Les Pairs du Rap

Sorti cet été, il est désormais disponible au téléchargement, illégal ou légal (à chacun de trouver ses raisons), le documentaire tant attendu du rappeur Ice-T et du réalisateur Andy Baybutt : « Something from Nothing : the art of rap » .

Se posant devant la caméra et non plus derrière le micro, Ice-T nous rapproche des débuts du Hip-hop de New-York, Detroit, LA. Avec son partenaire, il rencontre pour nous, d’une côte à l’autre de l’Amérique, ceux qui ont fait le rap, afin d’en faire surgir l’essence. Un documentaire dont l’angle surprend et satisfait : comment ont-il écrit, pourquoi, et que c’est-il passé depuis ?

Des images magnifiques d’individus vieillis face à une discipline en pleine jeunesse.
Seul hic, peut-être, la participation un peu trop impliquée de Tracy Marrow (Ice-T). Elle commence par le souhait légitime d’un ancien DJ de présenter une facette technique de son monde, mais propose petit à petit un catalogue de ses propres prouesses.

Le documentaire se termine par un couché de soleil. Entre lui et nous, Ice-T, de profil, qui nous assure rester vrai. En posant un œil sur sa carrière, on pourrait finir par le croire. En tout cas on le remercie.

Ce documentaire reste 1 h 30 de plaisir pour les amateurs de Hip-hop. Il offre enfin un nouvel angle à l’intérêt qu’on porte à la discipline : celui de l’intérieur.

Perseverance is the word

L’attrape salive ici !

Le président : chronique d’un « monstre » politique

Mercredi 15 décembre sort Le président, le nouveau documentaire d’Yves Jeuland. Près de deux mois après la mort de Georges Frêche, le film retrace la dernière campagne politique de « l’empereur de Septimanie » : les Régionales 2010.

Les larmes coulent sur son visage, sa voix est éreintée par l’émotion. Debout sur la tribune, Georges Frêche galvanise une audience déjà toute acquise à sa cause. Ce moment fort du documentaire est symptomatique du dilemme vécu par la caméra d’Yves Jeuland. « Le président » l’avouera plus tard, mais il ment. L’histoire qu’il raconte, son grand-père travaillant dur et uniquement muni de sabots, est fausse ou romancée du moins.

L’empathie gagne pourtant le spectateur. Le réalisateur, qui a pris conscience qu’il suivait «le dernier combat d’un homme», restitue toute l’ambiguïté et la complexité du personnage. Fort, grande gueule et orateur de talent, mais cynique et prêt à tout pour gagner, le trait caractéristique du personnage était de mettre en application sa philosophie de vie : «Je suis un tendre, mais si vous êtes trop tendre, on vous tue. Moi, je tue le premier et je pleure après.»

Dans la peau de Georges Frêche

L’immersion dans l’univers frêchiste est totale, Yves Jeuland a parfaitement su se faire oublier des protagonistes. Le résultat donne l’impression au spectateur de vivre la campagne de l’intérieur, sans intermédiaires. Les relations de l’ancien maire de Montpellier avec ses collaborateurs ne subissent visuellement pas de contraintes. À tel point qu’ils en oublient souvent la présence du réalisateur.

Frédéric Bort, directeur de cabinet, est omniprésent et ses conseils sont parfois immoraux. «Il faut mentir en politique» explique-t-il au grand Georges. Ce dernier, qui visiblement n’a pas besoin de conseil en la matière, reconnaît plus tard qu’il sort parfois «les chiffres qui lui viennent à la tête».

La solitude du pouvoir

Le documentaire met en exergue la façon de faire du « président ». L’homme est politiquement seul dans son combat, ses colistiers ne sont que très peu présents et tentent dans de rares occasions d’ajouter leurs touches à cette campagne. L’impression ressentie accorde une grande place à son cabinet. Frédéric Bort et Laurent Blondiau, responsable de sa communication, le harcèlent de remarques et de recommandations.

Des consignes qu’il ne suit qu’occasionnellement. «Pas d’attaques personnelles !», son communicant se veut implacable, « l’empereur de septimanie » dans son entêtement l’ignore. Critiquant tour à tour Arnaud Montebourg, «ce petit morveux», Martine Aubry et le plus souvent sa nouvelle rivale Hélène Mandroux, sa campagne est sans concession.

Sur fond d’affaire Fabius

Au-delà du charisme de Georges Frêche, le documentaire a gagné un intérêt soudain le 28 janvier 2010. Dans l’Express, le président attaque Fabius sur sa «tête pas très catholique». Cette campagne des régionales, qui devait se résumer en un affrontement entre la gauche Frêchiste et la droite de Raymond Couderc s’est transformée en une lutte fratricide entre socialistes. L’ancien maire de Montpellier devint alors une attraction nationale. Défendu ou pourfendu, les médias se sont focalisés sur le personnage et l’élection est devenue une sorte de référendum dont « le président » est sorti gagnant.

La conclusion est identique pour ce documentaire qui dépeint avec brio la personnalité d’un des leaders les plus charismatiques de la politique régionale et française.

« Le président » : la bande-annonce du film

La naissance de l’enfant de mai 68

Le 27 novembre, la société des lecteurs de Libération a organisé au cinéma Grand Action de Paris, une projection-débat en compagnie des journalistes et anciens membres de la rédaction. Deux films ont été diffusés lors de cette rencontre ouverte au grand public, dont celui de Patrick Benquet.

« Draquila » un documentaire anti-berlusconi

Le nouveau documentaire de Sabina Guzzanti : « Draquila, l’Italie qui tremble » est sorti en salle ce mercredi 3 novembre. Après « Viva Zapatero!», la réalisatrice italienne livre une nouvelle critique de Silvio berlusconi.

Quelle meilleure publicité pour le quatrième long métrage de Sabina Guzzanti que les dernières déclarations du président du conseil italien, Silvio Berlusconi? Il Cavaliere s’est une nouvelle fois illustré cette semaine. Récemment mis en cause dans un nouveau scandale sexuel, il a déclaré qu’« il vaut mieux avoir la passion des belles femmes qu’être gay ».

Ce documentaire, présenté au dernier festival de Cannes, avait fait parler de lui suite au refus du ministre des Biens et des Activités culturels, Sandro Bondi, de venir au festival car il estimait que le film était une offense à l’Italie.

Il faut dire que Sabina Guzzanti n’épargne pas le chef du gouvernement italien. La réalisatrice dénonce la mauvaise gestion du tremblement de terre qui a eu lieu à L’Aquila, capitale des Abruzzes, en avril 2009. Par ce tragique événement, Silvio Berlusconi a vu une formidable occasion de redorer son image alors qu’il chutait dans les sondages. Cette ville, dans laquelle de nombreux monuments ont été endommagés par le séisme, est laissée à l’abandon. Il Cavaliere se présente en sauveur et charge la protection civile (un organisme de secours) de construire de nouvelles habitations dans la campagne environnante. Mais à quel prix? Il écarte les autorités locales et les habitants des décisions concernant la reconstruction. Et profite de ce qu’il définit comme une urgence pour contourner les lois, notamment en matière d’urbanisme. On découvre aussi le sort réservé aux sinistrés pendant la durée des travaux. Ils se retrouvent pendant des mois dans des hôtels loin de leur ville ou dans des campements de fortune. A l’arrivée, si certains seront relogés, se sont quelques 30000 habitants qui se sont retrouvés sans abris.

La Mickael Moore italienne

Sabina Guzzanti
Sabina Guzzanti n’en est pas à son coup d’essai. En 2005, le documentaire « Viva Zapatero! » présentait l’enquête qu’elle avait mené suite à la déprogrammation de son show Raiot de la télévision publique. Elle dénonçait le non-respect de la liberté d’expression dans une Italie où Silvio Berlusconi contrôle la quasi-totalité des médias. « Draquila, l’Italie qui tremble » a reçu un franc succès en Italie. Plus dramatique que « Viva Zapatero » selon la réalisatrice, le documentaire mêle tout de même sérieux des témoignages et ton humoristique. Et ça fonctionne!

Dans sa démonstration elle montre comment Il Cavaliere utilise l’État pour servir ses propres intérêts. Il arrange les lois à sa manière, place des personnes de son entourage (ses liens avec la mafia sont aussi abordés), contrôle les télévisions et réussi ainsi à manipuler l’opinion publique. Tout cela sans réaction d’une opposition quasi inexistante.

Ce film présente tout de même un espoir pour les italiens. Si l’Italie est derrière la France au classement de la liberté de la presse (les deux pays sont respectivement à la 49ème et 44ème place), il est encore possible de critiquer ouvertement le pouvoir en place.

« Des solutions locales pour un développement global », des clés pour l’avenir

Du 7 au 13 avril est diffusé le documentaire « Des solutions locales pour un développement global » de Coline Serreau à l’Utopia de Montpellier. Au menu de ce film résolument optimiste : la dénonciation des méfaits de l’agriculture intensive et la volonté de montrer qu’une autre voie est possible.

Un aller simple pour Maoré

Le documentaire d’Agnès Fouilleux s’attaque à un sujet brûlant et tabou en France. Les relations entre Mayotte et les Comores décortiquées sous le prisme du néo-colonialisme.

Mercredi soir à 19h30, le cinéma Diagonal est déjà noir de monde.
Le public est venu nombreux pour assister à la projection du documentaire d’Agnès Fouilleux, Un aller simple pour Maoré .
Les associations Cimad et Survie sont aussi au rendez-vous et ont installé leur stand dans le hall d’entrée. La Cimad a pour vocation d’aider les migrants en situation irrégulière et l’association Survie milite « pour un assainissement des relations France-Afrique ». Quelques bénévoles sont là ce soir pour participer au débat qui aura lieu après le documentaire, en compagnie de la réalisatrice. En attendant, ils proposent au public différentes lectures sur les Comores et Mayotte (collectivité d’Outre-mer française), pour mieux comprendre les enjeux politiques dans cet archipel.

Le documentaire d’Agnès Fouilleux est percutant. De très belles images, parfois un peu bancales, sont ponctuées par des musiques comoriennes qui traduisent la souffrance d’un peuple.
Pour quelqu’un qui ne connaît rien à l’histoire des Comores et de Mayotte, le documentaire est parfois un peu abscons. Mais on comprend que les Comoriens, étouffés par une pauvreté absolue, immigrent par milliers vers Mayotte dans l’espoir d’une vie meilleure. Très souvent, leurs rêves de bonheur disparaîssent au cours du voyage. Les « clandestins » montent à bord des Kwassa kwassa (« ça balance, ça balance »), vieux bateaux à moteurs dans lesquels ils s’entassent. Régulièrement, le bateau chavire et la mer engloutit des passagers. Il y a tellement de morts chaque année, qui tentent de rejoindre l’île de Maoré (Mayotte), que les médias français ont fini par en parler. Mais sans jamais expliquer la raison de cette immigration massive et sans relater la répression violente que les autorités françaises leur font subir.

D’ailleurs Agnès Fouilleux l’explique:
« Je suis partie du constat de l’immigration clandestine meurtrière. C’était tellement mal expliqué dans les médias. Ca devenait un non-sens! J’ai eu envie d’expliquer tout le contexte autour de ça »
Son documentaire, tourné en 2005, décortique en effet les manigances de la France pour conserver Mayotte, ainsi que leurs conséquences désastreuses sur l’économie comorienne.
Lorsque les Comores deviennent indépendants en 1972, la France s’approprie l’île de Mayotte, violant ainsi le droit International.
C’est un sujet compliqué et épineux, que le documentaire s’attache à rendre intelligible, même si l’on regrette parfois l’insuffisance de sources.

Le documentaire d’Agnès Fouilleux est tout de même une perle rare. En effet, vous trouverez très peu, en France, d’analyses critiques des relations entre les Comores et Mayotte et de l’implication de la France. C’est un sujet sensible. Elle filme la réalité des rafles de clandestins à Maoré, de l’injustice de leur condition, du néo-colonialisme de la France.
Dans le générique du documentaire, Agnès Fouilleux précise « ce film a été réalisé sans le soutien du CNC (Centre National de la Cinématographie) et sans le soutien de la Région Rhône Alpes ».
Pourquoi?
 » Pour que le CNC finance un projet de film, il faut qu’une chaîne de télévision accepte de le diffuser. J’ai proposé mon documentaire à toutes les chaînes de télé possibles, on m’a répondu: le sujet est trop politique, les gens ne vont pas comprendre! »

Il est certain que lorsqu’on sort de la projection d’Un aller simple pour Maoré, « on n’a pas envie de dire: Vive la France! « , s’exclame un spectateur.

C’est dans la boîte

Top et flop de la semaine télé.

Flop

Lundi dernier, le Lido à Paris reçoit en direct les globes de cristal. Sorte de remise des oscars où les invités reçoivent des prix décernés par un vote de près de 4600 journalistes.
Une cérémonie vieillotte présentée par Carole Gaessler et Jean-Luc Delarue.
Au sommaire des récompensés : Sylvie Testud, Vincent Cassel, Yamina Benguigui, Anais, Julien Doré, Valérie Lemercier…
Delarue se fait Dechavanne et, pour une fois, nous fait regretter Nikos de TF1.

Tel un enfant effronté, surexcité, l’insupportable présentateur n’a pas su la fermer.
Au sommaire: Pique pour Jacques Attali, le président du jury : « Ça fait du bien d’être président vous qui avez été près du président pendant longtemps ? »
Lors de l’annonce de la récompense de la meilleure actrice, il dit ouvertement « Ah, c’est pas passé loin, Yolande! » au sujet de l’actrice pressentie, Yolande Moreau.
Le titre de la chanson d’Anais devient « Leçon d’amour », une chanson que, dit-elle, elle ne connaît pas. Julien Doré se voit lancer un formidable « bravo Jérôme ». Sans parler des grasses allusions tout au long de la soirée. Yamina Benguigui elle, a craqué. En lui remettant la récompense de la meilleure réalisatrice, l’animateur lui a demandé si elle voulait qu’il «lui tienne son ou ses globes.» Elle exige des excuses publiques dans Le Parisien. Un débit inaudible de stupidités versées avec un relent de pseudo compassion trop dégoulinante pour être honnête qui n’avait pas lieu d’être. A vomir.

Jeudi soir, pas d’Envoyé spécial, mais l’intervention solennelle du chef de l’Etat. Entouré de journalistes qu’il a choisis, le président a lancé des pistes « a discuter » pour résoudre la « crise du siècle ». Le point fort de l’émission ? L’habile stratégie journalistique de l’angle choisi. Celui-ci a consisté à faire croire que les manifestations se limitaient à la peur de la crise, éliminant ainsi les protestations liées à la politique du gouvernement qui ont aussi poussé les gens dans la rue. Du coup, les journalistes, petits écoliers en face du maître, ne se sont pas risqués à l’interroger sur les questions qui fâchent.

Top

Pour ceux qui sont restés sur France 2 après l’irruption présidentielle, formidable documentaire de Guillaume Moscovitz. « Belzec ».
Le film ouvre sur un terrain calme, ombragé, sans passé apparent. Un champs qui abrite pourtant une histoire, celle du camp de Belzec. Premier camp d’extermination en Pologne où plus de 600 000 Juifs périrent en 1942, il fut détruit par les nazis soucieux de ne laisser aucune trace. Aujourd’hui, il ne reste plus que les arbres plantés sur les charniers par des hommes qui ont semé sur les corps pour mieux cacher. D’abord labouré par des chercheurs de dents en or, Belzec, est un lieu de fouille qui brasse les os calcinés.
Le documentaire est poignant et pourtant, il est construit autour de pas grand-chose: les images du champ aujourd’hui, les témoignage des habitants du village, des bruits de nature. Pas de voix off, de musique de fond. Un documentariste que l’on perçoit à peine à travers les murmures de questions que la traductrice rend audible aux témoins interrogés… Peu à peu, le passé se montre, une survivante témoigne…le champ se dévoile… la terre aussi garde des cicatrices. Un documentaire émouvant et fort, même sans la présence d’ images d’archives.

Une autre télévision est possible, oui mais laquelle ?

Après l’annonce du 8 janvier dernier concernant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, les réactions ont été nombreuses. Souvent le fait des professionnels de l’audiovisuel. Deux chercheurs ont accepté d’imaginer ce que pourrait être la « télévision de qualité » que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux.

Philippe Meirieu est l’auteur d’« Une autre télévision est possible », Chronique Sociale, Lyon, octobre 2007.
Professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2, il est aussi responsable pédagogique de la chaîne de télévision pour l’éducation et la connaissance, Cap Canal

.

Philippe Meirieu
Vous qui dénoncez la course à l’audience que se livrent les chaînes de télévision tout en reconnaissant que l’immense majorité d’entre elles ne peut vivre que grâce aux revenus de la publicité , que pensez-vous de l’annonce de Nicolas Sarkozy concernant la suppression de la publicité pour le financement des chaînes publiques ?

Je suis très réservé sur cette annonce. La question de la publicité a été traitée sous l’angle du marché et non pas sous l’angle du statut de la publicité en général.
Je n’appelle pas à une augmentation ou à une diminution de la publicité, mais à une réflexion globale sur le rôle et la place de la publicité à la télévision. Il faudrait réfléchir à l’ensemble des choses qui perturbent la gestion de l’espace public audiovisuel. Toutes chaînes confondues. Par exemple, moi, au titre de la protection de l’enfance, je suis favorable à une suppression de la publicité un quart d’heure avant et un quart d’heure après chaque émission de jeunesse.
D’autres moyens de financement existent. Par exemple le partenariat. On pourrait imaginer des partenariats avec l’éducation nationale, le ministère de la santé etc… Une forme de partenariat ciblé pourrait être entrepris avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, je ne suis pas hostile à une augmentation de la redevance qui est en France l’une des plus basse d’Europe.

Que serait pour vous une télévision de qualité ?

Une télévision qui se passionnerait pour la chose publique, aussi bien pour la médecine, que pour l’éducation… Il y a eu des réussites dans ce domaine qui pourraient être reprises.
Une télévision qui prend les gens pour des gens intelligents, ce qui ne veut pas dire de ne pas les distraire. Mais une télévision qui n’est pas un caractère hypnotiquo-magique, qui refuse un certain nombre de trucages, systématiques dans le talk-show.
Une télévision qui donne une place essentielle à l’image de création. Il y a le documentaire mais également quelque chose qui en France aurait un fort potentiel : le cinéma d’animation. Ce n’est pas forcément élitiste. Beaucoup de personnes apprécient le documentaire touristique ou animalier. Le docu-fiction quant à lui peut aider à faire comprendre des choses. Ce qui serait par exemple intéressant, ce serait de faire des scénarios qui présenteraient ce qui se passerait si ceci ou si cela…. Les créateurs ne sont pas suffisamment mis à contribution. De plus il faudrait que ça fonctionne par appel d’offre et pas par copinage.
Une télévision qui prend des risques. Il faudrait avoir du courage pour supprimer le matin les émissions de jeunesse, type dessins animés, qui ont une influence très nocive en terme d’attention à l’école. Par ailleurs, nous sommes dans des formes archi éculées, le 13 /26/52 mn pour le documentaire. Il y a d’autres formes possibles ! Promo et copinages sont devenus le carburant de la télévision. C’est insupportable ! Ce sont toujours les mêmes émissions critiques, même les moins traditionnelles, c’est encore de la promo et du copinage !
Pour que la télévision se fasse culturelle, il faut qu’elle se fasse créatrice de forme. La télévision a été créatrice à ses débuts. Aujourd’hui, c’est l’âge de la télé réalité, qui a été très astucieux en termes d’inventivité. Le problème est qu’il modélise les autres émissions. On tombe dans le paradigme voyeurisme, exhibition, narcissisme.

Yves Soulé est formateur lettre à l’IUFM de Montpellier. Il est associé au laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique éducation et formation (LIRDEF)

Yves Soulé

Comment réagissez-vous à l’annonce de Nicolas Sarkozy concernant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques?

J’éprouve beaucoup de soupçons par rapport à un gouvernement qui décide, sans concertation, de dissoudre le lien consubstantiel de la télévision publique et de la publicité .
Je ne crois pas aux idées de partenariat pour financer la télévision sans les logiques d’audimat et donc de publicité. Pourquoi ne pas plutôt imaginer une sorte de carte bancaire télévisuelle qui permettrait une consommation à la carte ? Les téléspectateurs paieraient ainsi leur consommation effective. C’est une solution qui risque néanmoins d’être plus chère que ne l’est la redevance aujourd’hui.
Je me méfie de cette volonté de retour en arrière, vers un passé idéalisé . Y-a-t-il déjà eu une télévision de qualité ? Il faudrait s’intéresser aux discours de la presse sur la télévision dans les années 60…

Que serait une télévision de qualité?

Mon rôle en tant que formateur n’est pas d’imaginer ce que la télévision devrait être. En tant que téléspectateur, j’ai une opinion sur la question. Pour commencer, il faut se méfier lorsque qu’on parle de « la » télévision. Elle est aujourd’hui hybride .
S’il est question des chaînes publiques hertziennes, une télévision de qualité serait un télévision qui n’aurai pas de compte à rendre en terme de rentabilité immédiate . Une télévision qui se poserait la question de l’interactivité avec le téléspectateur.
La télévision conserve un rôle majeur dans la production. On a besoin de l’écriture télévisuelle à côté de l’image figée et presque laborieuse de la lecture en ligne. La télévision a un impact spécifique . Il y a une proximité à l’objet. Elle a été accusée de ruiner la veillée . Aujourd’hui, elle s’oppose à la consommation individuelle, privée, voire égoïste d’Internet.
Toutefois, il faut penser ces deux outils dans leur complémentarité. Un outil comme You Tube offre un formidable catalogue. On ne peut nier les problèmes que son utilisation implique, mais ça appelle une réflexion plus large : pourquoi l’offre de l’Institut National de l’Audiovisuel est si chère ?
Il faudrait un intérêt accru de la télévision pour des publics spécifiques, tels que les ados par exemple. Leur parole dérange. Il faudrait se préoccuper de ce public comme le font certaines radios et non pas en fonction de l’intérêt que pourraient y trouver leurs parents.
Contrairement à Philippe Meirieu quant il parle de sidération, je préfère parler de considération. Cela suppose un certain respect dans le professionnalisme des gens de la télévision. On ne peut pas critiquer a priori. Il y a comme une difficulté à penser la télévision. Elle fait peur . Le pouvoir d’aliénation qu’on lui prête est tel qu’on en vient à la considérer comme l’«autre».
La télévision nécessite un apprentissage, sur quatre points essentiels : le contenu, le traitement, les intentions et l’impact. Le téléspectateur peut choisir d’avoir une position critique face à la télévision, mais soyons honnête, la télévision est aussi bien souvent une fenêtre d’oubli de la réalité, de décalage par rapport à ses obligations journalières. Elle constitue une soupape. Il serait aberrant de demander au téléspectateur qu’il se comporte comme les chercheurs aimeraient qu’il le fasse.

L’ADN de la télévision publique

Cet ADN souffre de n’être que partiellement déchiffré. Si son importance est largement reconnue, les experts divergent quant à la façon de l’identifier. Le public a été mis à contribution.

«De l’exception culturelle à l’exécution culturelle»

C’est le slogan que brandissent depuis quelques temps (en 2007, suite au report d’un décret voté dans le cadre de la télévision du futur, en 2008, au festival international de la production audiovisuelle (FIPA) de Biarritz) les professionnels de la création.
Pourtant les déclarations d’intention ont été nombreuses dans le sens d’un intérêt accru à la création. Outre celles émanant du gouvernement, on peut noter la volonté affirmée d’ « assurer la promotion de l’exception culturelle » dans les vœux 2008 du président du conseil supérieur de l’audiovisuel. Le même Michel Boyon qui, dans les colonnes du Monde du 12 mars dernier réaffirmait « la vocation du service public comme haut lieu de la création audiovisuelle ». Au forum Télérama sur le big bang de la télévision du 27 mars dernier, Patrice Duhamel précisait que France Télévision a «un devoir d’audience, un devoir de qualité et donc un devoir d’audace» .
L’idée de préserver l’exception culturelle n’est pas nouvelle. On la retrouve déjà en 1993, dans les réflexions de la commission Campet sur le service public. En 2006, le directeur général de France Télévision , Patrice Duhamel, affirme « le documentaire, c’est l’une des marques de fabrique, l’ADN de la télévision publique » « nous y insistons énormément ».

Qu’en est-il dans les faits ?

«Le but de la réforme n’est pas d’exacerber les tensions entre chaînes publiques et privées, rappelle Christine Albanel au forum Télérama, mais au contraire de clarifier les règles du jeu». Des enquêtes ont été effectuées afin d’expliciter l’identité propre de chacune d’elles . L’Acrimed, du 12 au 18 septembre 2007 a réalisé un « coup de sonde » entre les programme de TF1 et France 2. Deux chaînes qu’a choisi d’interroger du 2 au 29 février 2008, la rédaction du Nouvel Observateur[[Le nouvel Observateur du samedi 8 au vendredi 14 mars 2008]]. Quel constat ? Des différences « non flagrantes » pour l’Acrimed, un phénomène de « persistance rétinienne » qui fait oublier les distinctions pour le Nouvel Observateur. Dans les deux études, ce sont pour les magazines d’information et les documentaires que les variations sont le plus convaincantes.
Cela suffit-il à conforter les opinions du premier ministre sur les ondes de RTL qui dit ne pas voir de différences ente la télé publique et la télé privée ? Ou faut-il affiner l’analyse en se référent aux indications de la ministre de la culture et de la communication qui affirme sur France Culture «non ! (il n’y a pas beaucoup de choses à revoir dans le cahier des charges de la télévision publique) il y avait beaucoup d’éléments qui allaient dans le très bon sens» .

La parole au public, cet inconnu

Thierry Curtet sur le blog sauvons la télé.com- souligne que «ceux qui critiquent la télévision sont ceux qui ne le regardent pas » .
Qui sont les téléspectateurs ? Brigitte le Grignou, dans « du côté du public, usages et réception de la télévision » [[Du côté du public, Usages et réceptions de la télévision, Economica, Paris, 2003]] révèle « tandis que s’accumulent les données sur l’audience, le public, quant à lui demeure inconnu [[Ibid, p.60]] ». Après avoir rappelé qu’en France, la recherche sur le public menée par l’industrie télévisuelle est le fait d’une société privée : Médiamétrie (détenue par les chaines, les radios et centres d’achat d’espace publicitaire), elle précise « ce sont alors les clients qui définissent les méthodes et les outils, mais aussi l’objet à étudier en fonction de leurs intérêts respectifs ». Ce faisant elle invite à s’interroger sur la domination des mesures quantitatives. Celles qui sont issues de critères sélectionnés a priori. Il faut savoir les compléter par des méthodes qualitatives qui sauront recueillir l’expression du public.
L’idée de la consultation de «ceux qui regardent la télévision» a trouvé à se concrétiser via la toile. Christine Albanel a lancé un forum de discussion autour de la problématique télévision publique, vers un nouveau contrat de service public. Forum clos à présent que le site cma-telepublique propose de prolonger . L’idée a essaimé : blog sauvons la tele.com, France 3, enquêtes de Télérama etc.
Si les jugements sont divers, une question revient souvent : comment concilier une télévision de qualité qui soit en même temps populaire ? Elle en appelle une autre. A quelle aune mesurer la qualité de la télévision publique ? Philippe Lefait, le présentateur des mots de minuit, interrogé sur Médiapart donne un élément de réponse « la pseudo logique mercatique ne disparaît avec la publicité que si l’on juge une chaine publique comme on note du patinage artistique. Une note technique (l’audience), pondérée par une note artistique (la qualité des programmes). La direction du groupe France Télévision a d’ailleurs mis en place il y as six mois un outil de ce type , la qualimat, qui doit être consacré de la même façon que l’est l’audimat aujourd’hui. s’il n’est pas sacralisé dans les textes, les lobbies et les amis médiatiques du président Sarkozy parviendront à le remettre en cause».

L’ADN de la télévision publique

Cet ADN souffre de n’être que partiellement déchiffré. Si son importance est largement reconnue, les experts divergent quant à la façon de l’identifier. Le public a été mis à contribution.

«De l’exception culturelle à l’exécution culturelle»

C’est le slogan que brandissent depuis quelques temps (en 2007, suite au report d’un décret voté dans le cadre de la télévision du futur, en 2008, au festival international de la production audiovisuelle (FIPA) de Biarritz) les professionnels de la création.
Pourtant les déclarations d’intention ont été nombreuses dans le sens d’un intérêt accru à la création. Outre celles émanant du gouvernement, on peut noter la volonté affirmée d’ « assurer la promotion de l’exception culturelle » dans les vœux 2008 du président du conseil supérieur de l’audiovisuel. Le même Michel Boyon qui, dans les colonnes du Monde du 12 mars dernier réaffirmait « la vocation du service public comme haut lieu de la création audiovisuelle ». Au forum Télérama sur le big bang de la télévision du 27 mars dernier, Patrice Duhamel précisait que France Télévision a «un devoir d’audience, un devoir de qualité et donc un devoir d’audace» .
L’idée de préserver l’exception culturelle n’est pas nouvelle. On la retrouve déjà en 1993, dans les réflexions de la commission Campet sur le service public. En 2006, le directeur général de France Télévision , Patrice Duhamel, affirme « le documentaire, c’est l’une des marques de fabrique, l’ADN de la télévision publique » « nous y insistons énormément ».

Qu’en est-il dans les faits ?

«Le but de la réforme n’est pas d’exacerber les tensions entre chaînes publiques et privées, rappelle Christine Albanel au forum Télérama, mais au contraire de clarifier les règles du jeu». Des enquêtes ont été effectuées afin d’expliciter l’identité propre de chacune d’elles . L’Acrimed, du 12 au 18 septembre 2007 a réalisé un « coup de sonde » entre les programme de TF1 et France 2. Deux chaînes qu’a choisi d’interroger du 2 au 29 février 2008, la rédaction du Nouvel Observateur[[Le nouvel Observateur du samedi 8 au vendredi 14 mars 2008]]. Quel constat ? Des différences « non flagrantes » pour l’Acrimed, un phénomène de « persistance rétinienne » qui fait oublier les distinctions pour le Nouvel Observateur. Dans les deux études, ce sont pour les magazines d’information et les documentaires que les variations sont le plus convaincantes.
Cela suffit-il à conforter les opinions du premier ministre sur les ondes de RTL qui dit ne pas voir de différences ente la télé publique et la télé privée ? Ou faut-il affiner l’analyse en se référent aux indications de la ministre de la culture et de la communication qui affirme sur France Culture «non ! (il n’y a pas beaucoup de choses à revoir dans le cahier des charges de la télévision publique) il y avait beaucoup d’éléments qui allaient dans le très bon sens» .

La parole au public, cet inconnu

Thierry Curtet sur le blog sauvons la télé.com- souligne que «ceux qui critiquent la télévision sont ceux qui ne le regardent pas » .
Qui sont les téléspectateurs ? Brigitte le Grignou, dans « du côté du public, usages et réception de la télévision » [[Du côté du public, Usages et réceptions de la télévision, Economica, Paris, 2003]] révèle « tandis que s’accumulent les données sur l’audience, le public, quant à lui demeure inconnu [[Ibid, p.60]] ». Après avoir rappelé qu’en France, la recherche sur le public menée par l’industrie télévisuelle est le fait d’une société privée : Médiamétrie (détenue par les chaines, les radios et centres d’achat d’espace publicitaire), elle précise « ce sont alors les clients qui définissent les méthodes et les outils, mais aussi l’objet à étudier en fonction de leurs intérêts respectifs ». Ce faisant elle invite à s’interroger sur la domination des mesures quantitatives. Celles qui sont issues de critères sélectionnés a priori. Il faut savoir les compléter par des méthodes qualitatives qui sauront recueillir l’expression du public.
L’idée de la consultation de «ceux qui regardent la télévision» a trouvé à se concrétiser via la toile. Christine Albanel a lancé un forum de discussion autour de la problématique télévision publique, vers un nouveau contrat de service public. Forum clos à présent que le site cma-telepublique propose de prolonger . L’idée a essaimé : blog sauvons la tele.com, France 3, enquêtes de Télérama etc.
Si les jugements sont divers, une question revient souvent : comment concilier une télévision de qualité qui soit en même temps populaire ? Elle en appelle une autre. A quelle aune mesurer la qualité de la télévision publique ? Philippe Lefait, le présentateur des mots de minuit, interrogé sur Médiapart donne un élément de réponse « la pseudo logique mercatique ne disparaît avec la publicité que si l’on juge une chaine publique comme on note du patinage artistique. Une note technique (l’audience), pondérée par une note artistique (la qualité des programmes). La direction du groupe France Télévision a d’ailleurs mis en place il y as six mois un outil de ce type , la qualimat, qui doit être consacré de la même façon que l’est l’audimat aujourd’hui. s’il n’est pas sacralisé dans les textes, les lobbies et les amis médiatiques du président Sarkozy parviendront à le remettre en cause».