France en 2012 et séduit de plus en plus les internautes ; y compris, les adolescents.

Devenir booktubeur 

Sur la toile, n’importe qui peut créer son propre contenu, poster des vidéos et devenir booktubeur. À condition, bien sûr, d’aimer la littérature et de savoir en parler avec suffisamment d’intérêt.

Ensuite, le succès de chacun dépend de plusieurs critères tels que la qualité des vidéos, tant sur le contenu que sur l’aspect technique ; la régularité de production ; la longévité de la chaîne (gagner de la visibilité sur youtube ne se fait pas en quelques semaines) et également, d’un certain facteur chance.

Booktube, la littérature jeunesse et les adolescents

Bien que toute sorte de littérature soit la bienvenue sur youtube, on note une forte représentation de la littérature young-adult, avec en ligne de mire, le genre de l’imaginaire.

Les bibliophiles qui se mettent en scène sur youtube parlent avec enthousiasme des livres qu’ils ont lu. Après un bref résumé de l’intrigue, ils détaillent ce qu’ils ont, ou n’ont pas aimé dans les différents ouvrages. Les booktubeurs conseillent leurs internautes comme ils conseilleraient leurs amis proches. Ils emploient un langage « jeune » et n’hésitent pas à livrer leurs émotions personnelles, sans fard, ni artifice. Si les vidéos sont regardées par un large public, elles sont très appréciées des adolescents, cœur de cible de la littérature jeunesse. Par le biais de youtube, les jeunes lecteurs ont désormais accès à des sources d’informations inédites, ludiques et attractives qui savent piquer leur intérêt.


Présentation des 10 livres coup de cœur de la booktubeuse Audrey, résidant à Montpellier, sur la chaîne Le souffle des Mots.

Ce mode de communication libre et sans filtre plaît aux internautes et participe à créer un nouveau rapport à la lecture. Grâce à youtube, les pré-adultes trouvent des prescripteurs qui leur ressemblent et qui évoquent une littérature en raccord avec leurs désirs et leurs centres d’intérêts. Fini les lectures rébarbatives imposées pour le bac de français et place aux livres « plaisirs » ! Les adolescents redeviennent maîtres de leurs lectures et peuvent échanger au sein de ce qui devient de véritables petites communautés de lecteurs, grâce notamment à l’espace commentaires.

« Toujours un plaisir de te retrouver en vidéo ! Je suis tentée de lire le roman que tu nous présentes. Il faut dire que tu nous vends tellement bien les livres ! » Commentaire d’une internaute, sur la chaîne de Margaud liseuse.

« Merci beaucoup pour cette vidéo coup de cœur Audrey. Même si ça fait encore autant de livres qui s’ajoutent à mes envies de lecture. Il faut que j’arrête de me faire soudoyer ! 😉 » Commentaire d’une internaute sur la chaîne Le souffle des Mots.

Un vocabulaire propre à la communauté booktube a vu le jour. Aussi, si un booktubeur parle d’une « PAL », sachez qu’il s’agit d’une « Pile à lire », un « Book haul » est une présentation de toutes les acquisitions livresques sur une période définie, un « Update » est consacré aux trois dernières lectures, ou encore un « Swap » désigne un échange de colis entre deux booktubeurs, avec ouverture et découverte du contenu devant la caméra.


Un book haul proposé sur la chaîne FairyNeverland.

En plus de proposer des vidéos de présentations et de critiques littéraires, les jeunes booktubeurs regorgent d’imagination pour faire participer leur communauté d’internautes. Ils initient par exemple des défis, tels que des « Read-A-Thon », qui consistent à lire le plus de livres en une période donnée ou bien le « Week-end à mille », qui invite à lire 1000 pages en un week-end.

Toujours dans l’idée de diversifier leur proposition et la rendre plus attractive, les propriétaires de chaîne littéraire n’hésitent pas à se rencontrer afin de tourner des « Booktalk », soit des débats entre deux booktubeurs autour d’un livre en particulier ou encore à lancer des « Tags », des questionnaires en rapport avec la littérature, créés par un booktubeur. À la fin de sa vidéo, ce dernier désigne d’autres booktubeurs pour reprendre ce questionnaire, et ainsi que de suite jusqu’à ce que le Tag devienne viral.

Outre la richesse des vidéos proposées, les booktubeurs tirent en partie leur succès du phénomène de communauté. En effet, le sentiment d’appartenir à un groupe et de posséder des modèles-référents sont des étapes clefs du développement et du bien-être chez les adolescents. À l’image de booktube, d’autres communautés ont vu le jour sur internet, telles que les chaînes de « beauté » qui rassemblent 2 744 986 d’abonnés pour EnjoyPhoenix ou encore 766 979 abonnés pour la chaîne Elsamakeup. Et, comme il est autant important d’appartenir à un groupe que de s’intéresser à une multitude de choses, il n’est pas rare que les youtubeurs débordent de leur sujet de prédilection en proposant des vidéos annexes. C’est par exemple le cas avec EnjoyPhoenix, estampillée youtubeuse beauté, qui a posté une vidéo de ses lectures favorites, qui totalise 290 113 vues à ce jour.


EnjoyPhoenix, youtubeuse beauté, dresse la liste de ses livres favoris.

Une vitrine pour les professionnels

Internet est devenu une excellente vitrine puisque certains booktubeurs totalisent jusqu’à 50 000 abonnés. Cela, des maisons d’édition l’ont bien compris et ont choisi de monter des partenariats avec les prescripteurs les plus influents.

Tous les mois, les vidéastes sélectionnés reçoivent gratuitement une pile de livres (qu’ils ont pour la plupart choisis parmi les nouveautés des éditeurs) et pour lesquels ils sont invités à faire une critique sur leur chaîne, le plus souvent dans un délai d’un mois après réception. Pour autant, les booktubeurs affirment vouloir garder leur indépendance et rester maîtres de leurs opinions malgré les partenariats.


Sur sa chaîne, Audrey explique ce que sont les maisons partenaires.

Cuvée littéraire : 3 romans, 3 nationalités, 3 regards

À l’occasion du salon Vinisud, Haut-Courant a sélectionné trois romans autour de la thématique du vin : Les Vignes de Sainte-Colombe du français Christian Singol, La Bodega de l’américain Noah Gordon et Un bon cru de l’anglais Peter Mayle. À lire sans modération !

Les trois romans choisis par Haut-Courant offrent un panorama de la vigne et du vin, du XIXe siècle à nos jours. Les Vignes de Sainte-Colombe (Éditions Albin Michel / Le livre de poche) s’intéresse aux conditions de vie des vignerons de l’époque tandis que La Bodega (Éditions Michel Lafon / J’ai lu) est davantage axé sur le travail de la terre et le lent processus de fabrication du vin. Pour finir, Un bon cru (Éditions Nil / Points) se focalise sur l’héritage des traditions et la relation que les contemporains entretiennent avec le vin.

Les vignes de Sainte- Colombe

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Auteur français très prolifique, Christian Signol porte haut les couleurs de la campagne et des valeurs paysannes. Paru en 1996 Les Vignes de Sainte-Colombe raconte les destins croisés de dizaines de vignerons sur un domaine viticole du Languedoc, de 1870 à 1918. Le second tome de la saga La Lumière des collines a été publié en 1997.

À la mort de Charles Barthélémie, son fils Léone reprend les rênes de l’immense propriété du Solail, au grand dam de sa sœur Charlotte. Autour d’eux, journaliers et régisseurs vivent au rythme des vendanges et des humeurs de leur maître. Tandis que Charlotte prépare son grand retour, le Solail sera tour à tour malmené par l’effondrement des cours, la révolte des vignerons, ainsi que par deux épidémies : le phylloxéra et le milidou. Impétueuse et passionnée, la jeune héroïne œuvrera sans relâche pour redonner au Solail sa splendeur passée…

Avec un style poétique propre à Christian Signol, Les Vignes de Sainte Colombe est un hymne à la campagne, aux senteurs de la garrigue et à la lumière du Midi. La force du roman réside dans la multiplicité et la richesse de destins croisés qui gravitent autour du Solail. Les personnages sont particulièrement développés ainsi que les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres mais également, avec les vignes.

Plus qu’un roman sur le vin, Les Vignes de Sainte Colombe s’intéresse aux conditions de vie et de travail des hommes de vignes. Sur un fond historique, le lecteur découvre l’organisation et la hiérarchie d’une importante exploitation viticole et les menaces qui pèsent sur les récoltes de l’époque.

« (…) le Solail se mourrait de sa grandeur : les vignes étaient tellement étendues qu’on n’arrivait pas à gagner le fléau de vitesse, et elles mourraient les unes après les autres. Aussi, malgré les suspicions qui frappait les cépages américains (le phylloxéra avait été introduit en France par des importations d’outre-Atlantique), Léonce, poussé par Cyprien, s’était enfin résolu à arracher ses vignes et à replanter des porte-greffes américains (…). Mais la décision était une chose, et le spectacle de l’arrachage en était une autre. Jamais Léonce n’avait ressenti à ce point combien ces ceps semblaient ancrés dans son corps et combien le vin, le sang de la terre, était semblable à son propre sang. Il venait de découvrir qu’il pouvait souffrir de ses vignes comme de son corps. Elles étaient mortellement blessées, lui aussi. » (Christian Signol, Les Vignes de Sainte-Colombe, Le livre de poche, édition 23 – mars 2016, p 129).

La Bodega

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Noah Gordon est un auteur américain. La Bodega, paru en 2008 nous emmène au cœur de l’Espagne du XIXe siècle et des guerres carlistes.

Conscient qu’il n’héritera jamais de la bodega familiale, Joseph Alvarez cherche un sens à sa vie. Déserteur, il se réfugie en Languedoc et trouve un travail dans un grand domaine viticole. Pendant quatre ans, le catalan renoue avec sa passion de la terre et apprend les secrets de la vigne et du bon vin auprès de son bienfaiteur, Luis Mendès. À la mort de son père, il rentre au pays et découvre que son frère aîné souhaite vendre la bodega dont il vient d’hériter. Commence alors une nouvelle vie pour Joseph. Il rachète le modeste domaine et ambitionne de transformer le moût destiné au vinaigre en un véritable vin de table…

La Bodega propose une histoire simple et touchante qui décevra sans doute les amateurs de sensations fortes. À l’image d’une longue vie de labeur, l’intrigue s’étire lentement et calmement. Avec son roman, Noah Gordon invite le lecteur à revenir aux sources et à se reconnecter avec la nature. La Bodega est avant tout un récit de vie : celui d’un modeste viticulteur qui souhaite aller au bout de ses rêves. Aux côtés de Joseph, le lecteur vit au rythme lent de la terre et des gestes qui se répètent de jour en jour, d’année en année. Il partage les déboires du jeune vigneron et se réjouit avec lui de l’avancée des récoltes. Les liens qu’entretiennent les personnages sont à l’image du reste du roman : simples et sans artifices.

La vigne et le vin occupent une place centrale dans l’intrigue. Le lecteur assiste de manière quasi-instantanée à l’ascension de Joseph et à la transformation de son vignoble. Malgré quelques longueurs et une tension dramatique relativement faible, La Bodega est un livre réussi qui fleure bon la terre et le raisin. Les descriptions sont riches et initient le lecteur aux secrets de la vigne et à la fabrication du vin.

« Joseph cédait à la nervosité. Tous ses revenus futurs reposaient désormais entre les mains de la nature. Autrement dit, il devait attendre que s’accomplisse le mystérieux processus au cours duquel le jus de la treille se transforme en vin. L’accompagnement de cette métamorphose exigeait de sa part travail et surveillance. Dans le moût, tout ce qui n’était pas jus – les peaux, les grains, les tiges, les débris – tendait à remonter à la surface, à flotter sur le liquide et à sécher rapidement. Toutes les trois ou quatre heures, Joseph vidangeait par le robinet une partie du jus. Puis il dressait une échelle contre la citerne et il déversait le jus dans le moût. À l’aide d’un râteau, il repoussait la croûte vers le fond et la mélangeait au corps liquide. Il répétait l’opération plusieurs fois par jour et se relevait même la nuit pour aller la refaire dans le noir, comme on accomplit un rituel entre veille et sommeil. » (Noah Gordon, La Bodega, J’ai Lu, édition 2011, p 308).

Un bon cru

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Un bon cru, paru en 2005, est le neuvième roman de l’anglais Peter Mayle. Amoureux de la Provence et de ses vignes à perte de vue, l’auteur est installé dans la région depuis plus de 30 ans.

Le héros du roman, un londonien prénommé Max Skinner, hérite d’un vignoble provençal. Ancien employé de la finance, Max opère un virage à 180 degrés lorsqu’il choisit de s’installer en France pour exploiter les terres de son nouveau domaine. Sur place, l’anglais devra cependant faire face à une déconvenue de taille : la cuvée que produit son vignoble est à peine buvable. Bien décidé à améliorer la qualité de son cru, Max fait alors appel aux services d’un œnologue et découvre que son domaine est le théâtre d’une énorme arnaque…

Un bon cru est un ouvrage qui se lit facilement. L’écriture est fluide et les personnages attachants. La particularité du roman réside dans l’humour, mis en avant par la vision que le protagoniste anglais et – plus généralement l’auteur – porte sur la France et les coutumes autochtones. Le roman est serti de petits clichés qui font sourire car force est de reconnaître qu’ils tombent souvent justes. Le lecteur retrouve l’ambiance d’un village de campagne provençal et les incontournables qui font le charme de la région : chaleur, partie de pétanque, pastis, nourriture abondante et bien entendu dégustation de vin.

La thématique du vin constitue la trame principale du roman et une terre prospère pour l’ironie de Peter Mayle. L’auteur décrit la fierté que les Français portent à leur cépage et les codes quasi-institutionnels liés à la dégustation du vin. Il pointe avec humour certaines bizarreries, comme lorsqu’il dépeint un cours d’initiation à l’œnologie qui rappellera sans doute un moment partagé par bon nombre de lecteurs. Ce moment où, assis à une table de restaurant, on exécute les gestes d’usage sous les yeux inquisiteurs du sommelier en tentant vainement de cacher qu’on ne sait pas très bien ce que l’on fait pour finalement lâcher un « Très bien » mal assuré.

«  » Maintenant, vous faites tourner le vin dans le verre pour l’aérer – il doit respirer.  » Tous imitèrent de leur mieux ses petits mouvements circulaires de la main pour animer un liquide imaginaire dans un récipient vide. Ils commençaient à se sentir légèrement ridicules, ils n’étaient pourtant pas au bout de leurs peines.
Il approchèrent leur verre vide de la flamme des bougies pour mieux apprécier les subtilités imaginaires de la couleur de leur vin imaginaire. Ils penchèrent le nez au dessus d’un verre vide pour en humer le bouquet imaginaire. Ils burent une gorgée imaginaire qu’ils recrachèrent aussitôt ». (Peter Mayle, Un bon cru, Points, édition 2014, p 37).

Bien qu’il ne constitue pas un chef d’œuvre de littérature, Un bon cru a le mérite de faire passer un bon moment, sans prise de tête et distrayant. Le point de vue apporté par le protagoniste anglais donne une dimension amusante et original au roman. Toutefois, la résolution de l’intrigue devient rapidement évidente et les caricatures, relativement faciles.

« Au fur et à mesure des bouteilles, les descriptions devenaient de plus en plus bizarres : il était question de truffe, de jacinthe, de foin et de cuir mouillé, de tweed humide, de belette, de ventre de lapin, de vieux tapis, de chaussettes hors d’âge. La musique à son tour fit une brève apparition avec un vin dont on comparait l’arrière-goût aux dernières notes de la Deuxième Symphonie de Rachmaninov (l’adagio). Chose étonnante, il ne fut jamais question de raisin, sans doute en raison de ses origines trop peu exotiques pour mériter une place dans le lexique de l’amateur de vin. » (Peter Mayle, Un bon cru, Points, édition 2014, p 38).

Pour poursuivre la lecture : Château-l’arnaque, autre roman de Peter Mayle paru en 2008, place également le vin au cœur de son intrigue.

Un bon cru a été adapté au cinéma en 2006 par  Ridley Scott sous le titre Une grande année. Le film met en scène Russell Crowe dans le rôle de Max ainsi que l’actrice Marion Cotillard.

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The Casual Vacancy : la magie de JKR n’opère pas

C’est l’histoire d’un mec qui meurt. Et puis rien d’autre.

C’est l’histoire du petit village de Pagford, dans le sud de l’Angleterre. Une bourgade comme tant d’autres, avec ses fortes-têtes, ses clans et ses rumeurs. Ses drames aussi. Barry Fairbrother, un membre du conseil municipal, est foudroyé par une crise cardiaque sur un parking. Ses amis le pleurent, ses opposants se réjouissent – en privé, évidemment.

C’est l’histoire d’une opposition sociale, des méchants conservateurs contre les pauvres oubliés des quartiers. Les riches contre les drogués. Les bien-pensants contre les mal-logés.

C’est l’histoire de Krystal. Celle de Fats, celle d’Andrew. C’est le récit de déboires adolescentes, d’espoirs, d’envies, crûment relatés.

C’est l’histoire de Kay. Celle de Cubby, celle de Parminder. Des chamailleries d’adultes, des considérations politiques, des on-dit, des non-dits.

Avec The Casual Vacancy (Une Place à prendre en français) J.K. Rowling, qui signe son premier livre pour adulte, est loin, très loin de l’univers magique d’Harry Potter. Le monde qu’elle raconte est sombre, désespéré, embourbé dans le vice et l’apathie. C’est un roman au ralenti, aux descriptions lourdes. Les multiples changements de point de vue sèment la confusion. Trop de personnages, trop peu creusés s’enlisent dans un cadre qui stagne.

Au final, ce livre ressemble à l’exutoire d’une auteure soulagée d’avoir émergé d’un milieu défavorisé. Une thérapie incontournable ? Allez, la prochaine fois sera la bonne.

Quand la fiction rencontre la réalité

Un an après le succès de Que serais-je sans toi ?, Guillaume Musso nous offre La Fille de papier, son huitième roman. Il y met en scène la rencontre explosive entre Tom Boyd, jeune écrivain à succès, et son héroïne, Billie Donelly.

On pourrait croire à un poisson d’avril. Et pourtant non, ce sont bien les exemplaires du dernier Musso que l’on peut trouver sur les étals des librairies ce 1er avril. Pour le plus grand plaisir de ses nombreux lecteurs.

Guillaume Musso est l’un de ces jeunes auteurs à succès qui se sont révélés ces dernières années. Professeur d’économie, le romancier est taraudé depuis l’enfance par un désir d’écriture. En 2004, il se lance réellement avec Et après qui le fait connaître. Une histoire d’amour, de suspense et de mystère. Voilà. La formule magique est trouvée et Guillaume Musso va l’utiliser pour chacun de ses romans.

Comme chaque auteur qui rencontre un « trop » grand succès tels les Meyer, Lévy, Gavalda ou Pancol, Guillaume Musso est critiqué : « trop » de bons sentiments pour un style d’écriture « trop » simpliste. On aime les étiquetages : « auteur à succès », « auteur commercial », « auteur populaire », « auteur à midinettes ».

Pourtant, comme souvent, la critique est en décalage avec la popularité que rencontre une œuvre. Le public aime Musso. Pour la pointe de fantaisie, de science-fiction, de suspens, chez les uns. Pour l’optimiste, l’histoire d’amour ou des intrigues bien ficelées, chez les autres. Musso, c’est un style simple, assumé et apprécié. Aynoah, membre du forum Fluctuat-Livre, lit aussi bien des grands romans classiques que Guillaume Musso, et assume : « je trouve que les ficelles de l’histoire ont beau ne pas être très originales, la mise en œuvre m’a agréablement surprise et j’ai trouvé malgré tout le livre assez prenant et agréable. Ça n’est pas de la grande littérature, mais un bon livre de détente, et pourquoi pas, un minimum de réflexion sur le sens de la vie en général ». « Je pense qu’aimer lire signifie aimer lire de bons livres. S’ils sont best-sellers ce n’est pas pour rien non plus…», conclut Oriane sur le même forum.Une simplicité qui est donc loin de rimer avec médiocrité pour ces lecteurs.

Et, avec La Fille de papier, les amateurs ne seront pas déçus. Le synopsis ? Tom Boyd, un romancier californien sombre dans une dépression après une rupture et est incapable d’écrire le troisième volet de la Trilogie des anges. Une nuit, il découvre, avec stupeur, une jeune femme entièrement nue dans son salon. « C’est moi : Billie ! » lui lance-t-elle alors prétendant être un de ses personnages, tombée de la page 266 de son dernier tome ayant rencontré des problèmes d’impression. Voilà ainsi l’histoire surprenante d’une héroïne de fiction qui s’invite dans la réalité de son créateur, pour lui sauver la vie.

Guillaume Musso utilise savamment ses ingrédients favoris : l’humour, l’amour, l’amitié, l’aventure et le surnaturel. Le romancier entraîne ses lecteurs du Mexique à Paris, en passant par Rome, pour des péripéties aussi drôles que touchantes. La fille de papier, c’est non seulement une histoire d’amour aussi inattendue qu’improbable, mais c’est surtout et comme toujours avec Musso, une amitié qui survit à la vie faite de ses malheurs et de ses souffrances, et des amis qui tentent le tout pour le tout et vont même jusqu’à tuer. Au final, l’intrigue est très bien ficelée, et la chute surprenante. Comme toujours. Ce n’est pas Elliott Cooper qui dira le contraire !


Citoyen de seconde zone, une oeuvre de Buchi Emecheta

Buchi Emecheta est sans doute l’une des romancières africaines les plus traduites en français. Née à Lagos en 1944, elle vit en Grande-Bretagne depuis l’âge de 22 ans où elle a, peu à peu, par ses œuvres, conquis le public. Adah, l’héroïne de « Citoyen de seconde zone », le premier de ses romans, publié en 1975, emprunte les traces de sa créatrice et offre une intéressante observation sur l’exil nigérian en Grande Bretagne.

C’est une démarche militante posant un regard féminin sur l’émigration africaine, la condition féminine et le partage entre deux cultures, qui rythme ce roman, véritable invitation au voyage. En lisant Citoyen de seconde zone, je me suis mis dans la peau de l’auteur, je me suis identifié à elle et j’ai vécu toutes sortes de sensations depuis son Nigeria natal jusqu’à son pays d’accueil.

L’oeuvre place Adah, personnage principal et, vraisemblablement, double de l’auteur, comme le porte parole des femmes et des immigrés. L’auteur adopte son point de vue par une focalisation interne et donne un ton personnel même si la narratrice parle d’elle à la troisième personne.
Grâce à ces techniques, j’ai vécu le combat de cette héroïne, orpheline de père à neuf ans, dans une culture machiste où la femme n’est réservée qu’aux tâches ménagères. Ce livre est porteur de messages essentiels, dans un contexte hostile où l’auteur nous montre comment cette femme battante, va renverser son destin grâce à sa motivation, son désir d’aller à l’école et d’apprendre. Son parcours est intéressant et mérite d’être un cas d’étude dans un monde où beaucoup de jeunes n’ont pas envie d’aller à l’école et ce, malgré leurs conditions sociales favorables. L’œuvre est instructive. Elle offre aux lecteurs la découverte de deux mondes différents (africain et européen) et transporte ainsi le lecteur dans un voyage de découvertes culturelles sans précédent.

Ce qui frappe surtout, c’est le récit d’une libération, d’une autonomisation : la conquête de la légitimité de la femme dans les années soixante, au sein d’une Afrique traditionnelle. Son regard est remarquable mais véhicule plusieurs stéréotypes qui ne sont pas toujours positifs. Par exemple, l’image de son mari Francis, paresseux, fainéant, jaloux, machiste. Elle dénonce cette société patriarcale. Ce point de vue me déplait car il a tendance à caricaturer l’homme africain.

Pourtant, j’ai aimé voir cette femme qui se libère en prenant la parole, en souhaitant écrire un livre dans une culture africaine de tradition orale. Elle nous offre un portrait de la femme africaine comme un modèle, un pilier fondamental de la société. Une femme à la fois mère, agent économique, éducatrice. Ce qui n’est pas négligeable. Le titre du livre Second class citizen renvoie à une personne considérée comme inférieure en statut et en droit comparé aux autres. Dans cette vision, l’auteur joue sur le sens de cette expression en l’attribuant à Adah en tant que femme mais aussi en tant que personne de couleur.

Même trente ans après la parution de cette œuvre, derrière une dimension historique intéressante, transparait une immédiate actualité. Ce livre présente de manière intemporelle la problématique de l’immigration à notre époque où ce sujet fait encore débat. L’héroïne, à travers ses mésaventures à Londres en tant qu’immigrée, est confrontée aux problèmes de logements, de discrimination, de racisme, de chômage. Le choc des cultures montre des visages qui pourraient faire comprendre à beaucoup de jeunes africains candidats à l’immigration vers l’Europe, que l’Occident est loin d’être un paradis.

En somme, ce livre est bénéfique aux Occidentaux : il permet de voir d’une part la condition féminine de l’auteur, les croyances machistes, les difficultés économiques de sa société et sa bravoure exemplaire pour dompter ses contraintes. D’autre part, elle est porteuse d’espoir pour certaines personnes en leur permettant de relativiser leur situation et de se rendre compte de toutes les chances qu’elles ont par rapport à la vie d’Adah, orpheline et pauvre, reléguée au second rang de la société.

Personnellement, la lecture de Citoyen de seconde classe m’a permis de voyager, de m’instruire encore plus sur la culture de l’auteur, sur les conditions féminines, sur les combats des femmes… Choses que je ne pourrais partager entièrement avec vous, car rien ne vaut une réelle expérience par soi-même en se plongeant au cœur du livre. A vous donc de vivre l’aventure.

Erik Orsenna :  » Je rêvais d’être reporter « 

Erik Orsenna est de passage aujourd’hui à Montpellier pour présenter son dernier livre. Successivement enseignant dans la finance internationale puis conseiller de Ministres et même de Mitterrand, il est élu à l’Académie Française en 1998, et est surtout connu du grand public pour son immense talent de romancier !

Présent à Montpellier pour présenter son nouveau livre « L’avenir de l’eau », Erik Orsenna a accepté de répondre à quelques questions. Entretien avec un des grands hommes de la littérature française actuelle.

Vous venez à Montpellier présenter votre dernier ouvrage que vous aviez annoncé lors du Congrès mondial pour l’eau qui s’est tenu ici en septembre 2008.

Erik Orsenna : S’il y a bien une ville où je devais me rendre pour présenter ce livre, c’est bien Montpellier. Pour moi, cette ville c’est la capitale de l’eau, c’est ici que j’y ai tout appris. C’était un passage obligé. D’ailleurs plusieurs fois dans l’ouvrage je fais référence à l’Hérault et aux travaux sur l’eau qui sont développés.

Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

En fait, il s’agit d’une promenade. Je m’intéresse depuis 30 ans aux matières premières comme le coton, le caoutchouc, le café et même l’acier et je me suis rendu compte que la question de l’eau revenait toujours. Alors j’ai décidé d’entreprendre un tour du monde de l’eau.

C’est-à-dire?

J’ai voyagé pendant deux ans à travers le monde. Aujourd’hui les journaux n’ont plus les moyens de payer de grands reporters comme dans les années 20 ou 30. Moi j’ai eu la chance que mon éditeur adhère au projet. Comme le livre sur le coton avait bien marché, il m’a fait confiance et a financé mon voyage. J’ai ainsi pu parcourir pendant deux années de nombreux pays : Australie, Inde, Egypte, Maroc, Palestine, Chine, Argentine… et j’en passe. Et je me suis également baladé un peu partout en France. Toujours sur la problématique de l’eau.

Et quels constats faites-vous ?

S’ajoutant aux inégalités économiques des populations, j’ai pu constater que certaines vont avoir de plus en plus d’eau (Canada, pays scandinaves) alors que d’autres vont en avoir de moins en moins. Par exemple, dans 30 ans, l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie réunis, compteront 330 millions d’habitants qui devront se partager le Nil. Mais n’oublions pas que dans cette zone, il y a aussi la Palestine, Israël, mais aussi la Somalie… Je crains que l’endroit ne devienne un lieu de tensions et de désordres sans précédent. Et tout cela pour cette denrée inestimable qu’est l’eau.

Vous semblez très engagé en ce qui concerne la protection de la planète. Pourquoi ce thème vous touche-t-il?

Ma formation de base c’est l’économie, et dans ce domaine on a plutôt intérêt à comprendre la planète. Et c’est parce que j’ai fait de l’économie que j’ai été en mesure d’écrire cet ouvrage. Mais attention dans ce livre, ce n’est pas l’homme des dossiers qui parle mais le romancier. Chaque chapitre commence par Il était une fois…l’Australie par exemple. Je raconte une histoire un peu comme le ferait un reporter. Enfant déjà je rêvais de faire ce métier, un peu comme Tintin (rires). A travers ce livre, je suis en quelques sortes un « professeur de planète ». Tout du moins, c’est comme ça que j’aime me voir.

Erik Orsenna, L’avenir de l’eau, Fayard, 2008.

Alice Ferney se livre

Out of Africa est son film préféré. Elle compare Truffaut à Spielberg, cite avec aisance Nietzsche et Michel Butor. Alice Ferney est une auteure sans complexe, venue présenter son nouveau roman, Paradis Conjugal, sorti aux éditions Albin Michel, à la librairie Sauramps.

Jeudi 13 novembre, à 18h30, l’ambiance est à la complicité et l’intimité féminine au café Bermuda-Clafoutis. Quelques hommes tout de même, la cinquantaine avancée, s’attardent sur chacune de ses paroles. Entre deux confidences, elle qui tapisse son bureau avec des mots et regarde The Hours quand son moral est à zéro, Alice Ferney écoute. A côté d’elle, une jeune femme, Ilène Grange de la Compagnie de l’âtre, lit d’un ton haut perché des extraits de son dernier roman.

L’histoire d’Elsa Platte, délaissée par son mari, qui oublie sa solitude devant le téléviseur. Au programme, encore et encore, Chaînes conjugales, le film mythique de Joseph Mankiewicz, réalisé en 1949. Alice Ferney décortique les sentiments amoureux, la perte de l’autre, le manque.
Parmi la trentaine de personnes rassemblée, curieux ou fidèles, certains hochent la tête, sourient, se reconnaissent dans les paroles de l’auteure.

Bandeau orange sur la tête, look hippie et veste léopard posée sur la chaise, Alice Ferney cumule les livres, les paradoxes et les identités. D’ailleurs Alice est en fait Cécile. Et Ferney, Gavriloff. Car « celui qui écrit n’est pas celui qui vit ». Soucieuse de séparer sa vie de son œuvre, son pseudonyme lui permet d’établir une distance entre sa vie d’écrivaine et son travail de professeur d’économie à l’université d’Orléans. Alice, prénom choisi en référence au conte d’Alice au pays des Merveilles.

« Quand on lit, on se dit c’est ça, c’est ce que je vis ! »

D’ailleurs, Alice finit son verre. Tout en maniant son stylo, elle embrasse d’un regard la salle, et se tait. Ilène Grange, la lectrice, entame un morceau du roman où les enfants d’Elsa Platte l’espionnent pendant un énième visionnage de Chaînes Conjugales. On reconnaît dans l’assemblée les mères de famille avec leurs sourires en coin. Du déjà vécu, assurément ! D’ailleurs Martine, 57 ans, blonde vêtue élégamment d’un long manteau rouge, avoue se reconnaître dans l’état de vérité : « Quand on lit, on se dit c’est ça, c’est ce que je vis ! »

Pour Jocelyne, il n’est pas question de projection dans les personnages mais plutôt de parcourir des yeux un roman bien construit, guidée par « la magie des mots ». Alice, quant à elle, a du mal à tourner la page : « Je suis dans un moment où je déteste mon livre ! A chaque fois j’essaye de l’oublier. La fin d’un livre, c’est un peu comme un deuil »

Dans toute sa bibliographie, qui compte aujourd’hui sept romans, à chaque fois un éternel absent : l’homme. Certains de ses lecteurs lui reprochent d’ailleurs ce manque. Elle réplique que l’homme est toujours présent dans ses ouvrages, mais mis à distance. Et s’il y en a bien un qui a pris le large, c’est le mari d’Elsa Platte. Il a laissé derrière lui un simple post-it : « Prépare-toi à dormir seule ».

Il est 19h30, le public quitte les chaises pour rejoindre l’auteure autour d’une séance de dédicace. Certains achètent même Paradis Conjugal, tout alléchés qu’ils sont. Comme le lapin blanc pressé par sa trotteuse, Alice se lève enfile sa veste léopard et s’en va, laissant derrière elle une pile de livre pour autant de merveilles…

Conte défait

Gabriel est un homme de principes. D’abord : seul son plaisir compte. Ensuite: une fois dans ses paumes la chair perd toujours. En dépit des apparences de dandy élevé aux bonnes manières, son sourire juvénile n’a plus grand chose d’angélique. Toujours en soif, jamais rassasié, le satyre obscène d’à peine vingt ans abuse brutalement, jouit dans l’instant et parfois même tue. Tueur de petite fille, violeur de femme, Gabriel a comme on dit « mal tourné ». Rien ne le prédestinait pourtant, lui, le fils de la fée, à pareille perte. Elle si parfaite, elle si belle, aux jambes sans fin, au teint de lait et aux lèvres fraise des bois. De son vivant tout le monde l’admirait, et lui l’aimait, la fée et son ventre si rond. Celui dont Gabriel est le seul enfant.

Las, la fée est morte, fleur flétrie d’une longue agonie. L’ogre Gabriel souffre, et le lecteur avec lui. Certes, Gabriel est un monstre, un Œdipe à la lame facile. Mais Alice Ferney est de ces auteurs qui vous instillent en juste dose une émotion et son contraire, dégoût et compassion. Durant une centaine de pages noircies d’ecchymoses l’on assiste, en témoin impuissant, à la valse folle du diablotin issu du « Ventre de la fée ». Un conte de femme, où la brutalité s’écrit avec tendresse, qu’elle adresse aux hommes, montrant d’un doigt accusateur ce qu’ils renferment de plus sombre.

Premier ouvrage d’Alice Ferney, « Le ventre de la fée » paru aux éditions Actes Sud inaugure une longue réflexion de facture plus classique sur l’amour maternel dont « Paradis Conjugal » est le dernier né. Qu’elle les explore dans la violence ou qu’elle en fasse l’apologie à coups de sanguine bien ajustés, la femme, l’épouse et la mère ont trouvé en Alice Ferney une experte de talent portée par une plume à la ponctuation délicate. Homme ou femme, quittes à obéir à vos pulsions les plus viles, faites donc. Succombez et dévorez« Le ventre de la fée ».

Le revers de la médaille

Alain Delort a publié, le 4 juillet, son premier roman qui dénonce les dérives des comportements dans le sport moderne. Un livre piquant sur le dopage.

Un monde où le dopage sportif est roi, où le public vote pour choisir le meilleur athlète, où les transformations chirurgicales deviennent la norme. Impossible ? Pas pour Alain Delort.
Ce Rochelais d’adoption publie son premier roman Les Jeux Libres . Page après page, il se demande ce que deviendrait le sport si le dopage était autorisé en toute impunité et jusqu’où serait prêts à aller les athlètes pour gagner. Le résultat fait froid dans le dos.

A 37 ans, Alain Delort est gérant d’un fonds de capital-risque spécialisé dans la santé. Ce fan de sport a choisi de s’emparer du sujet en réaction à toutes les dérives. « Il existe une vraie hypocrisie. Le dopage ternit l’image de la compétition mais rien n’est fait pour l’empêcher réellement », dénonce l’auteur. D’où l’idée provocatrice de raconter une histoire où le dopage serait roi. Il renchérit : « Des amis m’ont dit que je vantais les mérites de cette tricherie. C’est faux ! Je vais simplement, dans mon roman, au bout de la logique : puisqu’on ne fait rien pour lutter autant laisser faire les athlètes à fond ».

« Il faudra que les gens acceptent de voir moins de performances »

L’auteur fait un bond dans le temps. En 2024, l’ère du dopage est terminée. Un nouveau test universel et fiable permet de vérifier que les sportifs ne prennent pas de substance interdite. Il pense ainsi rendre le sport propre. Revers de la médaille, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les athlètes n’honorent pas la devise des Jeux Olympiques « plus vite, plus haut, plus fort ». Les spectateurs s’ennuient, quittent les stades et réclament le retour de leurs idoles déchus à cause du règlement antidopage.

Des écailles sur la peau…Pierre de Say, un homme d’affaires, va alors lancer un nouveau concept : « Les Jeux Libres ». La règle ? Il n’y en pas ! Tous les moyens sont bons pour gagner. Et le public est là. Le spectacle, malgré les résistances de certains, attirent de plus en plus de monde. Les téléspectateurs peuvent même participer à la sélection des athlètes en votant pour leur chouchou.
Alain Delort lance un cri du coeur contre le dopage

La compétition prend alors un nouveau tournant. Après avoir épuisé toutes les sortes de pilules existantes, les nageurs et autres sprinters décident de se plonger dans la chirurgie. Des hommes avec des pieds de quinze centimètres de plus, des écailles collées sur la peau et des mains palmées font leur apparition aux bords des bassins. Mi-homme mi-animal, les athlètes transforment leur corps pour pulvériser leur record et gagner davantage de médailles. Mais quarante ans plus tard, l’ère du tout technologique finira par perdre le sport et les athlètes.

Moins de performances ? Attention ! Il ne faut pas oublier que tout le livre sort de l’imagination de son créateur, même si des passages reposent sur des faits ou des personnages réels. « Admettons que le test antidopage universel existe, il faudra que les gens acceptent de voir moins de performances. Le Tour de France ne pourra plus faire 2 500 km. Les spectateurs ne sont peut-être pas prêts à l’accepter », avertit-il.
De son expérience en tant que directeur général d’un laboratoire pharmaceutique, Alain Delort a puisé la matière de la deuxième partie de son livre. Il affirme que « la technologie avance très vite. Le lien entre le secteur médical et sport est étroit. Dans 20 ans, beaucoup de choses seront devenues réalité ».

A travers de nombreuses recherches et sa culture sportive personnelle, Alain Delort a écrit son roman en un an. Il a même appris qu’« à l’époque des premiers Jeux grecs, les athlètes se « dopaient » déjà. Selon les disciplines, ils mangeaient des viandes différentes ».
Mais il prévient : malgré ce sujet brûlant, il n’a pas de message à faire passer. « Je veux simplement que les lecteurs passent un bon moment avec mon livre. C’est un roman avant tout », prévient-il. Le virus de l’écriture ne le lâche plus. Depuis trois mois, un nouveau livre est en préparation. Mais pour l’instant le sujet reste secret. Une certitude : il ne traitera ni de dopage ni de sport.