En Languedoc-Roussillon, les élections du 6 et 13 décembre vont consacrer un big bang régional. Les craintes de voir Montpellier la « Surdouée » être avalée par Toulouse, a dans un premier temps inquiété les élus. Mais c’est pourtant un nouveau discours qui s’est imposé au fil de la campagne.
Cette semaine, nous vous proposons une série d’articles consacrés aux élections régionales. Retrouvez nos portraits et nos vidéos dans notre dossier.
« À Toulouse, ils parlent d’absorption et d’annexion. Je ne peux pas accepter cette façon de nous considérer ». Cette phrase choc a abondamment été reprise par les médias lors du décès de Christian Bourquin, ancien président socialiste du Languedoc-Roussillon. Mort en août 2014, cet héritier de Georges Frêche s’était distingué par un dernier combat : pas de mariage entre le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées. Un an plus tard, Midi-Pyrénées passera pourtant bien la bague au doigt du Languedoc-Roussillon le 1er janvier 2016. Et sans que cela ne choque plus guère aucun élu.
Damien Alary (PS), successeur de Christian Bourquin, se présentait il y a un an comme le défenseur de sa région. Il semble avoir changé d’avis, alors que son opposition continue de dénoncer un chantage gouvernemental. « Les socialistes ont vendu la région, tout simplement », s’insurge Stéphan Rossignol, tête de liste Les Républicains pour l’Hérault.
Une fusion régionale pour punir les « mauvais élèves » du Languedoc-Roussillon
« Avant la mort de Christian Bourquin, l’unité du Languedoc-Roussillon dépassait nos différences politiques », affirme Stéphan Rossignol. « Bourquin était venu à la tribune du Sénat pour témoigner contre la nouvelle carte. Les échanges étaient violents. »
Mais la mort de l’ancien président de région a en réalité marqué ce changement de cap décisif chez les socialistes locaux. « Alary a été choisi par le PS pour lui succéder car il est plus docile », analyse Stéphan Rossignol. Et selon lui, « il en a profité pour s’offrir un strapontin en ayant bien soutenu la réforme gouvernementale ». Ce strapontin, c’est un poste de président de région délégué dans le futur grand ensemble Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Une nouveauté créé sur mesure.
La mutualisation des services, la recherche d’économies : tels étaient les arguments phares de la loi nOTRE, à l’origine de la fusion. Ils ont été vécus comme une punition, côté Montpellier. « La ville est maltraitée dans cette fusion. Les politiques montpelliérains sont les mauvais élèves : ils sont à la marge de leur formation politique, et n’ont pas de ministres gouvernementaux », explique Emmanuel Négrier, politologue à l’Université de Montpellier, spécialiste de la vie politique régionale. À l’inverse, Toulouse représente le modèle. « Les politiques de Midi-Pyrénées s’inscrivent parfaitement dans la ligne du gouvernement. C’est une punition exemplaire, d’où cette fusion totalement déséquilibrée ».
La faiblesse économique du Languedoc-Roussillon VS le superchampion Midi-Pyrénées
Mais pourquoi craindre autant Toulouse ? « Montpellier va perdre son statut de capitale régionale et Toulouse va hériter de l’essentiel des compétences, appuie Emmanuel Négrier. C’est logique, puisque Toulouse est plus forte économiquement. »
Midi-Pyrénées, c’est Airbus, le tourisme et surtout 10,3 % de chômage en 2014, selon l’Insee. De quoi faire pâlir le Languedoc-Roussillon, fier de sa recherche universitaire et médicale mais qui plafonne à un taux de chômage de 14,1 % en 2014, le plus haut de France.
L’économie du Languedoc-Roussillon repose essentiellement sur les services. « Les atouts de ce territoire jouent aussi contre lui économiquement », explique Jean-Marc Guillelmet, directeur régional des études économiques de la Chambre du Commerce et de l’Industrie régionale. La principale force de Montpellier réside dans un afflux démographique des plus forts de France, toujours croissant. « C’est une région agréable à vivre, avec la mer et le soleil, moins chère qu’en PACA. Mais le marché du travail n’arrive pas à absorber toutes ces personnes. 95 % des entreprises locales ont moins de dix salariés », souligne l’économiste.
Montpellier annexée ?
L’inquiétude de Christian Bourquin se fondait concrètement sur ces chiffres, au risque de ne pas percevoir les intérêts potentiels de la fusion. « Le Languedoc-Roussillon a des avantages à tirer de cette fusion. En particulier sa métropole montpelliéraine », relativise Jean-Marc Guillelmet. La nouvelle région aurait deux métropoles développées. « L’enjeu est de trouver un style de politique qui reconnaisse une place à chacune sans craindre l’autre », conclut Emmanuel Negrier. Si une politique de coopération se met en place, Montpellier devrait garder une place importante. Au moins symboliquement…
D’autant plus que Midi-Pyrénnées est loin d’avoir le profil parfait. L’aéronautique constitue le poumon de la métropole toulousaine. « Elle n’est pas diversifiée, ça peut être un problème. Toulouse a tout aspiré autour d’elle », souligne Jean-Marc Guillelmet. « La différence est énorme entre Toulouse et la deuxième ville de la région. Montauban, avec ses 56 000 habitants est la démonstration de l’hégémonie toulousaine », martèle Stéphan Rossignol. À l’Est, il y a davantage d’équilibre entre les 268 000 Montpelliérains et les 146 000 habitants de Nîmes.
Pour rassurer l’électorat languedocien, les candidats assurent que la métropole montpelliéraine conservera son rang. Qu’importe la couleur politique, les discours sont similaires. Christian Assaf, député et quatrième sur la liste PS de l’Hérault, avait voté contre la fusion. Aujourd’hui, il semble s’être rangé aux arguments du gouvernement. « C’est un mal pour un bien. Toulouse a l’industrie, le tourisme riche et vert. Montpellier a des ports, le tourisme de masse et une viticulture qui s’exporte. Il faut se compléter sans se faire la guerre ». Même s’il admet que « la politique est un rapport de force », il assure que la liste conduite par Carole Delga, « garantit un développement équilibré des territoires ».
Même constat selon lui pour l’ancienne capitale régionale : « Montpellier restera une place forte de l’intelligence et de la recherche », assure le député PS Christian Assaf. Elle « dispose quand même de la fac de médecine la plus vieille du monde » se rassure le maire Les Républicains Stéphan Rossignol. Même l’apparente liste dite citoyenne et hors des partis du maire montpelliérain Philippe Saurel s’aligne désormais sur ces discours. Pour garder la face, les représentants du PS et des Républicains ont préparé leurs punchlines. « Si les socialistes gardent la région, Montpellier deviendra la nouvelle Nîmes de Toulouse : dépendante et sans poids », exprime Stéphan Rossignol. Jeu de mîmes inversés avec Christian Assaf. « Nous sommes les seuls qui garantissons une place de choix à Montpellier ». Qu’importe le gagnant des élections, Montpellier est sauvée.