Les salons de coiffure coupent le son ou presque

La Fédération Nationale de la Coiffure (FNC) a lancé le 7 décembre une grève générale du son dans les salons pour contester l’augmentation de la redevance musicale de la SPRE. En principe, les commerçants adhèrent au mouvement. En pratique, l’information a parfois du mal à circuler.

L’espace Brassens à Sète : un lieu à la hauteur du poète

A l’occasion des 30 ans de la mort du troubadour, l’espace Georges Brassens prévoit une année 2011 haute en couleurs et en événements. Avant d’entamer cette année commémorative, la ville de Sète a décidé d’investir les lieux en faisant une rétrospective des rapports entre Paris-Match et Brassens.

« Je déteste Paris Match mais je lui dois une fière chandelle ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est par ces mots que le sétois qualifie ses relations avec l’hebdomadaire. Mais au fil de la visite, on comprend mieux cette reconnaissance. Grâce à ses amis, Roger Therond et Victor Laville rencontrés au collège de Sète, devenus journalistes à Paris Match par la suite, le poète musicien a rencontré Patachou à Montmartre. Celle qui l’encouragera à ses débuts, va également l’accompagner sur certains morceaux.

http://www.deezer.com/fr/#music/georges-brassens-patachou

C’est le début d’une carrière musicale prometteuse. A travers les articles et photos exposés, l’espace Brassens a su retracer le parcours du chanteur avec sobriété et vivacité sans tomber dans les travers de la promotion à outrance.
1981-2011 :30 ans déjà !
Le thème de la mort est très présent dans les chansons de Brassens. Une certaine résonnance s’empare du visiteur qui déambule dans les allées de l’espace consacré au cher moustachu.

http://www.deezer.com/fr/#music/georges-brassens/l-epreuve-de-la-scene-215319

Cela fait déjà 30 ans que le sétois est mort, et pourtant ses chansons inspirent toujours autant les passionnés de la poésie comme les novices du vers mis en musique. Pour 2011,afin de continuer à faire vivre ses textes, la ville de Sète et l’espace Georges Brassens doivent programmer des événements comme la croisière « Les copains d’abord » et espèrent pouvoir inviter des proches du sculpteur de vers comme son dernier guitariste Joël Favreau.

Deep Purple en 2010, Deep Purple quand même ?

Le Zénith Sud de Montpellier risque de trembler fort samedi soir, à l’occasion de la venue des pionniers du hard rock : Deep Purple. Mais le groupe n’est plus tout jeune, et certains membres historiques ont quitté le vaisseau. De plus, le billet n’est pas donné. Est-ce grave docteur ?

C’est un événement. La venue d’une telle formation à Montpellier ne peut être qu’un événement. Pour ceux qui n’ont pas vécu sur la même planète ces quarante dernières années, rappelons que Deep Purple, aux côtés de Led Zeppelin et de Black Sabbath, a contribué à l’émergence du hard rock dès le milieu des années 60. En effet, en pleine vague psychédélique, saturer les guitares à fond, monter le son et chanter comme un eunuque n’allaient pas forcément de soi. Eux l’ont faits.

Adulés pour des qualités techniques proches de la virtuosité et pour leur talent d’improvisation, le quintet est entré dans l’histoire de la musique grâce à des disques comme In Rock et Machine Head, ce dernier contenant d’ailleurs l’hymne Smoke on the water. Mêlant l’orgue tantôt classique et tantôt jazz de Jon Lord, les déluges de notes saturées de Ritchie Blackmore à la guitare et la voix parfois suraigüe de Ian Gillan, Deep Purple est sans contestation possible un monument du rock.
Deep Purple

Un billet cher pour un Deep Purple « discount »

Mais il y a une objection de taille : c’était il y a quarante ans tout ça. Et c’est peut-être là que le bas blesse. Car du line up historique ne restent que Ian Gillan, Ian Paice et Roger Glover, respectivement chanteur, batteur et bassiste. Exit Blackmore et Lord, pourtant indispensables au son Deep Purple.
Faut-il pour autant bouder son plaisir ? A pas moins de 45€ la place, on est en droit de se poser la question.

A l’instar des Guns N’Roses qui tournent sans leur guitariste mythique Slash, ou bien de Queen reprenant du service sans Freddy Mercury, Deep Purple fait partie de ces groupes qui, malgré une formation amputée, ont su exploiter la manne financière qu’offrait le renouveau de popularité de leur musique chez les jeunes d’aujourd’hui. A la clé, l’organisation de grandes tournées, parfois sans nouveau disque à défendre, à des prix souvent exorbitants.

Sans doute est-ce mieux que rien. Ce concert donnera l’occasion à des milliers de fans de découvrir Deep Purple sur scène. Et si l’on en croit les critiques glanées ça et sur la toile, la formation semble avoir encore la patate.

Mais la question douloureuse du prix de la culture est ici saillante. Combien de fans n’auront pas les moyens d’assister à cet événement ? Est-il acceptable, en particulier en matière de culture dite alternative, de payer 45€ (minimum) pour un concert ? Non, mais quand la logique commerciale a finalement tout emporté, plus rien n’est surprenant.

A l’autre bout de la France, le Main Square Festival impose son nom comme référence

Pour la troisième année consécutive, l’une des programmations les plus prometteuses de la saison festivalière enflammera la ville d’Arras, dans le Pas-de-Calais, du 2 au 9 juillet.

Tété : « Les Etats-Unis, c’était un rêve d’enfant »

Tété est de retour avec un nouvel opus : «Le premier clair de l’aube». Album plus poétique, clair, blues, que le public montpelliérain pourra découvrir ce soir sur la scène du Rockstore.

Décrivez-nous votre Premier clair de l’aube

Cet album est dans la continuité des précédents. D’abord par les mélodies. Je les ai toujours aimées : j’ai été élevé aux Beatles, cela laisse des traces… Mais, dans ma manière d’approcher les choses, il marque un tournant : il est à la fois plus aéré et plus punchy. C’est aussi le premier que j’enregistre à l’étranger.

Enregistrer aux Etats-Unis, était un besoin ?

C’était un rêve d’enfant. Toute ma vie a été bercée par la musique noire-américaine : blues, folk, funk-rock, soul… C’est tout un tas de musiques apparentées qui m’ont donné envie d’en faire.

Vous faites la part belle au blues…

Le blues a toujours été présent dans mes disques. Il était suggéré, en filigrane. Il est aujourd’hui plus affirmé. J’aime ses sonorités : c’est une texture, quelque chose de vraiment chaleureux.

Un peu de country ?

C’est un album sur lequel il y a des sons nouveaux mais ils ne se rapprochent pas de la country. Le patrimoine musical américain est plus large que ce que l’on a l’habitude d’entendre ici : rock, folk, jazz et country. Les sons qui peuvent rappeler la country dans mon album appartiennent, en fait, au patrimoine noir-américain mais sans en être.

Que vous a apporté cette expérience américaine ?

Une distance. De cette musique noire-américaine, je mélangeais un peu tout. Je n’arrivais pas à la mettre en contexte. Là-bas, en rencontrant des musiciens, je me suis rendu compte que chaque style musical est rattaché à un territoire, à des personnes, à une époque… C’est bien de se faire les oreilles auprès des gens dont c’est la culture.

Quelle y a été votre plus belle rencontre ?

Jeff Lang. Un guitariste australien qui m’a ouvert de grandes portes, m’a fait découvrir des musiques, m’a donné confiance en moi. Il transmet la passion qu’il a pour son instrument et pour sa musique. C’est une très belle personne.

Où puisez-vous votre inspiration ?

Dans les rencontres, les chemins de vie… Le premier clair de l’aube, c’est l’histoire d’un cycle qui se termine et d’un autre qui commence. Quand j’écrivais, je lisais pas mal de poésie impressionniste. Ces poésies m’ont donné des images et des émotions.

Recueilli par Julie DERACHE

Dany Lapointe, la musique en héritage

L’amour de la musique, c’est de famille. Dany Lapointe, petite-fille de Boby, reprend aujourd’hui le flambeau. Pour sa dixième édition, elle prend les rennes du Printival, festival de musique francophone qui se déroulera du 21 au 24 avril à Pézenas. Portrait.

Pierre-Luc Bensoussan : « La musicothérapie améliore la qualité de vie du patient »

Pierre-Luc Bensoussan, musicothérapeute et enseignant à l’Université Paul-Valéry, présente le Diplôme Universitaire de musicothérapie dont il est responsable pédagogique et la discipline.

La formation universitaire

Laura Flores : Dans quel but a été créé cette formation de musicothérapie ?

Pierre-Luc Bensoussan : Elle existe depuis 1977. A l’époque, elle a été initiée par le professeur Pouget qui était à l’époque chef de service en psychiatrie à l’hôpital La Colombière. Il travaillait pour des enfants atteints de troubles du développement (autisme) et psychotiques. Il avait remarqué que la musique pouvait apporter une amélioration dans leur qualité de vie. Il a donc imaginé des ateliers de musique. Ensuite, il a créé ce Diplôme Universitaire afin de former et de sensibiliser le personnel soignant à la musique. Cette formation est l’une des premières en France en musicothérapie. Au départ, elle était en continue, s’adressant à des infirmiers psychiatriques et aidants d’où notre administration de tutelle avec l’université et le SUFCO. Aujourd’hui, son public s’est élargi avec les étudiants. Le directeur de la formation est le professeur Blayac et je suis le responsable pédagogique.

Laura Flores : Quels sont les enseignements ?

Pierre-Luc Bensoussan : La musicothérapie est au carrefour de plusieurs disciplines : musique, psychologie, physiologie, psychopathologie, psychiatrie, psychologie de l’enfant, etc. Nous avons des cours de musicothérapie active mode de pratique où le patient et le musicothérapeute jouent de la musique et la musicothérapie réceptive met en position le patient d’écouter les musiques choisies par le musicothérapeute pour qu’il puisse verbaliser à partir des émotions ressenties. Le Diplôme Universitaire est sur trois ans. Le premier niveau intitulé « DU musicothérapie ». Une fois les certificats validés, l’étudiant passe en troisième année « DU musicothérapeute ». Ce dernier est centré sur un stage qui dure de 6 à 8 mois. Puis, un mémoire sur sa pratique clinique en musicothérapie avec un travail de recherche. Nous organisons aussi des séminaires thématiques (maladie d’Alzheimer, autisme et supervisions des musicothérapeutes). Nous avons des masters class animés par des professeurs qui viennent d’autres pays : Clive Robbins, fondateur de la musicothérapie aux Etats-Unis et Amélia Oldfield professeur de musicothérapie à Cambridge.

Pour l’insertion professionnelle, nous avons des partenariats avec des grands groupes de résidences pour personnes âgées. On continue dans cette trajectoire en créant des liens avec des conseillers généraux qui occupent principalement toutes les activités sociales. Nos étudiants peuvent aussi être amenés à faire du libéral.

Laura Flores : Y a-t-il une sélection à l’entrée du DU ?

Pierre-Luc Bensoussan : Nous avons deux temps forts afin que les futurs étudiants puissent se renseigner : une journée portes-ouvertes à la mi-mars. Puis, la journée d’information et d’orientation qui est un préalable à l’inscription en musicothérapie (1). L’étudiant nous envoie ensuite son dossier (c.v et lettre de motivation). Une fois sélectionné, il participe à la journée d’orientation à laquelle le professeur Blayac donne une conférence sur le cursus universitaire. Ensuite, il y a un petit atelier de sensibilisation à la musicothérapie et un entretien individuel.

Laura Flores : Combien y a-t-il d’étudiants ?

Pierre-Luc Bensoussan : Nous recevons des étudiants provenant de toute la France mais un peu moins de Montpellier. Nous en avons beaucoup d’Europe ainsi que d’autres continents (Chine, Amérique du sud). La plupart des étudiants en double cursus proviennent de musique et de psychologie. Le nombre d’étudiants est de 50 par promotion. Pour les trois années réunies, nous tournons autour des 168 étudiants.

La pratique de la musicothérapie

Laura Flores : En quoi consiste la musicothérapie ?

Pierre-Luc Bensoussan : La musicothérapie ne guérit pas. Même si c’est le cas pour les autres thérapies. Cependant, elle peut enlever des symptômes et améliorer la qualité de vie du patient afin qu’il ait un meilleur rapport au monde.

Laura Flores : Dans quel cas vous pratiquez-vous la musicothérapie active et la musicothérapie réceptive ?

Pierre-Luc Bensoussan : Suivant les pathologies et les personnes. L’écoute de la musique n’est pas neutre. Dans notre formation, nous sommes plus orientés sur la musicothérapie active. Concernant la musicothérapie réceptive, nous avons des méthodes particulières, par exemple, la relaxation appelée « détente psychomusicale ». Elles sont utilisées de plus en plus sur des pathologies spécifiques comme la douleur ou l’anxiété. Ces méthodes ont un impact assez intéressant sur la qualité de vie des personnes âgées.

Laura Flores : Dans le cadre de la musicothérapie réceptive, existe-t’il des musiques qui apaisent plus que d’autres ?

Pierre-Luc Bensoussan : Nous ne partons pas de ce principe-là. Le musicothérapeute adapte la musique par rapport à l’état du patient, ses goûts et son histoire. Dans une phase de prise en charge, il y a une série d’entretiens préliminaires. Le choix de la musique ne se fait donc pas essentiellement sur les goûts musicaux mais sur la relation du musicothérapeute avec le patient.

Laura Flores : Utilisez-vous tous les instruments de musique dans le cadre de la musicothérapie active ?

Pierre-Luc Bensoussan : Le principe de base est d’utiliser des instruments de musique qui soient faciles d’approche. Souvent nous faisons appel à des instruments de percussions, instruments à vent et de qualité sonore. Le travail de musicothérapeute est aussi d’inventer ou de concevoir des instruments qui s’adaptent aux pathologies.

Laura Flores : Quelles ont été les avancées dans la recherche ?

Pierre-Luc Bensoussan : Nous travaillons avec des unités de recherche en neuroscience françaises et québécoises sur l’impact de la musique sur le cerveau. Nous nous sommes rendus compte que la zone sollicitée dans le cerveau n’est pas la même pour la musique que le langage. Nous nous en sommes aperçus en clinique, surtout pour la maladie d’Alzheimer, quand la mémoire est très affectée. Les patients chantaient des comptines et donc communiquaient à nouveau par le biais de la musique. De même, les aphasiques (2) retrouvaient un langage beaucoup plus intelligible. La musique déclenche des connections. Par exemple, certaines personnes se trouvant handicapées et ne pouvant pas effectuer certains gestes, arrivaient à le faire en devenant « acteurs sonores ».

Laura Flores : Pouvez-vous décrire une journée- type d’un musicothérapeute ?

Pierre-Luc Bensoussan : La base est le travail relationnel dans une institution. Il faut créer du lien avec le patient et le personnel. Après, il y a la prescription du médecin, psychologue et de l’équipe soignante. A partir de ces données, le musicothérapeute rencontre le patient. Il doit connaître la pathologie et effectuer des recherches sur le traitement. Suite aux nombreuses rencontres et aux bilans, il établit le projet thérapeutique qui va orienter les moyens à mettre en œuvre.

En plus de rendre compte de son travail, le musicothérapeute peut aussi avoir d’autres rôles. Il peut être conseiller auprès de l’équipe soignante. S’il est dans une résidence, il peut collaborer avec l’animateur et le conseiller. Il conseille notamment sur tout ce qui touche au sonore dans l’institution comme le bruit.

Laura Flores : La musicothérapie a aussi une charte déontologique, quels sont les points selon vous les plus importants ?

Pierre- Luc Bensoussan : C’est un ordre déontologique très important qui est le fondement même de l’éthique du musicothérapeute. Les points essentiels sont le secret professionnel, rendre compte de son travail et le contrôle de l’analyse du musicothérapeute. Le fait de faire de la musique ne nous empêche pas de faire un travail sur soi surtout quand nous prenons en charge des personnes.

Notes :

(1) Le 25 Juin 2010.

(2) Incapacité d’exprimer ses pensées par des mots.

Pour aller plus loin :

La fédération de musicothérapie française

Charte déontologique du musicothérapeute

DU de musicothérapie de l’Université Paul-Valéry

SUFCO Montpellier

Musique tsigane et empathie par Filippo Bonini Baraldi

Jeudi 25 Mars 2010, Filippo Bonini Baraldi, doctorant à Paris-Nanterre, a donné une conférence intitulée « Tsiganes, musique, empathie (Transylvanie, Roumanie) » dans le cadre du cycle « Ethnomusicologie » de l’Université Montpellier Paul-Valéry.

Abd Al Malik : « Allumons les bougies de l’espoir ».

En amoureux des mots et poète humaniste des temps modernes, Abd Al Malik est venu déclamer quelques extraits de son nouveau livre « La guerre des banlieues n’aura pas lieu » et partager sa vision de la vie, de la France, de l’avenir. La librairie Sauramps Odyssée a accueilli le rappeur, slammeur et auteur-compositeur, ce mercredi 24 mars, pour le plus grand plaisir des Montpelliérains. Après la rencontre, c’est avec le sourire qu’il se livre à HautCourant. Un petit instant d’éternité.

« Nous sommes tous issus de la même lumière ». Une dédicace. Des mots qui touchent au cœur. Abd Al Malik, c’est ça. « Avec le cœur », une générosité, une émotion, un amour des mots. Un artiste qui garde le sourire et ne fait pas semblant. De Sénèque à Akhénaton en passant par Aimé Césaire et Jean Ferrat, son univers éclectique se dessine autour de philosophes, de rappeurs, de grands noms de la littérature et de chanteurs d’une autre décennie. « Un mélange de tradition et de modernité ». Pour lui, l’art a l’ambition d’universel.

Défaire les clichés et déconstruire les préjugés, voilà son maître mot. A ceux qui le voient tantôt comme un rappeur, tantôt comme un slammeur, tantôt comme un interprète de « chanson française de cité », il répond : « je suis un rappeur qui amène une singularité à mon art ». A ceux qui ne voient l’Islam que par le prisme de l’extrémisme, de la violence et de la burqa, il répond que lorsque l’on est dans une vraie démarche spirituelle, « on est dans le respect des lois du pays, dans le respect de tout être – homme et femme –, dans le respect de soi-même, on est dans l’écoute, dans le non-jugement, dans le dialogue… ». A ceux qui ne voient dans les banlieues qu’une bombe à retardement, il offre La guerre des banlieues n’aura pas lieu.

Une lettre ouverte à Éric Besson

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Sorte de conte initiatique moderne qui présente un cheminement de vie et offre un état des lieux sur la France d’aujourd’hui, La guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est un peu le Mentir-vrai d’Aragon. Se servant d’un matériel autobiographique provenant de sa propre histoire, Abd Al Malik raconte des faits réels gardés dans sa mémoire pour une composition fictionnelle qui, bien que produit d’un mensonge et donc « menteuse », transporte une vérité qui s’approche plus de la réalité. Son objectif ? « Dire que nos élites politiques, culturelles et intellectuelles, sont de plus en plus déphasées avec la réalité, avec ce que l’on peut vivre, nous, dans la vraie vie. Il faut résorber le fossé entre les élites et nous le peuple. Il faut que l’on travaille à ce que la France soit à la hauteur d’elle-même. En termes d’idées et de principes philosophiques et fondateurs, la France est un pays merveilleux. Mais, les valeurs n’ont de sens qu’illustrées. Liberté, égalité, fraternité, richesse de la diversité, ces beaux principes n’ont de sens que s’ils sont actés. Sinon, c’est cruel, gravissime, presque criminel ». Un politique, comme un artiste, c’est quelqu’un qui devrait avoir « mal aux autres », dit-il en citant Jacques Brel.

Le poète réalise au fur et à mesure de son écriture que son livre est une véritable lettre ouverte à Éric Besson, une réponse au débat sur l’identité nationale. Qu’est-ce que l’identité française, et non nationale, pour lui ? « L’identité française, ce n’est pas une religion, une couleur de peau, c’est une communauté d’idées, une vision, un être au monde. C’est le rapport à l’universel, à la langue, à la singularité, à la culture. C’est ça que d’être français, et je suis fier et heureux d’être français. Il faut que l’on montre la richesse et la beauté de cette identité-là. Ce débat aurait pu créer du lien mais, maladroit et agressif, il a été mal mené. Conséquence : la montée du Front National et une désunion dans le pays. »

Et, face à un monde « incohérent » où les êtres sont « éclatés », il faut « travailler à être un, de l’intérieur ». Pour le poète, s’il est une chose fondamentale dans cette construction, c’est la cohérence : « ma cohérence est éthique, déontologique et morale, avec des valeurs. Sans être toutefois ni dans une démarche moralisatrice, ni une démarche dans le jugement d’autrui ».

Des mots qui dansent, une émotion passe. Questions à un poète.

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« Les mots mènent aux actes […] Ils préparent l’âme, la mettent en condition, la poussent à la tendresse ». Sainte Thérèse d’Avila (citée par Abd Al Malik dans la préface de La guerre des banlieues n’aura pas lieu)

Pensez-vous que seuls les mots peuvent guérir les maux de la société ?

Bien sûr. Tout part de là, tout commence par les mots. « Au commencement était le Verbe » (nldr, Évangile selon Saint Jean). Autant, l’Histoire nous a montré que des horreurs ont trouvé leur origine dans les mots, autant les changements positifs trouvent aussi leur origine dans les mots. Alors, le verbe est soit porteur de vie, soit mortifère. C’est à nous de choisir.

D’où vient cet amour des mots ?

Gamin, j’étais dyslexique. Quand j’ai pu lire et écrire correctement, ça a été une bouée de sauvetage, puis un merveilleux véhicule pour voyager. C’est un monde qui s’est ouvert à moi. J’ai dévoré tous les bouquins, même si je ne comprenais pas tout ce que je lisais. Très tôt j’ai été introduit à de grands auteurs. Et, petit à petit, ces auteurs sont devenus des amis. Des amis qui, peu à peu, m’ont poussé à l’écriture.

J’ai une vie livresque très riche. Mais, s’il y a une chose que tous ces auteurs m’apprennent, c’est que le plus important n’est pas dans les livres. Le plus important est dans la vie. Les livres ne sont qu’un prétexte pour faire du lien, pour comprendre que l’on doit partager avec les gens, que l’on doit vivre les choses. L’essentiel se vit. Lisez, puis fermez les livres et vivez.

Que pensez-vous de l’adage « le poids des mots, le choc des photos » ?

J’aimerai que l’on aille plus loin. Un être, ce n’est pas qu’une photographie. Les gens sont faits de chair et de sang, ils ont des espoirs, des craintes, des peurs, des joies. Les mots aident à décrypter, à décrire un monde intérieur, à communiquer, à échanger avec les autres. Par contre, il faut se méfier des images. C’est une réalité figée dans le temps et dans l’espace. Or, il y a des choses qui se passent en annexe, avant et après.

Pensez-vous qu’un mot peut tuer ?

Bien sûr. Parfois, on dit des choses abruptes, comme ça, sans se rendre compte et ça peut tuer. Les mots peuvent empêcher l’espoir, la possibilité de transcender une condition et peuvent être porteurs d’enfermement. C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux mots que l’on emploie.

Vous vous dites patriote. C’est dans une démarche patriote que vous avez écrit ce livre ?

Ma démarche artistique, musicale ou littéraire, est souvent faite dans une démarche patriotique. Un patriotisme au sens de Sartre, de Camus : dire qu’il y a des valeurs avec lesquelles on ne doit pas transiger. Des valeurs que l’on doit porter, défendre, envers et contre tout.

Quelles sont les valeurs les plus importantes pour vous ?

D’abord, les valeurs fondatrices de ce pays : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’universel. Puis, le respect de l’autre dans la différence, la solidarité, le fait de pouvoir transcender sa condition par le savoir et devenir quelqu’un alors que l’on vient de nulle part. Ce sont des valeurs ancrées à l’Histoire de ce pays. Des gens se sont battus, sont morts pour ça.

Dans C’est du lourd, vous dites « quand tu insultes ton pays, tu t’insultes toi-même », à qui est adressé ce message ?

A nous tous. Beaucoup ont pensé que je m’adressais uniquement aux jeunes des cités. Bien sûr, cela les concerne. Mais, cela concerne aussi les politiques et les élites en général. Dont des intellectuels qui ne voient que des choses négatives, qui refusent de voir que la diversité est une chance ou d’admettre que l’immigration a toujours été source de richesses. C’est aussi insulter son pays. Il est facile de dire : « regardez rien ne fonctionne ». Tout le monde peut le faire. Mais se dire « c’est vrai que c’est difficile, mais soyons ceux qui allumons les bougies de l’espoir, au lieu de constater et de rester dans l’obscurité » est autrement plus enrichissant.

Pourquoi cette référence à La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux ?

D’abord pour m’inscrire dans un acte littéraire. Puis, je trouvais ça fort, le fait que personne ne veut la guerre mais que des fois on agit de manière inéluctable vers elle. La possibilité de ne pas faire la guerre est dans nos mains à tous, pour peu que l’on s’en donne les moyens, que l’on évoque et que l’on invoque la paix. Dire que la guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est une ligne de mire, c’est dire : « on va faire en sorte qu’elle n’ait pas lieu ».

Vous parlez souvent de spiritualité, comment la vivez-vous quotidiennement ?

Je la vis au travers de l’Islam. Je suis musulman pratiquant. Mais, la spiritualité embrasse toute chose. On peut ne pas croire en Dieu et être profondément spirituel. La spiritualité est un être au monde. C’est une capacité à partager avec les autres, à comprendre que notre destin à tous est lié.

Êtes-vous un optimiste ou un idéaliste ?

Les deux. Optimiste, c’est voir le verre à moitié plein. Idéaliste, c’est avoir un idéal. Le fait de rêver, d’avoir des utopies, de voir les choses de façon positive, permet de travailler à rendre nos rêves réels. Je ne suis pas « cuicui les petits oiseaux », je ne nie pas les problèmes que l’on traverse. Mais, ma démarche est authentiquement positive. Mon idée est de donner de l’espoir.

Pour finir, pensez-vous que tout ne passe que dans l’émotion que suscite les mots ?

Dans l’émotion, il n’y a ni couleur, ni sexe, ni âge, ni milieu socioculturel. Il y a juste des hommes et des femmes avec un même cœur qui bat.

Julie DERACHE