J.-L. Roumégas : « Nicolas Hulot n’est qu’au début de sa déconvenue »

Interview du porte-parole national des Verts Jean-Louis Roumégas alors que le Grenelle de l’environnement tend à s’enliser dans les sables administratifs avec le report du vote du projet de loi Grenelle I à l’automne, initialement prévu avant l’été.

Quel regard les Verts portent-ils sur la démarche de Nicolas Hulot qui a fait signer aux principaux candidats son pacte écologique durant la dernière campagne présidentielle ?

Je suis moi-même signataire du pacte écologique. C’est un travail indispensable au niveau associatif mais l’écologie ne peut pas se limiter à une action associative, c’est la raison pour laquelle je me suis engagé en politique. Si on est un certain nombre d’écologistes qui au départ étions dans le monde associatif et qui avons franchi le pas, ce n’est pas pour rien. L’écologie est quelque chose qui déjà sur le fond est éminemment politique, il faut donc rentrer dans le jeu politique pour faire bouger les choses. Toute la question est de savoir si on peut faire bouger les choses de l’extérieur de la politique. Je ne pense pas que Nicolas Hulot et Jean-Paul Besset (1) récusent l’idée que l’écologie est éminemment politique. Mais peut-on agir sans entrer dans le jeu politique ? Moi, je pense que lorsqu’une association fait ça, c’est bien, ça fait avancer les choses, mais c’est illusoire de croire que ça peut remplacer la présence en politique d’écologistes, c’est une analyse qui est d’ailleurs en train de se fracasser contre la réalité.

Pouvez-vous donner un exemple ?

On peut prendre l’exemple des OGM. On a vu que « le droit de consommer et de produire sans OGM » est sorti des conclusions du Grenelle. C’était alors une démarche purement associative. Et lorsque cela s’est confronté au rapport de forces politiques au sein de l’Assemblée et du Sénat, où s’exprime des intérêts autres que ceux de la simple parole associative, cela s’est complètement fracassé contre la réalité. De grands intérêts économiques ont pesé. On se rend alors compte que les papiers signés, les engagements en termes de discours, c’est très joli, mais si au quotidien, dans l’ingratitude de la gestion politique, il n’y a pas des gens convaincus qui se battent pour faire avancer les choses, cela reste lettre morte. D’ailleurs, je constate qu’Hulot et Besset, dans l’analyse qu’ils font aujourd’hui de l’évolution du Grenelle, manifestent une certaine déception. Je pense qu’ils ne sont qu’au début de leur déconvenue. Pour l’instant, on a examiné que la loi OGM mais lorsqu’on va examiner le premier projet de loi Grenelle, je pense que là, entre les belles déclarations des conclusions du Grenelle et la réalité…

La démarche du Grenelle de l’environnement n’a donc selon vous pas été efficace ?

Elle a été efficace pour faire évoluer les idées, il s’agit d’un travail culturel de prise de conscience bénéfique. Il n’y a d’ailleurs pas eu que la Fondation Hulot, il y a eu le travail du Giec sur le climat, le prix Nobel de la paix donné à Al Gore, le rapport Stern sur les implications économiques du changement climatique, le travail de centaines d’associations de défense de l’environnement et le travail des Verts depuis des années au quotidien qui a finit par créer une majorité culturelle. Nous avons aujourd’hui une majorité culturelle pour constater la crise écologique mais on n’a pas encore une majorité pour admettre des solutions à cette crise.

Les Verts ne se sont-ils pas fait piéger durant la campagne présidentielle avec seulement 1,57% des suffrages exprimés ?

Il y a plusieurs explications. D’abord le mode de scrutin lui-même qui appelle à une bipolarisation, le vote utile parce qu’en 2002 la gauche avait été absente du second tour et la démarche de Hulot qui a laissé penser que le problème écologique était traité. Mais lors des élections municipales, les Verts ont retrouvé en général les scores de 2001 qui étaient des scores hauts. Les électeurs d’aujourd’hui se comportent de façon très ouverte, ils ne sont pas enfermés dans un vote partisan. Aux présidentiels, ils ont considéré que l’enjeu, c’était autre chose, on ne peut donc pas dire que c’est la fin des Verts, loin de là, je n’y crois pas du tout. Il y a des partis écologistes qui continuent à jouer un rôle important dans le monde entier. Penser qu’en France, l’existence même de l’écologie sur le plan politique serait remise en cause, non, c’est excessif.

Questionné sur la méfiance des Verts vis-à-vis du Grenelle de l’environnement, Jean-Paul Besset a répondu : « tout d’un coup, ce pour quoi ils militent depuis 30 ans a commencé à voir le début d’une résolution. Les Verts voient passer le train sans en être, il y a du dépit dans tout ça ». Quelle est votre réaction ?

Premièrement, il reconnaît qu’on se bat là-dessus depuis 30 ans. Ensuite, avant de dire que la démarche du Grenelle est réussie, il faut peut-être attendre, il crie victoire un peu tôt. La leçon du Grenelle, ce sera peut-être que justement, on a encore plus besoin des Verts. On n’a pas du tout eu de réaction de dépit, la preuve, c’est qu’on a joué le jeu. D’abord, on a demandé à participer au Grenelle mais les partis politiques n’étaient pas admis. On a quand même suivi à fond le dossier. On a des membres des Verts qui se sont engagés au titre de leur rôle d’élu, je pense à Marie-Christine Blandin, sénatrice du Nord qui était présidente de l’atelier sur la biodiversité. Les Verts ont fait un travail dans les ateliers, on a été très présents et on a crée un groupe de suivi du Grenelle dès le début, on y a d’ailleurs porté une parole peut-être moins naïve que celle de certaines associations.
Dès le début, on a manifesté une méfiance pour des raisons très précises. Il pouvait s’agir d’un simple coup médiatique du gouvernement, Sarkozy est d’ailleurs coutumier du fait. On s’est également rendu compte que Sarkozy a exclu autoritairement dès le début du Grenelle certains sujets. La question du nucléaire n’a par exemple pas été débattue, ce qui est une hérésie ; comment peut-on discuter de la politique énergétique de la France sans intégrer la question du nucléaire, ça rime à quoi, ce n’est pas honnête intellectuellement comme démarche. C’est notre deuxième réserve, outre le fait qu’on sentait bien une opération médiatique. Malgré tout, on a dit « il faut y aller », il y avait un côté intéressant de mettre autour de la table des acteurs de la société civile qui en général ne se parlent pas. Mettre ensemble face à face les acteurs économiques, les syndicats, les associations de défense de l’environnement et les collectivités locales, cela a été très intéressant. Cela a permis de dégager un consensus sur la crise écologique, de faire ressortir un consensus sur certaines solutions et cela a permis de dégager des points de débat, de controverses sur d’autres questions. Bref, un état des lieux a été réalisé. En même temps, beaucoup d’espoir a été suscité, et le problème, c’est qu’aujourd’hui, ces espoirs risquent d’être déçus. Il faut passer maintenant à la partie concrète. C’est là où l’on voit la difficulté et la dimension politique et parfois conflictuelle des questions écologiques. Comment ne pas parler du conflit entre les intérêts de Monsanto qui a tout intérêt à vendre ses semences génétiquement modifiées et la volonté des consommateurs et des défenseurs de l’environnement de consommer et de produire sans OGM ? Comment gérer le conflit d’intérêts entre les pêcheurs, les routiers et les agriculteurs qui demandent une baisse du prix du gasoil et la nécessité de diminuer la consommation énergétique. Je suis désolé mais le côté « tout le monde il est beau, tout le monde il est écolo » a ses limites. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre en compte les intérêts de ces catégories mais baisser le prix du gasoil serait une mesure typiquement contraire à l’esprit du Grenelle et au développement durable.
Il faudrait dire « il y a une crise énergétique, on comprend les intérêts des pêcheurs, on va les aider à condition qu’ils se convertissent à une pêche durable » en sachant bien qu’il y aura quand même de la casse, c’est un secteur qui va devoir se restructurer.
Mais pendant que le Grenelle se déroule, « la vente » continue. On continue à développer des projets autoroutiers. Il n’y a aucune liste de projets gelés, par exemple à Montpellier avec le doublement de l’A9. On attend de voir ce qui va aboutir du Grenelle mais pour le moment, rien n’a changé.

Que pensez-vous de la mesure du bonus-malus appliqué aux automobiles et qui sera bientôt expérimentée sur une vingtaine de familles de produits ?

Jean-Louis Borloo, qui devait être le vice-premier ministre du développement durable, le fameux, c’est devenu un ministre qui demande seulement aux Français de faire des gestes quotidiens et qui leur promet des étiquettes. C’est aussi le ministre qui a dit que maintenant il avait une voiture hybride, c’est formidable mais si c’est que ça… on attendait plutôt qu’il ait autorité sur le ministre de l’agriculture, qu’il ait son mot à dire sur le budget… Et c’est devenu le ministre qui pendant la semaine du développement durable demande à chacun des Français d’éteindre son robinet pendant qu’il se lave les dents et d’acheter des ampoules basse consommation. C’est très bien les gestes quotidiens mais on n’avait pas besoin d’un vice-premier ministre pour arriver finalement à mendier des gestes individuels.
Nous observons également des dérives avec ce qu’on appelle l’éco blanchiment, la publicité abusive qui utilise le thème de l’écologie pour vendre des 4×4 Mitsubishi au pays du protocole de Kyoto. Vous avez donc le travail fait par les acteurs, un travail positif de diagnostic et vous avez ce qu’en fait le gouvernement. Autant tout ce travail du Grenelle est positif, autant la politique du gouvernement en matière écologique n’a progressé que de façon très marginale, en tout cas pas à la hauteur des enjeux fixés par Nicolas Hulot.

Pensez-vous que Nicolas Hulot a fait preuve de naïveté par rapport aux véritables intentions du gouvernement ?

Je pense que lui-même a fait le constat que beaucoup d’ambitions du Grenelle se fracassent contre la réalité politique, ce qui ne l’empêche pas et c’est normal de continuer à se battre. D’une certaine façon, il est en train de sortir de sa naïveté. Dans une interview donnée au « Journal du dimanche », en septembre dernier je crois, il a avoué avoir évolué dans sa pensée. Il a retrouvé quelque chose que les Verts ont intégré depuis longtemps, en se rendant compte que les questions écologiques ne peuvent pas être pensées en dehors des questions sociales et économiques. Il prenait conscience de son opposition au libéralisme économique. Sur le plan politique, il a avoué se sentir proche de Daniel Cohn-Bendit et d’Olivier Besancenot. Il est en train de réaliser que les questions écologiques ont forcément une dimension politique.

Pensez-vous malgré tout que les députés UMP sont suffisamment mûrs écologiquement pour transformer en loi les accords trouvés au moment du Grenelle ?

Le gouvernement est en pleine contradiction entre les ambitions du Grenelle d’un côté et la logique de culte de la croissance de l’autre. La politique, c’est faire des choix, ce n’est pas à la fois être pro-croissance et économe en ressources et énergies. Sinon, il faut parler de croissance sélective. On ne peut pas être à la fois pour le libéralisme et les régulations, ce n’est pas possible. Les mots ont quand même un sens. Ce qui est intéressant dans le Grenelle, c’est la mise à jour de ces contradictions. C’est pourquoi on ne manifeste absolument pas de dépit par rapport au Grenelle. Pour nous, le Grenelle est une formidable opportunité – merci Sarko ! – de démontrer premièrement, que l’écologie, c’est quelque chose de politique et deuxièmement qu’il faut aller contre le dogme du libéralisme économique qui correspond à la recherche du profit immédiat et au culte de la croissance pour la croissance. L’écologie, c’est un autre projet de société, ce qu’exprime très bien Nicolas Hulot dans son pacte écologique. Il faut sortir de la société de consommation, le seul but n’est pas de gagner de l’argent. Là-dessus, on est d’accord avec lui, mais la naïveté, c’est de croire qu’on va convertir l’UMP à cette logique comme un prophète, même les prophètes ne sont pas devenus majoritaires.

Que pensez-vous du report à l’automne concernant le vote du premier projet de loi Grenelle ?

Ce report est à mon avis une conséquence de ce qui s’est passé sur les OGM. Les OGM, honnêtement, ça a été le bordel dans la majorité entre membres du gouvernement et députés UMP, des contradictions sont apparues entre eux. Ils se sont dits, « la loi Grenelle I produite par Borloo, ça va être la même chose » alors que le projet de loi est déjà un détricotage des conclusions du Grenelle. Nicolas Hulot le reconnaît mais en plus, les députés UMP ont annoncé qu’ils allaient s’occuper de cette loi et la réduire encore dans ses ambitions. Ce projet de loi là, s’il est reporté à l’automne, c’est parce que les députés UMP ont décidé de faire sa fête à Borloo. C’est ça qu’il faut voir. Borloo, qui est déjà le ministre des robinets fermés pendant qu’on se lave les dents, va se faire attaquer par la majorité UMP.

L’écologie est-elle fondamentalement de gauche ?

A condition que le mot de « gauche » reprenne tout son sens c’est-à-dire le refus de la loi du plus fort sur le plan économique, la volonté de justice sociale. L’écologie, qui est la prise en compte de la planète, ça n’a pas de sens si ce n’est pas pensé dans une logique de justice sociale. Qui dit harmonie avec le monde dit harmonie au sein de la société. La crise sociale et la crise écologique sont liées, c’est le même mécanisme qui produit les deux, c’est la recherche du profit rapide et aveugle qui produit l’exploitation des hommes entre eux et l’exploitation des richesses. Croire qu’on peut lutter contre l’un sans lutter contre l’autre, c’est illusoire. Impossible d’être écologiste et adepte du libéralisme économique basé sur la compétition et l’illusion que la croissance sans fin est possible et qu’elle va apporter le bien-être à tous. L’illusion du libéralisme n’est pas possible dès le début, c’est une question même philosophique. C’est pour ça que l’écologie politique est sur ses fondements au-delà du clivage gauche/droite actuel mais en même temps, il nous paraît plus naturel de travailler avec ceux qui recherchent la justice sociale qu’avec ceux qui veulent simplement la compétition économique.

Mais sur le fond de la pensée philosophique, il y a aussi des gens de gauche qui sont très productivistes, qui se font une religion de la croissance pour la croissance. Je ne suis pas du tout pour cautionner les méthodes socialistes que je n’aime pas mais fondamentalement, je crois à la justice sociale. Dans la pratique politique, la question est de savoir si on doit tomber dans le « ni droite ni gauche ». On se rend compte que ça ne marche pas ; à moins d’être majoritaire tout seul, le système électoral vous impose de faire des choix d’alliance. C’est une question de démocratie, de clarté aussi par rapport aux électeurs, donc, il faut bien faire ce choix. C’est vrai que lorsqu’on reste sur le plan associatif, il n’y a aucune raison de ne pas faire du lobbying sur tous les acteurs politiques ; sur le plan théorique, ils ont raison Besset et Hulot et nous ramènent au sens de la démarche écologique mais après, dans la pratique politique, il faut y aller, il faut convaincre dans le système électoral, ça ne sert à rien d’avoir une majorité dans les sondages et les enquêtes d’opinion. Le poids électoral qu’auront les Verts dans le terrain politique, ça comptera beaucoup plus que le simple poids médiatique parce que à un moment donné, dans une Assemblée, ce qui compte, c’est numérique, savoir qui a les voix et qui peut faire pencher la balance. Il a raison Besset, ça fait trente ans qu’on rame, mais si on n’assume pas ça, les choses n’avanceront pas concrètement, on va aller de déceptions en déceptions. L’enjeu, c’est de donner un poids politique suffisamment important pour imposer aux autres des changements, c’est ça la politique, si c’était la culture du « tout le monde il est beau… », s’il suffisait de convaincre, on aurait pas besoin de plusieurs partis. C’est la démocratie aussi qui impose la confrontation d’idées mais ce qu’il faut, c’est que le point de vue écologique qui va s’exprimer dans le système électoral ait du poids, et de plus en plus de poids.

(1) Jean-Paul Besset est le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.

La drogue, véritable fléau des établissements scolaires

En quelques années, les chiffres de la consommation de drogue ont explosé. Lors d’un déplacement houleux au lycée Paul-Bert, à Paris, François Fillon s’est exprimé sur ce fléau en milieu scolaire. Le Premier ministre a même présenté les principaux axes d’un plan d’action, prévu pour fin juin. Pour l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, l’établissement scolaire demeure le premier lieu où trouver du cannabis. Recueillis devant un grand lycée montpelliérain, des témoignages confirment cette tendance. Pourtant, dans la région, les actions de prévention se multiplient.

Des résultats au bac (82 %) en adéquation avec la moyenne nationale, une architecture moderne, un encadrement dynamique, des enseignants motivés. Ici, aussi bien qu’ailleurs, on étudie les maths ou la philo, mais aussi le cinéma, le théâtre, les arts plastiques. Jean-Monnet est un lycée qui a plutôt bonne réputation. Et pourtant… Devant l’établissement, la drogue circule au quotidien. En France, en milieu scolaire, c’est partout comme ça.

« Il n’y a jamais de problème pour trouver de l’herbe ou du shit… » Pour Sébastien, élève en première, le lycée montpelliérain ne déroge pas à la tendance nationale. Il affirme même que plusieurs revendeurs y sont scolarisés : « Des jeunes de l’extérieur et même des collégiens des alentours viennent se fournir devant le lycée. » En effet, ils sont nombreux, âgés entre 12 et 16 ans à grouiller sur le parking, à l’heure des sorties. « Les après-midis, on vient se poser à côté du lycée pour fumer », explique Nardre, 16 ans et non scolarisé. Si, selon Sébastien, il s’agit exclusivement de drogues douces, certains sont moins catégoriques. « Trois fois par jour, trois jeunes vendent de la drogue devant le lycée et notamment de la cocaïne », raconte Cyril, 17 ans.

Moins dramatiques ou plus naïfs, certains élèves comme Cédric et Paul nient la circulation de drogue dans leur institution : « Il n’y en a pas vraiment ou sinon, c’est seulement des drogues douces. Après, ça ne nous intéresse pas, donc on ne fait pas trop attention. » Mais si beaucoup consomment des stupéfiants, de nombreux adolescents témoignent avoir reçu la visite de policiers pour leur faire de la prévention.

Une approche des pouvoirs publics mal adaptée

« Tous les ans, le lycée nous fait remplir un QCM pour se rendre compte de notre consommation. L’an dernier, en seconde, un policier est venu nous parler des risques de la drogue », explique Emilie. « C’est une bonne chose. Cela permet de nous faire découvrir certains produits méconnus », se réjouit-elle. « Pour moi, ça ne sert à rien même s’il faut le faire. Il vaudrait mieux trouver des choses qui choquent », réplique Pierre.

Élève en terminale, Icham, 20 ans, pense que l’approche actuelle des pouvoirs publics n’est pas adaptée : « Faire venir un policier, cela ne sert à rien. Un jeune qui apporterait son témoignage d’ancien drogué sensibiliserait davantage les lycéens », estime-t-il.

Attendant sa fille à la sortie du lycée, Didier Valez ne semble pas préoccupé par le sujet : « Avec ma femme, nous ne nous sommes jamais véritablement posé la question. » Pour lui, la prévention dans les lycées apparaît nécessaire. Il avoue ne pas savoir comment aborder un tel problème : « Je touche du bois. Pour l’instant notre fille ne fume pas et ne boit pas. Mais, si elle s’y mettait, je ne sais absolument pas comment je réagirais. » Un témoignage qui illustre à merveille le flou qui règne aujourd’hui autour de la lutte contre la drogue.

« Défendre la liberté de la presse, sans enjeux partisans »

Dans le cadre de la Comedie du livre, à Montpellier, les trois capitaines Edwy Plenel, Jean-François Kahn, et Franz-Olivier Giesbert se sont interrogés sur le naufrage possible de la presse papier.

Un casting de choix, et un décor sublime, malheureusement assez peu adapté aux causeries, celui de l’Opéra Comédie. Philippe Lapousterle pose aux trois géants de la presse française que sont Jean-François Kahn [[fondateur des hebdomadaires L’évenement du Jeudi et Marianne]], Franz-Olivier Giesbert [[directeur du magazine Le Point, et animateur de l’émission Chez FOG sur France 5]], et Edwy Plenel [[Directeur de publication du journal en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde]], la question : Peut-on éviter le naufrage de la presse papier ?

Mais, la question est-elle mal posée, ou les intervenants mal choisis ? En effet, Jean-François Kahn le rappelle : « Les trois patrons que nous sommes sont des exceptions dans le panorama de la presse française, puisque nos titres gagnent de l’argent, ou du moins n’en perdent pas ». Edwy Plenel, quant à lui, recentre rapidement le thème du débat. Pour lui, la question n’est pas d’éviter la naufrage de la presse papier, mais de sauver une presse indépendante des pouvoirs politiques et économiques. Une presse qui défende « Les vérités de faits qui, comme l’écrit Hannah Arendt dans la crise de la culture, seront toujours en danger face aux vérités d’opinions. »

Jean-François Kahn : « Dans une vraie économie de marché, il n'y aurait plus de journaux du tout en France »
À cette presse indépendante s’oppose la publicité en premier lieu. Celle-ci dispose d’un pouvoir de séduction sur le public, puisqu’elle peut rendre l’objet journal gratuit. Pour Jean-François Kahn, c’est une situation aberrante. « Imaginez une seule seconde que, devant une boulangerie, quelqu’un s’installe et se mette à distribuer du pain gratuit, aussi bon que celui du boulanger, payé par la publicité. Qui accepterait cela ? La loi elle-même interdit au nom de la concurrence ce genre de situation. Si la presse se trouvait dans une vraie économie de marché, il n’y aurait plus de journaux du tout en France ! »

De l’interprétation du libéralisme

Franz-Olivier Giesbert semble moins inquiet : « Il ne s’agit pas d’un naufrage, mais la presse traverse une crise. Et ce, partout en Europe ». L’analyse qu’il présente est peu ou prou celle qu’a défendu l’institut Montaigne dans son rapport de 2006 pour « Sauver la presse quotidienne d’information ». Pour lui, les gratuits ne peuvent pas être tenus pour responsables de la crise de la presse. D’une part parce qu’il s’agit « d’ersatz » de journaux, d’autre part parce qu’« une situation de concurrence dope les ventes » et enfin parce que « les gratuits amènent vers le papier un public qui ne lisait pas auparavant ». Les principales causes de la crise sont à chercher ailleurs : dans le coût de fabrication des journaux ; dans le manque de points de distribution ; dans la dépendance des entreprises de presse aux aides de l’Etat ; et dans le manque de concurrence.
Franz-Olivier Giesbert : « La concurrence dope les ventes »

Pour Edwy Plenel aussi, l’une des raisons de la crise de la presse est un manque de libéralisme. Mais pas de libéralisme économique, de libéralisme politique : « Il y a un problème démocratique. Comment pouvons nous accepter une situation comme celle de la conférence de presse présidentielle de janvier ? 600 journalistes, 15 questions, aucun droit de réponse, et plus grave encore : la profession entière qui rit de voir le président se moquer de l’un des leurs[[ Laurent Joffrin de Libération]]. Et pour finir, on applaudit le président ; on applaudit l’acteur. »

Jean-François Kahn abonde dans le sens d’Edwy Plenel : « Le public voit une connivence entre les journalistes, et se méfie de la presse. Au point d’aller exactement à l’inverse de ce que défendent les journaux, comme on a pu le voir avec la constitution européenne. Il faut repenser la façon d’écrire ». Pour lui, cette connivence va de paire avec le fait que la plupart des entreprises de presse appartiennent à des groupes qui vivent de commandes publiques comme Lagardère, Dassault et Bouygues.

Edwy Plenel : « Il y a un problème démocratique »

Contre toute attente, Franz-Olivier Giesbert lui-même va s’émouvoir de l’absence de sens critique de la profession à l’égard de la communication politique : « Ce n’est pas grave que les politiques critiquent les journalistes, c’est le jeu. Or, le conformisme est la clef de tout. En France, on étouffe les débats, la presse refuse la contradiction. La presse vit en dehors du monde ».

Jean François Kahn va conclure ce trop court débat : « Il faut défendre cette idée d’une presse libre, mais sans enjeux partisans. Il faut condamner les atteintes à la liberté, même quand les situations qui sont générées nous arrangent ».

Conflit colombien: la cruelle responsabilité des paramilitaires

Le 23 mai, des organisations de la société civile européenne et colombienne ont lancé à Paris un appel à la présidence française de l’Union européenne en faveur de la paix et du respect des droits humains en Colombie. Un de leurs objectifs est de sensibiliser sur la gravité de la situation des droits de l’homme et de l’impunité: exactions commises par les paramilitaires et les récents scandales de la parapolitique qui touchent des proches du président Uribe. Sans oublier les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Un véritable conflit interne.

Le conflit colombien, ce n’est pas uniquement les FARC, Ingrid Betancourt et les compagnons d’infortunes de la franco-colombienne. C’est aussi le problème des paramilitaires. A l’origine de nombreuses violations des droits de l’homme et infractions au droit humanitaire international, ils sont censés être démobilisés. Mais les scandales demeurent et des proches du pouvoir présidentiel sont suspectés. Un mois avant la présidence française de l’Union européenne, des organisations de la société civile européenne et colombienne ont ainsi tenu une conférence de presse, le 23 mai à Paris, au Centre d’Accueil de la Presse étrangère, afin de sensibiliser sur l’inquiétante situation des droits de l’homme en Colombie.

La Colombie, le « mauvais voisin »

A l’origine de cet appel, la Coordination française pour la paix en Colombie (CFPC) -qui réunit entre autres le Secours catholique, le Comité catholique contre la faim (CCFD) ou encore la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)– ainsi que le Bureau international des droits humains – Action Colombie (OIDHACO). 6641.jpg Au centre de leurs préoccupations, un processus de démobilisation des groupes paramilitaires qui favorise l’impunité, en toute connivence avec l’actuel chef d’Etat colombien, Alvaro Uribe (élu en 2002, réélu en 2006) (A lire aussi, sur le site RISAL: « les relents narco-paramilitaires » du président colombien et sur Bakchich.info, les manifestations qui l’ont embarrassé), proche de Washington et l’un des derniers hommes de droite au pouvoir en Amérique Latine. «Le mauvais voisin». Le durcissement de sa politique militaire, alors qu’il nie l’existence d’un conflit interne dans son pays, lui attire les foudres des défenseurs des droits de l’homme. Ces derniers s’inquiètent depuis longtemps du cas colombien. Depuis 1985, le nombre de personnes déplacées s’élève à plus de 4 millions, soit le deuxième pays après le Soudan.

Des événements récents témoignent de la précarité des droits humains ainsi que des liens suspects existant entre le pouvoir et les groupes paramilitaires, soi-disant démobilisés depuis le décret 128 de 2003 puis de la loi Justice et Paix censée encadrer la démobilisation. Le 22 avril dernier, le cousin du président colombien, Mario Uribe, a été arrêté en raison de ses liens avec les paramilitaires, suite aux révélations d’anciens chefs de ces groupes armés. Le haut niveau du pouvoir politique est gangréné. Tout comme le parlement. «Il y a actuellement 61 parlementaires poursuivis en justice et plus de 300 hauts fonctionnaires (maires, gouverneurs …)», précise Luciano Sanin, représentant de la plate-forme colombienne « Coordination Colombie-Europe-Etats-Unis », de passage à Paris pour la conférence.

Encore 10 000 paramilitaires actifs

L’aspect positif du processus de démobilisation est de faire tomber certains des hommes politiques impliqués : les anciens chefs, retirés, parlent. Et ils balancent. Dans cette optique et pour éviter de plus amples scandales, le gouvernement colombien a décidé le 13 mai dernier d’extrader aux Etats-Unis 14 des plus importants chefs paramilitaires «responsables de crimes de lèse humanité». Cela signifie que ces membres haut placés des groupes armés, qui commençaient à évoquer « des nombreux massacres », sont retirés du système judiciaire colombien. Ils ne seront jugés, sous la juridiction américaine, « que » pour trafic de drogue et non pour leurs usurpations de terres et assassinats. La justice et la vérité sont mises aux oubliettes au profit d’une impunité qui se généralise. Aux oubliettes également le droit des nombreuses victimes. Car, «les paramilitaires ce sont encore 10 000 hommes actifs, et depuis 6 ans, 12 000 assassinats politiques, 1000 exécutions « extra-judiciaires », 445 syndicalistes assassinés. Avec les FARC, le nombre d’otages est porté à 1500», dénonce Luciano Sanin.

Luis Eduardo Salcedo, lui aussi du déplacement parisien, a tenu à rappeler que dans le cadre de cet appel, la pression devrait aussi être mise sur les FARC. Acteurs du conflit, ils détiennent plus de 700 otages. Un symptôme de plus des infractions au droit humanitaire. «Le gouvernement doit les rencontrer et discuter directement avec eux. Il faut trouver un accord humanitaire», clame-t-il, révolté et lucide.

Le Red Bull nouveau arrive : est-il vraiment dangereux ?

Cette fois, le « taureau rouge » débarque vraiment. Le Red Bull, vendu en France en version allégée depuis deux mois, a obtenu une autorisation immédiate de commercialisation.

La boisson énergisante Red Bull était interdite en France depuis 1996 à cause de la taurine. Cet acide aminé a été remplacé par l’arginine (dont l’effet est plus faible) pour avoir droit de présence dans l’Hexagone. La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, vient de lever l’interdiction, malgré des études négatives de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

Taurine

Ses ingrédients principaux : de la taurine bien concentrée et beaucoup de caféine. Au vu des controverses, c’est la taurine qui pose problème. Pourtant, comme les autres acides aminés, il est plutôt indispensable à l’organisme. C’est son mélange à la caféine qui rend la boisson néfaste. La taurine déstresse tandis que la caféine excite les muscles.

Ces deux effets antagonistes associés ont pour dominance un effet excitant, mais ont des conséquences qui peuvent être graves. Carole Fauré est médecin nutritionniste. «La caféine shoote au-delà de ses forces et le cerveau, trop déstressé, permet au corps de dépasser ses limites, explique-t-elle. Cela provoque une accumulation de fatigue et une accoutumance au produit, car il faudra sans cesse augmenter la dose pour retrouver les effets du début».

A la longue, la boisson fait augmenter la tension artérielle. «C’est encore plus grave que ce que j’imaginais, ajoute Carole Fauré, les effets peuvent être très dangereux sur des personnes ayant des problèmes cardiaques non détectés. Il y a aussi des risques d’interférence avec des médicaments».

La vente est soumise à conditions, dont l’une est la mention sur les canettes de consommer avec modération. Mention déjà présente sur les canettes à l’arginine, mais que personne ne lit.

Grenelle de l’environnement: l’heure de vérité approche

Le projet de loi « Grenelle de l’environnement », dont les associations écologistes reconnaissent qu’il est conforme aux conclusions du Grenelle, sera examiné par le Parlement avant l’été. L’heure de vérité approche quand on connaît la résistance culturelle de la majorité des députés UMP aux questions écologiques. Quelques semaines avant cette étape cruciale, l’interview de Jean-Paul Besset, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.

Après votre carrière de journaliste (1), pourquoi vous êtes-vous engagé aux côtés de Nicolas Hulot ?

J’ai pris ma retraite professionnelle. J’ai continué à titre personnel en fonction de mes convictions au sujet de la crise écologique. A la suite d’un livre que j’ai publié en 2005 (2), j’ai rencontré Nicolas Hulot. Nous avons travaillé ensemble. Cela s’est engagé sur Le Pacte écologique, la campagne présidentielle puis le Grenelle de l’environnement. Cela m’a paru être une démarche plus efficace que celle des Verts du point de vue de l’audience.

Comment passe-t-on du trotskisme à la passion de l’écologie ?

Par l’observation des faits, des réalités, cela vient de la pratique de mon métier de journaliste. Ces dernières années, dans mes voyages, mes expériences, mes rencontres, mes lectures, dans mon travail, j’ai vu monter la thématique écologique comme quelque chose d’essentiel qui bouleversait la représentation que je pouvais avoir du monde, qui exprimait d’autres enjeux qui sont devenus pour moi prioritaires. Cela n’a pas été une conversion du jour au lendemain ! Mais une prise de conscience de plus en plus vive. Et la crise écologique approfondit la problématique de solidarité, de justice sociale.

D’où vient cette idée du Grenelle de l’environnement ?

C’est une proposition des associations de défense de l’environnement regroupées autour des objectifs du Pacte écologique. Nous avons rencontré les candidats à l’élection présidentielle avec Nicolas Hulot et nous leur avons proposé, s’ils étaient élus, d’appliquer le Pacte écologique en organisant une grande négociation sur la politique française en matière environnementale. Il se trouve que c’est Sarkozy qui a été élu, on a donc discuté avec lui.

Pourquoi le réseau « Sortir du nucléaire » n’a-t-il pas été impliqué dans les négociations ?

Il n’a pas voulu ! Ce réseau a posé l’abandon du nucléaire comme préalable à toute discussion avec les pouvoirs publics et les autres collèges (3). Nous n’avons pas posé ce préalable parce que nous savions que dans ce cas, il ne se passerait rien. C’était une question de stratégie. Le gouvernement n’a écarté personne, il a pris les associations que nous avons proposé, le groupe de neuf associations (4) avec lequel les discussions avaient eu lieu durant la campagne présidentielle.

Ne craignez-vous pas que les conclusions du Grenelle ne soient remises en cause lors de leur traduction législative ?

On a une vigilance permanente, c’est une bataille permanente. Le Grenelle est un compromis entre toutes les forces vives représentatives de la société française, les entreprises, les salariés, les associations… La négociation a accouché de 273 mesures qui nous semblent importantes, qui nous paraissent engager une démarche écologique différente. Maintenant, il faut que ces mesures soient confirmées par l’Assemblée nationale et le Sénat et ensuite appliquées concrètement par l’administration, ce qui n’est pas gagné.

Pensez-vous que l’UMP est assez mûr écologiquement pour transformer en loi les accords trouvés au moment du Grenelle ? Vous avez déclaré à Médiapart que Fillon voulait la peau du Grenelle…

Je pense qu’il y a une énorme résistance culturelle de l’ensemble des forces politiques à cette révolution écologique. L’ensemble des partis politiques européens est vacciné à une autre logique. Ils viennent de la révolution industrielle, n’ont que le mot de croissance à la bouche. La question écologique oblige à poser les choses d’une manière différente, nous ne sommes plus dans une problématique de répartition de l’abondance mais dans une problématique de partage de la rareté des ressources, de l’énergie… On est dans une logique du moins, non pas dans une logique du plus. Quand la gauche était au pouvoir, les réactions étaient les mêmes. Cela renvoie à un positionnement, une certaine représentation du monde, à des valeurs, des croyances… La distinction droite/gauche existe sur un certain nombre de points mais par rapport à ce que je considère être l’enjeu principal aujourd’hui, le creuset identitaire de la gauche et de la droite est identique.

Que pensez-vous de la méfiance de certaines associations écologistes qui ne voient dans le Grenelle qu’une simple opération de communication ? Un contre-Grenelle de l’environnement a même été organisé…

Je crois qu’à partir d’un moment il faut s’affronter avec le réel et le réel, c’est ce gouvernement ainsi que les forces syndicales, patronales… On a discuté avec l’ensemble de la société, alors, évidemment on a pris des risques mais on voulait engager une prise de conscience, une démarche transitoire, pas déclencher une révolution. C’est toujours la même question de la réforme ou de la révolution, du programme maximum ou d’un programme transitoire. Nous sommes engagés dans une démarche transitoire. Les proclamations ne suffisent pas. Il ne suffit pas de dire qu’il faut demain une société écologique pour la construire. Ça passe par des compromis, c’est une question de rapport de forces.

Comment gérez-vous la contradiction entre le gouvernement actuel qui ne jure que par la croissance et votre appel à une société de décroissance dans votre livre « Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire » ?

Toutes les mesures que nous avons proposé au Grenelle sont des mesures de décroissance, sur les questions de consommation, de flux de matière et d’énergie. Nous plaidons pour une décroissance équitable, c’est une nécessité. Le Grenelle, c’est la mise en œuvre de mesures de décroissance, pas d’une décroissance généralisée, proclamatoire. Ce sont des réformes progressives qui tracent un autre chemin. Moins de circulation automobile, plus de circulation en train, moins de produits phytosanitaires et plus de produits bio de qualité…

Que pensez-vous de la réaction des Verts qui ont estimé que le Grenelle était mort après le vote de la loi sur les OGM à l’Assemblée nationale ?

Les Verts, ils disent depuis le début que tout est mort et finalement ils y viennent, ça les regarde. Tout d’un coup, ce pour quoi ils militent depuis 30 ans a commencé à voir le début d’une résolution. Ils voient passer le train sans en être. Il y a du dépit dans tout ça. On peut être critique sur la loi mais le fait est là, il n’y a plus d’OGM en France au jour d’aujourd’hui, on y est arrivé. C’est simple, on avait deux possibilités pour les OGM : ou bien on se battait front contre front en exigeant l’interdiction totale des OGM, ou bien on élaborait une loi qui fait que la culture des OGM devienne de plus en plus difficile. Aujourd’hui, il n’y a plus de culture d’OGM en France. Il y a certes une loi qui laisse la possibilité d’avoir des OGM mais notre action vise à établir un espèce de moratoire technique et c’est le cas.

Les lobbies ont quand même été très présents lors du vote…

On ne peut pas empêcher les lobbies, c’est le fonctionnement de la démocratie. Mais je ne pense pas que ce soient les lobbies en tant que tels qui influencent le plus les choix politiques de la majorité, je pense que c’est leur culture profonde. Pour eux, les OGM, c’est « la science nous apporte la résolution des problèmes ». Nous, nous leur disons que la science peut entraîner des dégâts environnementaux et sociaux, l’innovation en tant que telle n’est pas forcément bonne à prendre.

Que répondez-vous aux critiques concernant le flou du chiffrage financier du projet de loi « Grenelle de l’environnement » ?

Ce projet de loi d’orientation n’a pas à être chiffré, c’est une loi cadre qui donne un horizon, ensuite viendront les lois d’application, nous serons alors très attentifs.

Pensez-vous que la révolution écologique que Nicolas Hulot appelle de ses vœux dans son Pacte écologique est en marche ?

Oui, absolument. N’importe quel observateur de bon sens s’aperçoit du trajet parcouru ces dernières années. Ce n’est pas seulement dû à notre action, nous avons accompagné cette prise de conscience de la manière la plus active possible. Chaque citoyen touche du doigt la question du réchauffement climatique, les problèmes sanitaires, l’extension des cancers, le manque d’eau… C’est cette expérimentation que les gens font qui implique cette prise de conscience. On a essayé de « coaguler » tout ça. Il me semble que cela a progressé, je ne vois pas comment on pourrait dire l’inverse.

Etes-vous satisfaits de la couverture médiatique du Grenelle ? Pensez-vous que les journalistes intègrent plus qu’avant la dimension écologique dans leur métier ?

Dans tous les journaux où j’ai travaillé, j’ai essayé de faire monter ce sujet, cette préoccupation. Je me heurtais à de grosses difficultés culturelles. Je me souviens au Monde, entre autres, combien c’était difficile. Aujourd’hui, les médias en général accompagnent cette prise de conscience même s’ils le font plus ou moins bien. Le Figaro fait appel à des points de vue critiques mais ils sont obligés de traiter le sujet, c’est ça qui change. On a réussi à mettre la question écologique au cœur des débats politiques, économiques et sociaux en France.

Sur quels critères jugerez-vous la réussite ou l’échec du Grenelle ?

Il faut continuer à se battre. On ne peut engranger des effets positifs que si la société dans son ensemble nous appuie. C’est pour ça que la démarche du Grenelle est très importante pour nous. Les collèges présents au Grenelle étaient représentatifs de la société française. C’est très important qu’on puisse avancer sur des propositions concrètes. Nous pensons que l’amplitude des enjeux est telle qu’on ne parviendra pas à trouver une solution par un coup de force quelconque. Il faut convaincre culturellement l’ensemble de la société. Cela passe par un débat démocratique avec différents intérêts, des heurts. On n’imposera pas la révolution écologique. Cela demande un changement de comportement individuel.

Pensez-vous que la France pourra entraîner l’Europe dans son sillage en matière écologique lorsque le pays prendra en juillet la présidence de l’Union européenne ?

Je ne sais pas si ça va se produire à ce moment-là mais nous, on agit là où on est, on mise sur l’exemplarité des actions menées en France. Vu la dimension des problèmes, cela ne pourra prendre sa véritable échelle qu’au niveau international, précisément au niveau européen. Le gouvernement est déchiré entre la logique du Grenelle et d’autres logiques comme celle de la Commission Attali (5), qui vont à l’encontre de l’esprit du Grenelle. Nous sommes à un moment charnière, c’est normal qu’il y ait des contradictions, reste à savoir lesquels vont l’emporter, on est sûr de rien.

(1) Jean-Paul Besset a été journaliste à Libération et rédacteur en chef du journal « Le Monde » pendant dix ans.

(2) « Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire », coll. Fayard, 2005.

(3) Les groupes de travail ont regroupé cinq collèges : les associations, le patronat, les syndicats, l’Etat et les collectivités locales.

(4) Ces associations sont : World Wild Fund for nature (WWF), Greenpeace, les Amis de la terre, la Fondation Nicolas Hulot, la Ligue de protection des oiseaux, le réseau Action climat, France Nature environnement (FNE), la Ligue pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs (ROC).

(5) Le rapport Attali propose de remettre en cause le principe de précaution, inscrit actuellement dans la Constitution française, considéré comme un frein à la croissance, aux investissements et à l’innovation.

Mai 68 : La démocratie déferle sur les bancs de l’université

A l’occasion du quarantième anniversaire de Mai 68, le journal Midi Libre réalise un dossier spécial dans la semaine du 4 au 11 mai. Le dossier se décline en thématiques. Voici la page qui traite du mouvement étudiant.

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Littérature sur Mai 68 : les pavés ne font plus recette

Pour ses quarante ans, Mai 68 fait un retour en force dans l’espace public. Emissions spéciales, hors-séries de quotidiens de l’époque, témoignages,… la révolte populaire devient, comme beaucoup d’évènements historiques, un marché pouvant s’avérer lucratif. A Montpellier, les quatres grandes librairies de l’Ecusson (FNAC, Virgin, Sauramps et Gibert Joseph) consacrent leurs vitrines et leurs rayons à l’évènement. Plus d’une centaines d’ouvrages sont disponibles mais aussi des cds, dvds et produits dérivés en tout genre. Devoir de mémoire ou vague marketing?

Qui achète Mai 68?

La tendance verse dans la nostalgie plutôt que dans la découverte. Pour Alain Monge, responsable de l’espace vente à Sauramps: « C’est globalement un public qui a connu Mai 68, même jeune. Pas mal étudiants n’apprécient pas que l’on compare tout le temps les mouvements étudiants actuels à ce qui s’est passé en Mai 68. » Au Virgin, même son de cloche de la part du responsable, Philippe Castelneau : « Les livres de nostalgie et de commémoration marchent mieux que les livres de fond. » A la Fnac, rares sont les têtes blondes qui s’arrêtent devant le rayon dédié. Pour Paul, 65 ans, hypnotisé par les images des barricades diffusées sur l’écran géant :  « Cela me fait une sensation bizarre de revoir tout ça. A part ceux qui, comme moi, y étaient, je ne vois pas qui cela peut intéresser. Et encore, je ne vais pas acheter ce que j’ai vécu en vrai. »

Quels sont les succès et les flops des rayons?

Les ouvrages « grand public » comme le Hors-série de Télérama (1) ou les recueils de photographies (2) marchent très fort, au détriment du texte pur et des analyses du mouvement contestataire. Exception faite de l’ouvrage de Daniel Cohn-Bendit, Forget 68 (3). Le leader de l’époque se trouve en bonne place sur les rayons. Témoignage également et succès surprise pour Le Jour où mon père s’est tu, de Virginie Linhart (4). « Les gens cherchent davantage de témoignages, de souvenirs. Par exemple, les slogans de 68 (5)se vendent très bien, c’est petit et pas cher, on le place d’ailleurs en appel de caisse comme pour les chewing gum. », précise Alain Monge. Au rayon des bides, Les Années 68 (6), ouvrage très complet mais très épais, n’attire pas les foules. Le public étant en majorité grisonnant, les ouvrages destinés à ceux qui n’ont pas connu Mai 68 ne s’arrachent pas. Au Virgin, «les ouvrages clins d’oeil ne décollent pas, les gens restent attirés par ce qui est visuel » explique M.Castlelnau. André et son fils Raphaël Glucksmann arrivent en bonne place dans ces ouvrages surfant sur Mai 68 (7).

L'espace actualité de Sauramps, tout de rouge vêtu

Beaucoup de bruit mais pour quoi?

Entre les quatres « grands de Montpellier », le bilan apparaît comme mitigé. A Gibert Joseph, qui consacre le plus petit espace à Mai 68, « Globalement, cela ne marche pas », explique la responsable qui a agencé le rayon suivant ses goûts pour les ouvrages. D’ailleurs, le rayon ne passera pas le mois de Mai. Sauramps a mis, quant à lui, les petits plats dans les grands. Le lieu consacre à Mai 68 toute sa vitrine de l’étage inférieur, en plus du rayon Actualités : « On a commencé il y a déjà deux semaines pour un résultat satisfaisant. L’évènement fait grimper les ventes de tout le rayon actualité politque et si la vitrine s’arrête fin mai, le rayon restera jusqu’à mi-juin ». En tout, une centaine d’ouvrages s’affichent à Sauramps, tout comme au Virgin ou un PLV (Publicité sur lieu de vente) est mis en place pour tout le mois de mai. Le choix des ouvrages sélectionnés résulte d’un rapport rentablilité/qualité. On parle alors de
« choix judicieux » ou « pertinent » et on raisonne en terme de « potentiel » de l’auteur à faire vendre.

Le site de la Fnac voit grand et propose une large gamme de

La Fnac ne s’embarasse pas de ce genre de questions et remporte la palme de l’offre. Un grand rayon au fond du magasin avec un large écran plat et plusieurs petits coins consacrés à tout ce qui peut ou a pu avoir un rapport avec Mai 68. C’est une opération nationale et personne ne souhaite répondre aux questions sur la pertinence et la stratégie d’une telle opération. Le catalogue spécial Mai 68 ressemble d’ailleurs à à la liste de noël d’un soixante-huitard passionné : slogans, affiches, ouvrages de fond, de forme mais également tout ce qui a pu passer musicalement pendant l’année 68 (Georges Moustaki, la comédie musicale Hair, Michel Polnareff, The Grateful Dead,etc). La stratégie de la chaîne s’ouvre même sur le mouvement hippie, la liberté sexuelle, l’émancipation des femmes et tout ce qui a pu découler du mouvement de Mai 68 jusqu’à aujourd-hui, c’est dire que l’offre est large mais avec parfois, une pertinence mystérieuse.

Le catalogue Mai 68 de Sauramps reprend en couvertude une des affiches du mouvement Finalement, Mai 68 est à la France, ce que 1907 a été à la région Languedoc Roussillon : la commémoration d’un événement marquant avec tous les points de vues et les produits disponibles sur la question. Alain Monge, de Sauramps, conclut sur ce phénomène : «Si on compare Mai 68 et 1907 dans les ventes : le premier bénéficie de beaucoup plus de titres disponibles mais pour le nombre d’exemplaires vendus par titre, 1907 arrive premier, ce qui n’empêchera pas l’anniversaire de Mai 68 de faire plus de chiffre que celui de 1907. » La déferlante Mai 68 arrive à Montpellier comme une vaguelette sur le Lez. A la question posée par le catalogue spécial de Sauramps, que reste-t-il de nos révoltes?, il semble bien triste de répondre : la nostalgie de la forme et non du fond.

Sarkozy s’attaque aux hôpitaux

Le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy a présenté, jeudi 19 avril à Neufchâteau (Vosges), le rapport du sénateur UMP et ancien ministre du Travail Gérard Larcher, qui vise à réformer l’hôpital en regroupant les établissements de santé. Alors même que le déficit des hôpitaux publics est estimé entre 700 et 800 millions d’euros en 2007, ce texte ne comporte pas la moindre annonce budgétaire.

« Cette réforme trop longtemps différée est une réforme majeure. » Hier à Neufchâteau, le président de la République a insisté sur l’aspect capital de ce vingtième rapport sur la santé en six ans : « Le refus de la réforme conduira à la fermeture des hôpitaux. »
Jean-Olivier Arnaud, directeur général du CHU de Nîmes, partage cet avis et revient sur les trois propositions phare du texte.

Les hôpitaux regroupés comme les communes

Les regroupements d’hôpitaux paraissent inévitables aux yeux de Jean-Olivier Arnaud. Nicolas Sarkozy entend favoriser la mise en réseau d’établissements de santé en créant des communautés hospitalières de territoire. Ces dernières verraient le jour grâce à des aides et des subventions, à hauteur d’une dizaine de milliards d’euros. Pour le directeur nîmois, il s’agit d’une des innovations les plus intéressantes : « Cela va faciliter la mission de service public des hôpitaux. Il y aura ainsi une continuité de la prise en charge du patient, de son domicile jusqu’à son retour chez lui. »2008-04-10T095038Z_01_NOOTR_RTRIDSP_2_OFRTP-FRANCE-HOPITAUX-LARCHER-20080410.jpg

Collaborations accrues avec le secteur privé

Cette mesure s’accompagne d’une porosité accrue entre les secteurs publics et privés. Si ce concept semble novateur, il n’en est rien pour Jean-Olivier Arnaud : « A Nîmes, nous avons déjà passé des conventions avec des établissements privés. Les dirigeants hospitaliers sont convaincus qu’il faut développer de tels partenariats, notamment avec les médecins libéraux. » La maternité privée de Ganges et le CHU de Nîmes travaillent en symbiose, par le biais de la visioconférence. Entre Montpellier et Nîmes, les échanges sont également antérieurs au rapport, d’après le directeur gardois : « Nous collaborons déjà dans plusieurs domaines. Beaucoup de médecins sont passés par les deux hôpitaux, nous sommes aussi liés par la faculté de médecine. »
Cette coopération entre public et privé vise également à endiguer la concentration des établissements de santé à but lucratif. Nicolas Sarkozy craint, en effet, un « risque de monopole des cliniques privées, guidé par des fonds de pensions ». Pour Jean-Olivier Arnaud, cela pourrait engendrer une perte de la qualité des soins.

Le directeur d’hôpital devient le seul patron

Avec le rapport Larcher, le rôle du directeur d’établissement va également être bouleversé. « Les pouvoirs du directeur seront accrus afin que les hôpitaux aient un seul patron et un seul », a affirmé Nicolas Sarkozy. Sur ce point névralgique, Jean-Olivier Arnaud ne se montre pas hostile : « Moi, je compte bien rester un directeur d’hôpital et ne pas devenir un chef d’entreprise. Je suis ancré dans les valeurs du service public. Mais si je peux être un acteur du changement… »
Le directeur du CHU de Nîmes justifie la future évolution de son statut par la nécessité, pour un hôpital, de devenir plus réactif à la mutation de la société : « Les directeurs d’hôpitaux posséderont les clefs des investissements. Nous aurons donc une plus grande liberté de gestion. Nous pourrons investir plus rapidement en s’exonérant de certaines règles du marché public. » Jean-Olivier Arnaud cite en exemple de cette plus grande latitude de décisions l’embauche des médecins : « Actuellement, dans certaines spécialités et zones géographiques, nous avons du mal à recruter. Avec cette mesure, chaque établissement pourra recruter plus facilement, en faisant des choix dans le cadre de sa liberté budgétaire. »
Dès l’annonce du rapport, des voix se sont élevées, exprimant leur inquiétude de voir disparaître les établissements les moins rentables. Mais pour Jean-Olivier Arnaud, « il ne s’agit pas de réformes visant à comprimer. Un établissement avec une bonne activité n’a rien à perdre. » Reste à voir ce qui va advenir des petites structures.

Graffé dans le marbre

Afin de rendre aux murs qui nous entourent leur mémoire oubliée, Gautier Bischoff et Julien Malland ont édité la collection Wasted Talent (aux éditions l’Oeil d’Horus) qui présente, sous le prisme de cinq monographies aux styles très différents, l’évolution de la culture graffiti sur les dernières décennies. Rencontre et interview autour d’un projet original et classe.

Talents gâchés, talents cachés

Wasted Talent, talent gâché et auparavant caché. Ce n’est plus le cas. Grâce à Julien Malland et Gautier Bischoff (auteurs de « Kapital, un an de graffiti à Paris », Alternatives, 2000) la collection de livres de graffitis, Wasted Talent, éditée par l’Oeil d’Horus (leur maison d’édition), a vu le jour. Avec pour objectif de mettre en valeur le travail d’artistes encore méconnus, la collection réunit cinq monographies pour rendre compte de l’évolution du graff sur une période donnée et garder trace de ces 003.jpgœuvres. Tout a commencé par le travail d’archivage et de compilation entamé par Gautier à la fin des années 1980. La mémoire de l’éphémère. Il a sillonné Paris et sa banlieue en quête de nouveaux blazes, d’oeuvres à découvrir. Est venu ensuite le moment de rendre hommage à quelques artistes dont la production méritait qu’on s’y attarde. Aussi, quant au choix des artistes qu’ils éditent, Gautier explique « qu’avec autant d’archives, les « mecs » on les connaît, on a vu leur évolution depuis 20 ans. Et c’est par rapport à sa production qu’on choisit le mec ».

Etape suivante, la proposition aux artistes de les éditer. Les réactions sont diverses. « Certains réagissent mal, ils me répondent : « attends je suis pas fini » car ils sont toujours en activité » confie Gautier. Zeky, un des artistes édité par Wasted Talent, n’a pas vu cette proposition du même œil. « Ca fait plaisir et ça me motive à aller plus loin, faire des dessins plus finis, plus professionnels ». Dize, un autre artiste de la collection, a consenti à être édité uniquement du fait que le livre ferait partie d’une collection. Wasted Talent cherche à valoriser avant tout le mouvement graffiti dans sa diversité de styles et d’approches.

Le goût de l’illégalité

Dans cette collection diversifiée, où on ne « retrouve pas toujours les mêmes profils », certains se distinguent par leur charisme ou par la singularité de leur histoire. Mais ces artistes ont en commun le goût de l’interdit associé aux valeurs de la culture hip-hop. « Le graffiti est authentique dans le sens où il est difficilement récupérable. La première discipline à avoir été récupérée dans le hip-hop c’est le rap, qui a malheureusement très vite vendu son âme. Le graffiti est le dernier résistant du hip-hop » juge Slice. Vraie culture hip-hop donc sur fond d’illégalité. Car l’interdit est bien l’adrénaline du graffeur. Toujours selon Slice : « Le graffiti illégal est une drogue. Le graffiti en terrain c’est travailler sans contrainte de temps, l’opportunité d’essayer des couleurs, des styles. On fait de l’illégal parce qu’on en a besoin. »
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Chez les graffeurs, l’illégalité va même jusqu’à la bombe de peinture que beaucoup volent, par habitude ou par principe. L’adrénaline du premier coup de peinture sur un mur public, ce sentiment d’enfreindre une loi mais « de mettre de la couleur là où il n’y en a pas », c’est tout cela qui les a attiré dans cet univers. « Dès la première prise tu es accroc, c’est pire que le crack. C’est un besoin d’exister » affirme Zeky. L’actualité n’est pas encore au graff commercial, comme cela peut l’être aux Etats-Unis. Selon Gautier, « en France, les institutions ne sont pas prêtes à faire travailler des graffeurs. Le graffiti est toujours associé aux notions de vandalisme et d’illégalité ».

 » Je cultivais un coté Arsène Lupin du graffiti : «c’est un taggueur oui mais c’est un gentleman» »

Aujourd’hui, alors que la scène graffiti est variée et riche, « beaucoup plus riche que ce que l’on avait au départ, avec beaucoup de concurrence et de styles variés » assure Zeky, la collection Wasted Talent ne se veut pas un historique du mouvement graffiti. Ainsi les cinq artistes que compte la collection sont issues de générations différentes. Mais la structure des livres restent la même et suit une logique similaire pour les cinq artistes édités : Zeky, Poch & Rock, Darco, Nasty & Slice et enfin Dize. Les bouquins commencent tous sur une partie historique revenant sur des anecdotes des artistes, notamment relative à leur arrivée dans le graff. Mais, plutôt que de s’étaler sur l’ensemble d’une « carrière », ce travail de mémoire est concentrée sur une période donnée : 010.jpgDize montre uniquement la période 2000 à 2004 alors que la période traitée pour Nasty & Slice est beaucoup plus longue car ils avaient une grosse activité au début des années 1990, « avant la révolution du graff ». Pour Zeky, la période concernée va de 2000 à 2006. « Ce n’est pas « ma vie, mon œuvre » qu’on a voulu faire sur chaque artiste mais bien un zoom sur une période précise » explique Gautier.

Cette partie rédactionnelle, où l’on retrouve des interviews des graffeurs et des infos sur leur histoire, est évidemment illustrée par des photos. Ici on apprend les changements de « blaze » pour éviter de se faire reconnaître par les flics, les courses-poursuites avec ces mêmes flics ou bien les différents spots exploités. C’est là qu’on découvre l’excentricité de Slice dans le monde du graff. « J’allais en costard dans les dépôts et je cultivais un coté Arsène Lupin du graffiti : « c’est un taggueur oui mais c’est un gentleman. » »

La deuxième partie des bouquins est plus critique et plus artistique dans le sens où elle présente de nombreux graffs légendés. Afin d’avoir des avis plus objectifs et sans compromis, ce ne sont plus seulement les artistes qui parlent de leurs graffs mais des acteurs du mouvement qui ont une légitimité et qui ne connaissent pas toujours personnellement les auteurs des graffs. Pro, à propos de Nasty & Slice, y écrit par exemple : « Petit, je me prenais leurs flops dans la gueule en allant dans le XIIème. Je les ai vu peindre à Javel à 14 ans. Ils étaient les boss des lettres, des phases avec des flèches, des lettrages bien ricains. Ils m’ont donné les bases pour faire ce que je fais aujourd’hui ».