« L’aéroport de Montpellier a du mal à décoller ». Un refrain bien connu. La raison première ? Précisément une abondance d’aéroports, pas moins de cinq se partagent le trafic aérien en Languedoc-Roussillon. Carcassonne, Perpignan, Nîmes, Béziers et Montpellier, difficile de s’imposer dans ce ciel si fourni.
Un quinté… gagnant ?
La région a toujours prôné la complémentarité des cinq plate-formes aéroportuaires. Mais, aujourd’hui, ce surnombre ne deviendrait-il pas un frein plus qu’un moteur de promotion pour la région ? « Non ! » assène cette dernière, qui détient 6,5 % des parts de l’aéroport de Montpellier mais le finance à hauteur de 18 millions d’euros annuels. L’État, actionnaire majoritaire avec 60% des parts, est suivi par la CCI avec 25 %, le reste étant constitué par le département et les communautés de l’Agglo. La région n’est pas à court d’arguments pour défendre la viabilité des 5 sites, qui génèrent un chiffre d’affaires de plus de 800 millions d’euros. Avec pas moins de 140 entreprises implantées sur les cinq tarmacs, les zones concernées peuvent se prévaloir de près de 7450 emplois directs et induits. Selon la société d’études économiques et de conseil en stratégie Bipe et l’institut BVA, Montpellier Méditerranée produit, à lui seul, la moitié de ces ressources.
Pascal Pintre, directeur de l’aéroport de Béziers (235 000 passagers en 2013), estime que cette complémentarité est une force, citant par exemple la région PACA (qui compte Marseille, Nice, Toulon et Saint-Tropez) ou la Bretagne avec sa myriade d’aéroports. « L’idée c’est de savoir comment valoriser cette complémentarité plutôt que de se tirer la bourre. La région Sud de l’arc méditerranéen a un potentiel infini. Le moyen de transport aérien est largement sous-utilisé en Languedoc-Roussillon : seuls 4% des visiteurs dans la région arrivent par voie aérienne », souligne-t-il. Persuadé de l’utilité du travail en réseau, il avance : « L’étude du cabinet Bipe a montré que, si on centralisait tout le trafic sur Montpellier, la région perdrait 700 000 passagers du fait de l’évasion des clients. » Et pour lui, le mariage pour tous les aéroports, ce n’est pas d’actualité : « Il faut sortir des querelles de clochers. Je réfute la concurrence. La complémentarité, oui. Le travail en réseau, oui. Mais le mariage des 5 aéroports, non. Chacun a un statut différent, ce serait très difficile d’aller au-delà du bon fonctionnement. »
Montpellier Méditerranée en déficit d’attractivité
Le bilan 2013 de l’aéroport de Montpellier est plutôt positif avec près de 1.400.000 passagers. Soit 10,5 % de plus qu’en 2012. Mais il stagne toujours loin derrière ses concurrents directs, Toulouse et Marseille, qui enregistrent respectivement 7,5 et 8,3 millions de passagers. Un facteur en cause : le manque de destinations proposées, une vingtaine seulement à partir de Montpellier. Alors que la Ville rose en offre 70 et la Cité phocéenne plus d’une centaine. Pas étonnant alors que le parking de Marignane, qui abrite l’aéroport de Marseille, soit envahi de voitures immatriculées 34 ! Sans oublier la concurrence féroce du TGV qui engendre une perte considérable de passagers, compétitivité des prix oblige.
Montpellier Méditerranée cumule les fausses notes : sa faible desserte n’en est qu’une de plus sur la partition. Un problème rabâché mais jamais résolu. La liaison aéroport – cœur de ville est un vrai parcours du combattant. Certes elle n’est pas chère (2,60 € le trajet tramway + navette) mais comptez une navette par heure pour rejoindre la place de l’Europe, son terminus, puis 15 minutes pour arriver place de la Comédie. En sens inverse, même combat. De quoi décourager les passagers. Mais tout n’est peut-être pas perdu. Un projet très aléatoire de téléphérique, suggéré par le cabinet Transmobilités pourrait relier la gare St-Roch à l’aéroport. Une solution 2 en 1 : une liaison directe du centre au tarmac et un désengorgement du trafic routier.
Une « patate chaude » en période de municipales
L’aéroport de Montpellier n’est pourtant pas si mal loti : d’aspect moderne, refait à neuf, il se situe à seulement 7 kilomètres du centre-ville. Mais situé sur la commune de Mauguio, il est hors de la fameuse Agglo qui regroupe 31 communes, ce qui peut certainement expliquer le manque d’intérêt des élus à son égard.
Si, en 2009, Georges Frêche avait évoqué le projet de fédérer les aéroports de Nîmes, Béziers et Montpellier, l’idée est, cinq ans plus tard, restée lettre morte. Certains candidats aux municipales 2014 voient en l’aéroport de Montpellier l’opportunité de rehausser la ville à un « rang mondial », comme ils disent. La problématique aéroportuaire serait-elle à nouveau au programme ?
La plupart des prétendants au poste y vont de leur commentaire ou proposition, sans trop s’étaler sur le sujet. France Jamet, candidate du Front national, se contente d’un : « C’est une des patates chaudes de la campagne municipale. » D’autres sont plus incisifs. Jacques Domergue, candidat UMP, annonce un projet percutant. S’il est élu, il ne souhaite garder qu’un seul des cinq aéroports dans la région. « Je n’ai rien contre Perpignan, Carcassonne, Béziers ou Nîmes. Mais ces gens-là doivent venir prendre leur avion à Montpellier. Si les élus peuvent le faire, eux aussi », estime-t-il, sans dire comment il forcera la fermeture des autres sites. Sur son compte Twitter, il renchérit : « Je veux un aéroport sud de France à Montpellier qui soit un véritable Hub (centre, ndlr) du Sud de l’Europe. »
(capture d’écran du compte Twitter de Jacques Domergue)
Philippe Saurel, dissident PS, adopte une position plus prudente. Il reconnaît que l’aéroport est un lieu et une plaque d’accès incontournable pour l’économie et le tourisme sur l’axe méditerranéen. Sa situation géographique ne lui échappe pas : « Il n’est pas situé sur l’agglo de Montpellier, du coup il perd un peu de sa valeur. Il n’est pas en contact direct avec la ville, n’a pas de ligne de tram qui le dessert, d’où sa faible importance. » Il rappelle que la ville ne peut agir seule : « Il faudrait passer une série de conventions et des objectifs partenariaux avec les autres villes et communautés de l’Agglo. » Selon lui, il faut montrer patte blanche. « Nous devons harmoniser le territoire face à la crise et nourrir des relations amicales entre les différents aéroports de la région. Je ne serai pas contre fédérer Montpellier, Nîmes et Béziers. Ce serait une façon provisoire d’être compétitif. »
Pour Joseph Francis, candidat UDI, il n’est pas question de lancer des idées sans pouvoir les concrétiser. « Non, la question de l’aéroport n’entre pas dans les points que j’aborde dans mon programme. Tout simplement parce que l’aéroport n’appartient pas à la ville. C’est hors de nos prérogatives. Jacques Domergue aurait dû se taire. Il ne faut pas faire d’annonces politiciennes qui n’aient pas de sens pratique. » Ce qui ne l’empêche pas d’avoir sa propre opinion : « Dans l’idéal, il faudrait que chaque Conseil régional récupère un grand aéroport par région. » concède-t-il. Celui de Montpellier, si ce projet venait à se réaliser, serait cédé à la région. « Pour que ce projet se concrétise, il faut que la région soit accompagnée dans sa démarche par des compagnies privées », explique-t-il. Joseph Francis rappelle que la maîtrise des transports est un critère essentiel du développement économique : « L’attractivité d’un territoire est basée sur les transports. Il faut une plate-forme multimodale, une complémentarité des transports aériens, ferroviaires, routiers et maritimes. Les 3 aéroports de Montpellier, Nîmes et Béziers doivent assurer cette complémentarité et non être en opposition. »
La candidate du Front de Gauche, Muriel Ressiguier, pencherait davantage pour un audit : voir les lignes utiles et comprendre ce qui convient ou pas, en se focalisant sur le point de vue des principaux concernés : les usagers. Seul Jean-Pierre Moure, candidat de la liste PS et EELV, n’a pas souhaité s’exprimer. Comme un aveu ?