18:05 heure française, midi passé de cinq minutes à Washington, Barack Obama est officiellement président des États Unis. Le 44ème de l’histoire, le premier à la peau noire. Offensif, fier et réaliste, prononcé devant plus de deux millions d’Américains, son discours d’intronisation est un mélange inattendu de prodigalité personnelle et de vulnérabilité américaine. Les États Unis et Obama, une superpuissance et son homme fort attendus au tournant.
Ça y est, Barack Obama est l’homme le plus puissant du monde. Nicolas Sarkozy peut aller se rhabiller. Une page s’est officiellement tournée à Washington hier. À 47 ans, concrétisant par son arrivée le rêve de millions d’afro-américains, ce sénateur de l’Illinois de père Kényan et de mère blanche prend les commandes de la première puissance mondiale. Et ce, avec une certaine classe. Là où Martin Luther King avait confié « I have a dream » 46 ans plus tôt, Barack Obama a déclamé comme jamais. Surplombant deux millions de spectateurs du haut du Lincoln Memorial, le nouveau président des États Unis a produit un discours surprenant de concision et de réalisme. À ceux qui attendaient de grandes phrases, des promesses d’un soir, il s’est montré humble. Aux autres qui espéraient une réaction à la crise, il a donné des garanties.
Un peu plus tôt, Barack Obama faisait une entrée remarquée au Capitole. Dans la limousine officielle, deux hommes : le passé et le futur, George W. Bush et Barack Obama. Après une entrevue d’une heure à la Maison Blanche, les deux hommes d’État ont rejoint leurs prédécesseurs dans l’antichambre du parlement américain. De Jimmy Carter, président de 1977 à 1981, au petit dernier, tous ont répondu à l’invitation. À l’exception de Ronald Reagan, décédé en 2004. De retour côté foule, Barack Obama doit comme le veut la tradition prêter serment. Sous sa main, la Bible, celle qui avait servi à Abraham Lincoln il y a près de 150 ans. Dans l’angle droit de la caméra, sa femme, Michelle, submergée par l’émotion. Le regard est contemplatif. L’image, forte. Fait étrange, le futur président peine à trouver ses mots. Ces quelques lignes qui feront de lui le dirigeant des États Unis, Barack Obama a besoin que le président de la Cour Suprême les lui souffle. En quelques syllabes écorchées, « Dieu aidez moi », le voilà président.
« L’espoir plutôt que la peur »
Costume impeccable, acheté pour l’occasion, gants cuir, le show américain peut commencer. Derrière son pupitre de vitres pare-balles, Barack Obama embrasse les masses. -7° Celsius au compteur, et pourtant l’homme se tient droit, fier, naturel. Alors que l’Amérique fait face à une crise sans précédent, au chaos au Moyen-Orient, son nouveau président prend la peine de remercier l’ex locataire de la Maison Blanche. Quelques échos de mains frappées se font entendre puis repartent comme ils sont apparus, dans l’indifférence générale. Puis vient le constat : « Nous sommes en pleine crise. Il est vrai que ces conséquences sont la faute de certains (…) : nos écoles vont mal, nos entreprises vont mal, et chaque jour nous rappelle à quel point notre style de vie menace la planète ». Mais, dit-il, « si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est que nous avons choisi l’espoir plutôt que la peur. »
Sur une métaphore du voyage, de l’indépendance des colonies britanniques à aujourd’hui, Barack Obama choisit ses mots avec prudence. Économiquement d’abord, le président des États Unis montre du doigt l’instabilité d’un marché trop peu surveillé. Réponse au scandale Madoff, sa tirade « la nation ne peut prospérer longtemps quand elle ne profite qu’aux riches » arrache au Capitole quelques salves d’applaudissements. Une économie, « performante et inégalée » certes, mais à revoir. La santé ? « Trop coûteux. A améliorer. » Tabou entre tous les sujets, s’il y a bien une chose qui ne bougera pas trop sous l’ère Obama, c’est bien le style de vie à l’américaine. Basé sur la liberté de consommer, du carburant aux armes, comme tous ceux qui l’ont précédé le président Obama ne compte pas s’en excuser ou en changer. Les critiques des signataires du protocole de Kyoto n’y changeront rien. Qu’importe, les applaudissements sont là.
« Une Amérique prête à diriger »
Sur les questions internationales, le ton, grave, monte d’un iota. Barack Obama l’avait promis, et il récidive. L’Armée « quittera l’Irak de manière responsable », sans oublier « d’établir une paix chèrement acquise en Afghanistan ». Indéniablement le 11 Septembre et le bourbier irakien ont eu un impact considérable sur la politique internationale des États Unis « sa puissance ne lui permettant plus de se protéger de tout ou d’agir à sa guise. » Au monde arabe, il tend une main timide, pour des relations nouvelles « dans l’intérêt commun et le respect mutuel. » Puis, sans citer Hugo Chavez, qui compte parmi les plus virulents détracteurs de l’hégémonie étasunienne, il dénonce tous les dirigeants ayant blâmé le capitalisme qui a fait la grandeur de l’Amérique. A leur tour, dit-il, « ils seront jugés. Non pas sur leur médisance, mais sur leurs résultats. »
Plus que d’habitude, Barack Obama fait dans la simplicité. Sans arracher les larmes aux foules, sans créer l’émoi outre mesure, il met les points sur les « i » dans son style caractéristique : « À nouveau, l’Amérique est prête à prendre les rênes du monde. » De la puissance chancelante que l’on connaît aujourd’hui à l’État gendarme d’antan, il n’y a qu’un pas. Qu’en sera-t-il ? Partisan d’une nation « en amitié avec tout pays, homme, femme ou enfant à la recherche d’un futur fait de paix et de dignité », Barack Obama bote en touche. En conclusion, dans un élan digne de ses discours de campagne, le président appelle ses concitoyens à participer, « dès aujourd’hui » à l’effort national, et à commencer avec son équipe le travail de reconstruction des États Unis. Pour lui le plus dur reste à faire. Mais en ce premier jour de l’ère Obama, le monde devrait se satisfaire d’un petit « Congratulations Mister President ».
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