En 2008, durant les précédentes élections municipales, Jacques Domergue ouvrait la porte à la gratuité des transports en commun à Montpellier. Très vite qualifié de « démagogue » par son opposante socialiste aux municipales Hélène Mandroux, le candidat UMP s’était alors rétracté. Aujourd’hui le débat de la gratuité des transports s’est plutôt déplacé vers le coût.
À Montpellier, plus de 300000 personnes se déplacent en tramway chaque jour, ce qui en fait un des plus fréquenté de France. Cependant, le prix des billets demeure un frein pour bon nombre de personnes. À 1,40 euro le trajet, Montpellier est au-dessus du prix moyen du ticket unitaire, tombé en dessous de 1,20 euro selon l’Union des transports publics entre 2003 et 2013. Pour le reste, comptez 2,50 pour un aller-retour, 3,80 pour un ticket à la journée et 12 euros pour un carnet de 10 tickets. Du côté des abonnements, les prix sont tout aussi peu attractifs : 48 euros pour un forfait mensuel et 432 à l’année même si les moins de 26 ans peuvent bénéficier de réductions. Tout comme les demandeurs d’emploi, les handicapés ou les seniors, auxquels sont proposés des forfaits subventionnés, à demi-tarif ou gratuits.
À Châteauroux et Aubagne : on voyage gratuitement
En 2001, Châteauroux teste la gratuité des transports en commun. Une réussite, selon Emmanuel Gerber, chargé de la question des transport à l’agglomération castelroussaine : « La mesure est très appréciée, il y a eu une augmentation de 200 % des chiffres de fréquentation depuis 2001 ». À Aubagne, la mesure est en vigueur depuis 2009. Nathalie Castan, directrice du service transport à l’agglomération, dresse le même constat : « Il y a eu une forte hausse de la fréquentation. Plus 50% la première année et plus 170% aujourd’hui. Et sans avoir développé l’offre ! Sauf, bien sûr, une augmentation du nombre de bus pour les lignes en saturation. » Paradoxalement, la gratuité a un prix. Pour compenser la perte de revenus de la billetterie – environ 7% du budget global – les deux agglomérations ont appliqué la même recette : la création d’une taxe transport de 0,6% de la masse salariale des entreprises et des administrations de plus de 9 salariés. Leur budget transport n’a donc augmenté que d’environ 15% pour servir près de trois fois plus de personnes. Pour les deux communes, l’origine du projet est la même. Aussi, selon Emmanuel Gerber, « mettre en place la gratuité est une volonté politique ( ndlr: de la majorité socialiste précédente ) ». Gratuité qui n’a pas été remis en cause depuis. Nathalie Castan ajoute : « Ce projet est motivé par l’idée de droit au transport, une idée sociale et environnementale. »
Des populations satisfaites
Dans ces communes, plusieurs enquêtes de satisfaction ont montré que les usagers étaient, à plus de 95 %, satisfaits. Par rapport à l’ancien prix des tickets, les ménages réalisent en effet une économie de 200€ à 400€ par an. A Aubagne, la gratuité aurait « capté les personnes qui ne prenaient pas le bus avant. Notamment les jeunes qui, en plus de le prendre pour aller en cours, le prennent aujourd’hui pour sortir en ville ». Elle poursuit : « Selon les enquêtes sur les nouveaux usagers du bus, il y a un report modal d’environ 50% de la voiture vers le bus. » Malgré des résultats intéressants, les deux spécialistes estiment que ces schémas doivent être évalués au cas par cas. Dès lors, si la gratuité est possible pour des agglomérations de taille moyenne, elle est plus difficilement envisageable pour les plus grandes. Emmanuel Gerber souligne : « Le support financier de la billetterie n’est pas neutre. C’est même très important. Notre recette billetterie était de 7% de notre budget transport. Compenser 7%, c’est faisable. Dans les grandes villes comme Montpellier, c’est plus proche de 30% ce qui n’est pas négligeable et bien plus difficile à compenser. »
Montpellier : des tarifs sociaux plutôt que la gratuité
En 2008, Hélène Mandroux avait posé les bases du débat actuel : « Je ne connais pas la gratuité. Il faut bien que quelqu’un paie. Un tarif social serait plus intelligent et plus juste que la gratuité totale. » Et son discours a su prévaloir chez les candidats des municipales de mars. Malgré leurs différends, Jean-Pierre Moure est du même avis. Refusant la gratuité, il plaide pour « une tarification sociale, pour stopper la pression financière qui pèse sur les ménages. Car la gratuité des uns, ce sont les impôts des autres. » Cependant, difficile pour lui d’avancer un prix précis, il propose seulement « un élargissement de la gamme de tarification sociale avec un coup de pouce pour les étudiants boursier. La fourchette se situera entre les prix actuels et ce qui se fait à Toulouse. » Les étudiants non boursier ne semblant pas être concernés. Phillipe Saurel, dissident PS, propose lui un tramway à 1 euro avec des tarifs sociaux. Sans préciser la teneur de ces derniers. Pour l’UMP Jacques Domergue, « La gratuité n’est plus d’actualité. On l’avait proposée en 2008 mais ce n’était pas réalisable. » Le candidat souhaite se tourner vers les 55 000 étudiants : « Nous voulons leur proposer un abonnement mensuel de 10 euros comme cela se fait à Toulouse. Les étudiants n’ont pas trop de budget et peuvent être obligés de frauder. Avec un abonnement mensuel à 10 euros, pas sûr qu’on perde de l’argent car il y aura une baisse de la fraude. » Il n’exclut cependant pas la gratuité pour le futur, s’il arrive aux commandes de l’agglomération et donc, de la TAM. En revanche, face au coût d’une telle mesure et refusant d’augmenter les impôts, il préfère « regarder sérieusement la faisabilité ou non de ce projet. Pour l’heure, ce qui compte c’est le tarif spécial pour les étudiants, pas la gratuité », conclut-il.
« La gratuité pour 30% des personnes en fonction de leurs revenus »
Seule Muriel Ressiguier, tête de liste Front de Gauche, appelle aujourd’hui à la gratuité complète. Pour elle, si « seulement 15% des Montpelliérains utilisent les transports en commun alors que c’est l’avenir, c’est qu’il y a un problème ! » Dans ce contexte, elle souhaite dès 2015 proposer « la gratuité pour 30% des personnes en fonction de leurs revenus, incluant donc une grande partie des étudiants. » Puis augmenter par palier le pourcentage de personnes ayant accès à la gratuité, jusqu’à ce qu’elle soit totale. À en croire les candidats, il faut donc s’attendre, dans tous les cas, à voir les prix des tickets et abonnements de tramway diminuer. À moins qu’ils ne nous fassent marcher…